Thérapies complémentaires et alternatives pour troubles gastro-intestinaux
Les patients atteints de maladies gastro-intestinales sont souvent prêts à faire des efforts pour être soulagés de leurs symptômes. Pour cela, ils se tournent de plus en plus souvent vers les thérapies complémentaires et la médecine alternative – et semblent au demeurant en être très satisfaits.

Quel est le profil du patient type soucieux de contrôler par une approche « naturelle » ses symptômes d’un syndrome des intestins irritables, ses nausées permanentes ou sa dyspepsie fonctionnelle ? Selon la littérature, c’est une femme de catégorie socioprofessionnelle supérieure, le cas échéant avec une tendance à la rondeur.
Il y a donc de fortes chances que les gastroentérologues aient affaire à une patientèle qui préfère se faire prescrire des traitements à base de plantes, de l’acupuncture, du cannabis ou du yoga en lieu et place de médicaments de synthèse.
Selon les estimations des revues systématiques, leur proportion peut atteindre 44 %, voire, selon d’autres travaux, un patient sur deux en consultation de gastroentérologie. C’est une raison suffisante pour que les médecins s’intéressent de plus près aux thérapies complémentaires et à la médecine alternative (TCMA), selon Dr Jill K. Deutsch, Yale University School of Medicine, et de ses collègues (1).
Nausées et vomissements
Des gastro-entérites virales aux modifications hormonales de la grossesse, les causes des nausées et des vomissements peuvent être multiples. Et il s’ajoute à cela que les femmes enceintes devraient en particulier renoncer autant que possible aux médicaments de synthèse. Toutes ces raisons font que les médicaments phytothérapeutiques à base de gingembre ont une place de choix. Leur effet antiémétique semble se fonder sur des composants anticholinergiques et antisérotoniergiques de la plante.
Dans un certain nombre d’études, le gingembre s’est montré supérieur au placebo et d’une efficacité au moins comparable à celle du métoclopramide contre les vomissements et nausées postopératoires. Les résultats d’une méta-analyse n’ont toutefois pas montré de bénéfice significatif. Même si le gingembre passe pour être relativement sûr, certains indices permettent de penser que malgré ses vertus médicinales il pourrait être potentiellement mutagène, raison pour laquelle il faut être particulièrement prudent et se garder de toute utilisation excessive pendant la grossesse.
Contre l’anxiété, la relaxation musculaire progressive
Les femmes peuvent aussi recourir à la vitamine B6, qui a montré des effets positifs contre les vomissements gravidiques dans plusieurs études. Il faut (bien entendu) leur déconseiller le cannabis, une autre alternative souvent utilisée contre les nausées. D’ailleurs, l’effet potentiel de ses fleurs reste encore à démontrer. Une patiente qui souhaite malgré tout prendre du cannabis devra toutefois être mise en garde. Une utilisation régulière peut aller jusqu’à déclencher une hyperémèse.
L’efficacité de l’acupuncture, resp. de l’acupression, au point P6 est en revanche bien documentée. Les patients peuvent eux-mêmes légèrement stimuler ce point qui se trouve sur la face interne du bras à 2,5-3 doigts en dessous du pli de flexion du poignet sur la ligne médiane. Une revue systématique de près de 30 publications a montré la supériorité de cette stimulation sur le placebo contre les nausées et vomissements de différentes origines.
Les méthodes de relaxation telle la relaxation musculaire progressive (RMP) selon Jacobson permettent de lutter efficacement contre les états anxieux développés par certains patients en raison de l’importance de leurs nausées.
Dyspepsie
La menthe et le cumin sont les substances végétales les mieux documentées dans la dyspepsie fonctionnelle. On attribue leur effet de relaxation musculaire au blocage des canaux calciques qu’elles entraînent toutes deux. Une combinaison fixe de 180-270 mg/j de menthe poivrée et de 100-150 mg de cumin pendant 29 jours permet d’améliorer significativement les douleurs épigastriques et les ballonnements par rapport au placebo.
Dans une étude à double insu, la préparation combinée STW-5 à base de plantes s’est montrée aussi efficace que le cisapride contre les symptômes dyspeptiques. Selon une méta-analyse, la diminution des douleurs épigastriques et du reflux gastro-œsophagien était encore plus marquée lorsque les participants avaient pris 3 x 1 ml/j de STW-5 pendant quatre semaines. Les personnes sensibles à la suggestion peuvent essayer l’hypnose. Par rapport au cisapride, elle semble en effet plus efficace pour accélérer la vidange gastrique.
Syndrome des intestins irritables
Dans le syndrome du côlon irritable (SCI), le principal objectif des thérapies complémentaires et de la médecine alternative est de soulager les douleurs et de normaliser le transit intestinal. À cet effet, on utilise volontiers l’enveloppe de psyllium. Ses fibres gonflent dans les intestins, augmentant ainsi le volume des selles et améliorant leur consistance et raccourcissant la durée du transit. Une revue systématique a montré que le psyllium (20-35 g/j) permet un meilleur soulagement des symptômes du côlon irritable que le son de blé.
Toute personne ayant des ballonnements/flatulences dans le cadre d’un SCI peut, resp. devrait modifier son alimentation en conséquence. De nombreuses études ont montré que le nombre de patient rapportant une amélioration de leurs symptômes est sensiblement plus élevé lorsqu’ils consomment aussi peu de glucides à chaîne courte fermentescibles que possible (régime low FODMAP) que lorsqu’ils suivaient un autre type de régime (76 % vs 54 %).
Les FODMAP sont des oligo-, di- et monosaccharides ainsi que des polyols, qui stimulent les processus de fermentation coliques, y compris la formation de gaz, et qui augmentent le teneur en eau par un effet osmotique.
L. plantarum et B. animalis contre les ballonnements
Si les prébiotiques tels que les fructo-oligosaccharides (FOS) n’ont pas d’effet significatif sur les symptômes, les douleurs abdominales et les flatulences s’améliorent toutefois avec la prise du probiotique Lactobacillus plantarum.
Le Bifidobacterium animalis est efficace contre les ballonnements, les douleurs et la sensation de vidange incomplète. En outre, il vaut la peine d’essayer un traitement d’huile essentielle de menthe (90 mg/j), de STW-5 (3 x 1 ml/j) et de curcuma (2 g/j).
La thérapie cognitivo-comportementale, l’hypnothérapie et la réduction du stress fondée sur la pleine conscience (mindfulness-based stress reduction, MBSR) sont aussi utiles. Avec ces approches, les patients apprennent à atténuer leurs réactions excessives aux facteurs de stress et à corriger l’insuffisance de leurs stratégies d’adaptation. Par rapport aux approches thérapeutiques conventionnelles du SCI, le yoga semble aussi à même de soulager nettement mieux les symptômes et l’anxiété.
- Deutsch JK et al. Complementary and Alternative Medicine for Functional Gastrointestinal Disorders. Am J Gastroenterol 2020; 115: 350-364. doi: 10.14309/ajg.0000000000000539