16 avr. 2024Recommandations EULAR

L’imagerie pour la mise en évidence des cristaux de l’arthropathie cristalline

Les arthropathies cristallines sont très fréquentes, leur fréquence augmentant avec l’âge. Jusqu’à présent, on ignorait quelle était la meilleure technique – échographie, radiographie ou scanner – pour la mise en évidence des dépôts d’acide urique et de phosphate de calcium. Des recommandations de l’EULAR viennent combler cette lacune.

Tophi de cheville en scanner double-énergie
Dr Tristan Pascart
Tophi de cheville en scanner double-énergie.

Les arthropathies microcristallines se caractérisent par des dépôts intra-articulaires et péri-articulaires de cristaux. Dans la goutte, les atteintes articulaires sont la conséquence d’un dépôt de cristaux d’acide urique. Les autres cristaux impliqués sont les cristaux de pyrophosphate de calcium (CPP) dans la chondrocalcinose et les cristaux de phosphate de calcium basique (PCB) dans le rhumatisme apatitique et la gonarthrose.

Le recours aux techniques d’imagerie pour évaluer les arthropathies microcristallines s’étant largement répandue au cours des deux dernières décennies, elles ont désormais été incluses dans les dernières recommandations sur la classification et le diagnostic de la goutte et de la chondrocalcinose. Toutefois, ces directives divergent parfois considérablement.

Ainsi, les divergences ne portent pas seulement sur l’évaluation de la performance diagnostique de chaque technique, mais également sur leur capacité à évaluer les atteintes structurelles et l’inflammation.

Cinq principes et dix recommandations concrètes

Ces divergences compliquent le choix de la méthode diagnostique la plus appropriée, écrivent le Dr Peter Mandl, service de rhumatologie, Hôpitaux universitaires, Vienne, et ses collègues de l’EULAR.

Pour y remédier, le groupe d’experts a élaboré, outre cinq principes généraux pour le diagnostic des arthropathies cristallines (voir encadré), dix recommandations concrètes scientifiquement fondées pour sélectionner la technique la mieux appropriée entre radiographie conventionnelle, échographie, scanner, tomodensitométrie double-énergie (DECT) et IRM :

  • En plus des articulations symptomatiques, les localisations typiques de chaque arthropathie cristalline doivent toujours être investiguées (articulation métatarsophalangienne [MCP] du gros orteil pour la goutte, genou et poignet pour la chondrocalcinose et épaule pour l’arthropathie due à la BCP).
  • Les performances de l’échographie et du scanner à double énergie (DECT) sont équivalentes pour le diagnostic de la goutte, le choix se faisant en fonction de la situation clinique et de l’expérience de l’examinateur.
  • En cas de présence de signes typiques d’un dépôt de cristaux d’acide urique à l’échographie, l’analyse du liquide synovial n’est en général pas nécessaire.
  • Les radiographies conventionnelles (scanner en cas d’atteinte axiale) et l’échographie sont recommandées pour l’évaluation de la chondrocalcinose.
  • Le diagnostic d’une arthropathie à PCB repose également sur l’imagerie – radiographie conventionnelle ou échographie selon la disponibilité.
  • Dans le cas de la goutte, le DECT et l’échographie ont aussi leur place pour suivre l’évolution du dépôt cristallin. L’échographie permet de suivre l’inflammation. En l’absence de disponibilité d’un DECT, la radiographie standard permet d’évaluer les atteintes structurelles.
  • En cas de chondrocalcinose et d’arthropathie à PCB, aucun suivi par imagerie n’est recommandé, sauf en cas de changement inattendu de l’évolution clinique.
  • L’évaluation de la quantité de cristaux d’acide urique déposés par DECT ou par échographie permet de prédire le risque de futures crises de goutte.
  • Si une analyse du liquide synovial est nécessaire en cas de goutte, la ponction et l’aspiration doivent toujours se faire sous contrôle échographique.

Les images obtenues doivent être montrées et expliquées aux patients. Cela leur permet de mieux comprendre le tableau clinique et, dans le cas de la goutte, peut également améliorer l’adhésion thérapeutique.

Grâce à ces recommandations pratiques, l’équipe d’experts espère faciliter le diagnostic des arthropathies cristallines pour les rhumatologues, les orthopédistes et les médecins généralistes. Notons toutefois que le niveau de preuve de ces recommandations est dans la plupart des cas encore relativement faible et que des recherches supplémentaires sont donc nécessaires.

Caractéristiques communes des arthropathies cristallines

Les cinq principes généraux présentés par le Dr Peter Mandl et son équipe sont les suivants :

A. Les arthropathies cristallines se caractérisent typiquement par des épisodes inflammatoires aigus intermittents, mais on observe aussi des évolutions chroniques avec une activité variable. L’évolution et la situation clinique conditionnent également le choix de l’imagerie appropriée.
B. Dans les arthropathies cristallines, l’imagerie fournit des informations précieuses sur le dépôt cristallins, l’inflammation et les atteintes structurelles.
C. La mise en évidence de dépôts cristallins à l’imagerie n’est pas toujours associée à des manifestations cliniques.
D. Toutes les informations concernant les patients (anamnèse, examen clinique, résultats de laboratoire, analyse du liquide synovial) seront prises en compte en amont de l’imagerie.
E. Les examens d’imagerie seront réalisés et interprétés par des professionnels de santé spécialement formés.