17 déc. 2021Le bloc nerveux pour déceler une cause spécifique à des troubles non spécifiques

Des douleurs dorsales aux multiples… facettes

Les méthodes modernes, en partie invasives, permettent de nos jours d’identifier une cause spécifique à l’origine de douleurs dorso-lombaires, qu’elles soient aiguës ou chroniques. Un expert explique dès lors que le nihilisme diagnostique n’a plus lieu d’être.

L’injection d’un anesthésique local peut être efficace en cas de douleurs de l’articulation facettaire.

L’affirmation selon laquelle au moins 80 % des douleurs dorsales sont non spécifiques ne tient plus la route. Pourtant, ce pourcentage tiré de sources bibliographiques anciennes datant des années 1960 et 1990, perdure dans la littérature actuelle, explique le Pr Stephan Klessinger, neurochirurgien à Biberach. Il est manifestement encore et toujours repris dans les publications, sans être remis en question le moins du monde. Pourtant, la recherche de la cause des douleurs dorsales est tout à fait pertinente sur le plan clinique. En effet, c’est seulement après identification d’une source spécifique de douleur qu’on pourra prendre des mesures spécifiques pour y remédier.

Des progrès considérables ont été accomplis ces dernières décennies sur le plan diagnostique et thérapeutique. Grâce au développement de la tomodensitométrie (TDM) et avant tout de l’imagerie par résonance magnétique (IRM), on peut désormais mettre en évidence une multitude de pathologies touchant les disques intervertébraux et les articulations. Toutefois, il est fréquent que les altérations dégénératives identifiées soient sans corrélation avec les douleurs ressenties.

Même en combinaison avec l’anamnèse et l’examen clinique, l’imagerie ne suffit souvent pas pour identifier un déclencheur spécifique. Les techniques invasives actuelles sont par conséquent d’une grande utilité. Moyennant une utilisation rigoureuse, elles permettent souvent d’identifier la source de la douleur en moins de deux chez la plupart des patients. L’heure est donc venue de mettre fin au nihilisme diagnostique, d’après le Pr Klessinger. Les lignes directrices allemandes sur lombalgies spécifiques de 2017 ont permis de faire un pas dans ce sens, notamment en définissant des entités morphologiques pouvant être des causes potentielles.

Méniscoïdes coincés dans le récessus lors du redressement

Les sources de douleurs dépendent de l’âge. Chez les personnes à partir de 55 ans, la cause spécifique la plus fréquente de douleurs dorsales est à rechercher au niveau des facettes articulaires. Les formations articulaires (méniscoïdes), qui peuvent se coincer dans le récessus lors du redressement du tronc avec rotation, jouent un rôle déterminant dans ce contexte. Il en résulte un étirement de la capsule et une douleur aiguë (« tour de reins »). Contrairement à ce que de nombreux patients peuvent penser, cela n’implique ni détachement d’une vertèbre ni pincement d’un nerf. Les muscles réagissent en effet souvent à la douleur en se contractant. En conséquence, la pression dans l’articulation augmente et les symptômes s’aggravent. Ainsi, l’application de chaleur, la relaxation musculaire et les manœuvres de mobilisation relevant de la médecine manuelle peuvent être utiles en cas de lombalgie aiguë immobilisante.

Les facettes articulaires peuvent également être exposées à des sollicitations accrues et à des altérations dégénératives lorsqu’elles se rapprochent p. ex. suite à une hernie discale ou en cas d’ostéochondrose. Il peut en résulter des douleurs nociceptives paramédianes qui irradient vers la région fessière, la cuisse ou l’aine. Les patients se plaignent souvent de douleurs au démarrage après une position assise prolongée et ils ressentent une intensification de la douleur à la rotation.

Toutefois, ni l’anamnèse ni l’examen clinique, quel qu’il soit, ne permettent d’apporter la preuve définitive d’une douleur facettaire. Le diagnostic peut être confirmé par une technique invasive, le bloc de branche médiane. Cette technique consiste à injecter un anesthésique local dans la branche nerveuse médiane sous guidage par imagerie et à bloquer ainsi les branches nerveuses qui innervent l’articulation. Si la douleur articulaire s’en trouve diminuée d’au minimum 80 % et si cela parvient à être reproduit lors d’un deuxième bloc, le diagnostic de douleur facettaire est considéré comme avéré. Dans une optique thérapeutique, il peut s’ensuivre une dénervation par radiofréquence, dans laquelle la branche médiane est coagulée. En cas de technique optimale, cette intervention permet une disparition des douleurs après six mois chez plus de la moitié des patients.

Chez les jeunes adultes, les douleurs dorsales correspondent le plus souvent à une douleur discogène. Les disques intervertébraux sont en effet innervés et peuvent par conséquent être douloureux en soi, p. ex. lorsque les parties dorsales sont stimulées. La douleur discogène peut être diagnostiquée par discographie provocatrice. Pour ce faire, un volume d’au maximum 3 ml est injecté dans le noyau. Si cela provoque la douleur typique à une intensité au moins sous-maximale, le résultat est positif.

En cas d’indication correspondante, le Pr Klessinger estime que cet examen est tout à fait pertinent car l’obtention d’un résultat positif permet de mettre fin à la recherche de la cause. Toutefois, il n’existe pour l’heure pas de conséquence thérapeutique fondée sur les preuves.

Une approche multimodale en cas de chronicisation

Chez la personne âgée, la douleur de l’articulation sacro-iliaque est le plus souvent d’origine dégénérative. Les patients ressentent cette douleur au niveau de l’articulation, avec ou sans irradiation. Il est difficile de faire la distinction entre une douleur de l’articulation sacroiliaque et d’autres causes sur la base de l’anamnèse. Bien souvent, les tests cliniques et l’IRM ne sont pas non plus d’un grand secours. Il est cependant possible de faire des injections diagnostiques et thérapeutiques sous guidage par imagerie, p. ex. d’anesthésiques locaux, qui peuvent être combinés à des corticoïdes dans une optique thérapeutique. Les preuves disponibles sont néanmoins modérées. Pour toute recherche de causes spécifiques, il ne faut cependant pas passer à côté d’un processus de chronicisation, qui devra être pris en charge par une approche multimodale.