Dermatoses exotiques : des souvenirs de voyage parfois durables
Pour de nombreux globe-trotters, les moustiques et les puces sont plus que de simples compagnons gênants. Ces gêneurs peuvent en effet transmettre des maladies cutanées graves. Même sans intermédiaire animal, les mycoses menacent, et peuvent parfois rester indétectées pendant des années. L’Amérique centrale et l’Amérique du Sud ont malheureusement quelques points forts à offrir à cet égard.

Lors de séjours dans les pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, on ne peut pas exclure de ramener quelques dermatoses spécifiques.
Les voyageurs peuvent par exemple attraper une tungiasis sur les plages du Brésil. D’autres parasitoses encore plus problématiques, comme la leishmaniose, ne se manifestent souvent que longtemps après le retour. Lors d’un forum sur la santé en voyage, le Dr Friederike Kauer, dermatologue à Berlin, a également évoqué les infections fongiques, qui peuvent couver pendant des années.
Tungose
La tungose, ou sarcopsyllose, est une maladie cutanée parasitaire causée par la puce-chique (Tunga penetrans), également appelée jiggers, une puce vivant dans le sol, notamment le sable. Ce parasite se nourrit de sang de mammifères. Elle vit dans les régions tropicales et subtropicales. La femelle pénètre dans la peau de l’hôte, ne laissant s’aboucher à la peau que l’orifice de ponte. Elle sécrète ensuite des milliers d’œufs qui tombent au sol et deviennent adultes.
Cliniquement, on observe d’abord une papule érythémateuse, puis un nodule avec un pore central noir. Il ne reste qu’une pustule et une ulcération recouverte de graisse. En principe, la maladie est autolimitante, a expliqué l’intervenante car la femelle meurt après expulsion des œufs. Mais en raison des fortes démangeaisons et des lésions de grattage, il y a presque toujours un risque élevé de surinfection.
Sur le plan thérapeutique, l’élimination manuelle du corps de la puce est au premier plan du traitement, suivie de l’occlusion par des produits à base de diméticone. Il est important de prendre des mesures antiseptiques pour éviter les surinfections. En cas d’infestation disséminée, on peut utiliser la diméticone ou l’ivermectine en application topique.
Leishmaniose
La spécialiste a par ailleurs cité le cas d’un patient qui avait observé des papillons en Amazonie. Quelques semaines plus tard, des ulcérations étaient apparues sur son ventre et avaient rapidement grandi. Une biopsie effectuée en périphérie des ulcères a révélé la présence d’« amastigotes », la forme non flagellée de Leishmania.
Les vecteurs de ces protozoaires sont des phlébotomes, des insectes crépusculaires et nocturnes mesurant 1 à 3 mm. « Ce moustique ne peut voler qu’à une hauteur de 1,5 à 2 mètres, a expliqué la spécialiste, ce qui fait que vous êtes déjà à l’abri au premier étage d’un hôtel ». Le réservoir de l’agent pathogène comprend les rongeurs, les moutons et les chiens. Les leishmanies sont aussi régulièrement importées par des chiens qui ont été recueillis dans le sud de l’Europe. En Europe, en Asie et en Afrique, la leishmaniose cutanée est transmise par des phlébotomes du genre Phlebotomus, et dans le Nouveau-Monde par les genres Lutzomyia et Psychodopigus. Les répulsifs protègent contre la maladie.
Gravité variable selon l’espèce et la réponse immunitaire
La sévérité de la maladie dépend de l’espèce de Leishmania et de la réponse immunitaire des personnes infectées. Au niveau cutané, on distingue des lésions simples et des lésions complexes (voir encadré). La leishmaniose est une dermatose du voyageur de premier plan, a souligné le Dr Kauer. La période d’incubation est d’au moins deux semaines, le plus souvent de plusieurs mois à deux ans. Les diagnostics différentiels incluent l’ecthyma – une forme d’impétigo – ainsi que la pyodermie, la tuberculose cutanée, la mycobactériose atypique, la tinea profunda, la syphillis primaire (lues I) et les tumeurs cutanées.
Il faut toujours chercher à différencier les sous-espèces pour optimiser le traitement, a conseillé la spécialiste. Chez le patient cité, on a finalement détecté Leishmania brasiliensis. Il a d’abord reçu un traitement antiseptique local, puis 150 mg/j de miltéfosine pendant 28 jours.
Chromoblastomycose
La chromoblastomycose peut se présenter cliniquement de manière très variable. Tout est possible, des lésions papuleuses aux lésions nodulaires, des formes verruqueuses aux formes papillomateuses et végétatives, a rapporté le Dr Kauer. Les responsables sont les champignons noirs, qui pénètrent par de petites lésions cutanées.
À l’échelle mondiale, ces mycoses chroniques progressives sont plutôt rares, si ce n’est au Mexique et en Amérique du Sud. La maladie est souvent mal diagnostiquée, en particulier au retour de voyages. « Certaines personnes sont porteuses de la maladie pendant vingt ans sans être diagnostiquées ».
La mycose se limite généralement à la peau et à l’hypoderme – les articulations, les fascias, les tendons et les muscles sont épargnés. Les démangeaisons sont parfois très vives, voire douloureuses. Après une longue période, la maladie entraîne une fibrose cutanée et un lymphœdème peut se développer jusqu’à l’éléphantiasis. Les surinfections bactériennes sont régulières et des co-infections par d’autres agents pathogènes comme les leishmanies ou Mycobacterium lepræ ont été décrites. Au stade avancé, une évolution maligne vers un carcinome épidermoïde est en outre possible.
Selon le Dr Kauer, l’excision chirurgicale est l’approche la plus simple sur le plan thérapeutique. Parmi les autres options, elle a cité la cryothérapie, le traitement thermique local, la thérapie au laser ou photodynamique, le tout combiné à des antifongiques systémiques. L’itraconazole et la terbinafine ont entre autres ont fait leurs preuves mais ils doivent être prise sur une période prolongée, allant de huit à dix mois.