16 oct. 2024Lorsqu’une grave menace pèse sur le cœur et les vaisseaux

Panartérite noueuse et syndrome de Kawasaki

La panartérite noueuse et le syndrome de Kawasaki sont un véritable défi diagnostique en raison de leurs manifestations hétérogènes. Dans le cas du syndrome de Kawasaki, il faut notamment agir vite car en l’absence de traitement agressif dans les premiers jours suivant le début des symptômes, il y a risque de lésions coronariennes à terme.

Imagerie par résonance magnétique (IRM) cardiaque d'une myocardite chez un patient présentant des douleurs thoraciques.
Science Photo Library/Cavallini, James
Myocardite chez un patient souffrant de douleurs thoraciques, econnaissable à l‘hyperintensité sous-épicardique à l‘IRM cardiaque.

La panartérite noueuse (PAN) et le syndrome de Kawasaki font partie des vascularites primaires qui touchent principalement les vaisseaux de moyen et petit calibre.

La caractéristique commune des deux maladies est, outre l’épargne des vaisseaux microscopiques (artérioles, veinules, capillaires y compris les glomérules), l’absence d’anticorps cytoplasmiques antineutrophiles (ANCA), écrivent le Dr Ulrike Sixdorf, cliniques Helios Horst Schmidt, Wiesbaden, et le Pr Elisabeth Märker-Hermann, clinique DKD Helios, Wiesbaden (1).

Alors que le syndrome de Kawasaki ne touche presque que le jeune enfant, le PAN peut également se développer chez l’adulte, surtout entre 40 et 60 ans. Pour les deux maladies, il faut tenir compte d’un certain nombre de diagnostics différentiels (voir encadré), ce qui complique encore le diagnostic.

Des ressemblances à s’y méprendre

Les nombreux diagnostics différentiels compliquent le diagnostic du PAN ou du syndrome de Kawasaki. Il s‘agit principalement des tableaux cliniques suivants :

  • vascularites de type PAN-nécrosantes dues à des déclencheurs infectieux ;
  • immunodéficience ou maladies auto-inflammatoires (p. ex. déficit en adénosine désaminase 2 ;  DADA2) ;
  • vascularites associées à la fièvre méditerranéenne familiale ou à des maladies hématologiques (leucémie à tricholeucocytes, syndromes myélodysplasiques et myéloprolifératifs) ;
  • vascularites secondaires dans d‘autres maladies rhumatismales systémiques ;
  • syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique (SIMP) ;  cette réaction immunitaire hyperinflammatoire nouvellement observée lors de la pandémie touche principalement les enfants plus âgés et est déclenchée par une infection au SRAS-CoV-2. Il survient environ deux à six semaines après l‘infection et ressemble au syndrome de Kawasaki, mais ne constitue pas une sous-catégorie de cette maladie.

L’apparence du PAN varie fortement

Le PAN classique est une vascularite nécrosante dont la présentation clinique est très variable. Il existe des formes systémiques sévères ainsi que des manifestations localisées comme la PAN limitée à la peau.

Les vaisseaux sont menacés par des micro- et macro-anévrismes suivis d’infarctus et d’hémorragies. Des symptômes cliniques tels qu’un état général dégradé, une perte pondérale rapide, des sudations nocturnes et un état fébrile marqué sont presque toujours présents. Les autres manifestations potentielles sont :

  • arthralgies et myalgies ;
  • polyneuropathies ;
  • manifestations cutanées (nodules, purpura, livedo reticularis) ;
  • hypertension, insuffisance rénale ;
  • hémorragies gastro-intestinales, appendicite, pancréatite ;
  • orchite ;
  • vascularite rétinienne, uvéite, sclérite, kératite ;
  • atteintes neurologiques centrales.

Outre la clinique et l’absence d’ANCA, la mise en évidence d’anévrismes à l’angiographie est déterminante pour le diagnostic.

Critères diagnostiques et examens complémentaires pour lapanartérite noueuse

Les examens de laboratoire montrent des signes d’inflammation non spécifiques, une anémie inflammatoire et, le cas échéant, une dégradation de la fonction rénale sans sédiment urinaire actif.

En outre, la mise en évidence d’une vascularite nécrosante des artères de taille moyenne est souvent nécessaire pour confirmer le diagnostic. Cela peut se faire par une biopsie cutanée ou musclulaire, ou en combinant la tomographie par émission de positons (TEP) et la tomodensitométrie (TEP-TDM).

Stratégies thérapeutiques pour la panartérite noueuse

Dans la PAN, l’option thérapeutique dépend du degré de sévérité et de la manifestation. En cas de maladie active ou menaçante pour les organes, on prescrira d’abord de fortes doses de méthylprednisolone par voie intraveineuse en association à du cyclophosphamide. Après rémission, on passe à des immunosuppresseurs moins toxiques comme le méthotrexate (MTX), l’azathioprine (AZA) ou le mycophénolate mofétil (MMF). Si la maladie n’est pas active, les corticoïdes oraux plus MTX, AZA ou MMF sont indiqués ;  en cas de rémission supérieure à 18 mois, l’arrêt des immunosuppresseurs peut être envisagé, selon les experts.

Les anti-TNF sont indiqués en cas de diagnostic d’un déficit en adénosine désaminase 2 (DADA2). La panartérite noueuse limitée à la peau peut d’abord être traitée de manière non immunosuppressive par l’hydroxychloroquine, la colchicine ou la dapsone. En cas d’atteinte nerveuse périphérique, une thérapie physique est en outre recommandée. Les patients présentant des atteintes vasculaires ou des anévrismes seront suivis par imagerie.

Présentation clinique et phases du syndrome de Kawasaki

Le syndrome de Kawasaki est une vascularite autolimitée qui évolue généralement en trois phases. Environ 85 % des patients ont moins de huit ans et seulement 1 % ont de plus de dix ans.

La première phase se caractérise par une fièvre qui ne répond pas aux antibiotiques. S’y ajoutent souvent

  • des troubles abdominaux,
  • des brûlures oculaires,
  • un exanthème marqué au niveau du tronc et
  • des symptômes muqueux tels que des brûlures linguales et une inflammation labiale.

Au cours de la deuxième phase, la fièvre diminue et une desquamation de la peau des mains et des pieds peut apparaître. L’entrée dans la troisième phase marque le début de la convalescence, qui peut durer des mois. Des semaines après la disparition des symptômes aigus, une atteinte cardiaque avec endocardite, myocardite ou péricardite peut encore survenir. En outre, une atteinte des artères coronaires est possible, avec des conséquences tardives à l’âge adulte.

Les coronaires souffriront d’un traitement tardif

En laboratoire, le syndrome de Kawasaki se caractérise par des paramètres inflammatoires élevés et des signes d’anémie, de thrombocytose, de leucocytose et une déviation gauche. L’implication cardiaque peut être déterminée par le dosage de la troponine T, de la créatine kinase de type myocardique (CK-MB) et du NT-proBNP. L’ECG, l’échocardiographie, le scanner cardiaque, l’IRM cardiaque et/ou l’angiographie coronarienne permettent de vérifier son étendue et sa sévérité.

Les principaux objectifs du traitement du syndrome de Kawasaki sont de maîtriser rapidement l’inflammation et d’empêcher l’agrégation plaquettaire.

Pour ce faire, on utilise des immunoglobulines intraveineuses et de l’acide acétylsalicylique (AAS), ainsi que des corticoïdes en cas d’atteinte coronarienne. Le traitement doit être initié dans les cinq jours suivant l’apparition des symptômes. Un début de traitement plus tardif peut avoir des conséquences fatales. Il entraîne dans environ 30 % des cas des lésions sévères des artères coronaires.