7 avr. 2024Pertinence des préparations magistrales et des médicaments à formule en temps de crise

Contrer les mécanismes de résistance avec la phytothérapie

Les formules magistrales permettent des traitements individualisés. Les médicaments à formule peuvent en outre se montrer précieux en cas de pénurie de médicaments et de résistance aux antibiotiques et contribuer à une médecine plus durable, a expliqué le Dr Beatrix Falch, pharmacienne et vice-présidente de la SMGP lors de la réunion annuelle de la Société médicale suisse de phytothérapie (SMGP).

Medizinische Pflanzen: Tausendgüldenkraut, Rosmarin, Thymian und Thymianöl.
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Les phytothérapeutiques sous forme de formules concernent souvent des plantes médicinales n’existant pas sous forme de préparations prêtes à l’emploi.

Avec les médicaments dits à formule, les pharmacies ont la possibilité de fabriquer elles-mêmes des préparations. Elles peuvent les préparer avec leur propre formule ou utiliser une formule publiée dans la littérature spécialisée (p. ex. pharmacopée) avec des substances non soumises à prescription, conformément aux BPF (bonnes pratiques de fabrication).

« Ces préparations étant en général fabriquées ad hoc et uniquement pour une personne donnée, elles sont exemptées de l’obligation d’autorisation par Swissmedic », a expliqué le Dr Falch. Des médicaments à formule prescrits par un médecin (= préparations magistrales) peuvent également contenir des substances soumises à ordonnance. Si, en outre, les substances actives et auxiliaires utilisées figurent dans la liste des médicaments avec tarif (LMT), l’assurance de base prend en charge les coûts de telles prescriptions magistrales.

Un effet anti-infectieux des huiles essentielles

Les médicaments à formule permettent d’individualiser les thérapies. Ils peuvent en outre être précieux en cas de résistance bactérienne.

En phytothérapie, certaines huiles essentielles (HE) ont des effets antibactériens et antiviraux marqués. Comme toutes les préparations à base de plantes, elles sont des mélanges de plusieurs substances. « Les composants entretiennent entre eux un vaste réseau pharmacologique », a expliqué le Dr Falch.

Les différentes substances de l’huile essentielle de thym se distinguent ainsi par leurs effets sur la membrane et d’autres composants cellulaires. « Ainsi, le phénol, qui a un puissant effet anti-infectieux, ne pénètre pas bien dans la cellule. Le p-cymène, un monoterpène à l’effet anti-infectieux moins prononcé, améliore toutefois la perméabilité de la membrane en raison de sa structure et permet ainsi au phénol de mieux pénétrer dans la cellule où il peut déployer ses effets antibactériens », a expliqué la spécialiste en phytothérapie. De telles synergies peuvent encore être renforcées par des mélanges.

Le géraniol, également présent dans l’huile essentielle de thym en plus ou moins grande quantité selon le chémotype, possède une autre propriété remarquable. Certaines bactéries résistantes peuvent p. ex. faire sortir immédiatement de la cellule les antibiotiques qui y ont pénétré. Le géraniol peut inhiber ce mécanisme de pompage. « La combinaison d’un antibiotique et d’une huile essentielle pourrait donc minimiser, voire supprimer la résistance des bactéries », a expliqué le Dr Falch.

Le plus tôt sera le mieux

Comme toujours en phytothérapie, le traitement précoce prend toute son importance. Plus le remède à base de plantes est utilisé tôt, plus il aura de chances d’être efficace. Les préparations à base de plantes étant des mélanges de plusieurs substances, les bactéries ne peuvent guère développer de résistance, contrairement à ce qui est le cas avec les mono-préparations chimiques et pharmaceutiques.

Des recherches ont également été menées sur l’effet des différents composants des plantes et sur l’intensité de ces effets. « Le thymol, le 1,8-cinéole et le terpinène-4-ol, notamment, sont particulièrement efficaces contre les souches bactériennes résistantes aux antibiotiques », a expliqué l’intervenante. Une phytothérapie adjuvante peut donc contribuer à une épargne d’antibiotiques. Grâce aux aromatogrammes, il est aujourd’hui possible d’identifier les huiles essentielles qui sont le plus efficaces contre une bactérie donnée. « Dans les cas complexes, il peut être intéressant d’analyser les germes infectieux d’un patient dans un frottis et de donner ensuite un traitement phytothérapeutique ciblé », a expliqué le Dr Falch.

Le choix d’une médecine durable

La phytothérapie peut également se montrer utile en cas de pénurie de médicaments et de substances actives. Pour les infections urinaires p. ex., il existe plusieurs préparations prêtes à l’emploi, telles

  • les préparations à base de capucine et de racine de raifort (Angocin®),
  • de centaurée,
  • de racine de livèche et de feuilles de romarin (Canephron®) et
  • de feuilles de raisin d’ours (Cystinol®).

Les pharmacies peuvent également préparer des médicaments de formule avec leurs composantes.

« Une grande partie de la production de médicaments phytothérapeutiques sous forme de formules concerne des plantes médicinales qui n’existent pas sous forme de préparations prêtes à l’emploi », a expliqué l’intervenante. Elles sont notamment fabriquées sur la base d’une prescription médicale magistrale. Les cours de la SMGP enseignent ce à quoi il faut être attentif lors de l’établissement de telles formules.

Une médecine plus durable

« Enfin, les médicaments à formule peuvent également contribuer à une plus grande durabilité de la médecine », a poursuivi le Dr Falch. En choisissant judicieusement les plantes et en portant une attention particulière aux espèces de plantes menacées (liste rouge), à la culture, à l’emballage, au transport, à la gestion des matières premières et au stockage, il est possible d’agir en faveur d’une médecine plus respectueuse de l’environnement.