17 déc. 2021Les moisissures gagnent du terrain

De plus en plus d’onychomycoses dues à des moisissures non dermatophytes

Les mycoses des ongles des orteils et des doigts sont très répandues et sont souvent à l’origine d’une grande souffrance. Les dermatophytes sont certes responsables de la plupart des onychomycoses, mais depuis quelques années des moisissures non dermatophytes sont aussi de plus en plus souvent mises en évidence en tant que cause des infections unguéales.

Les traitements les plus efficaces des onychomycoses à Fusarium sp. sont la terbinafine et itraconazole.

En fonction de la prudence dont les scientifiques font preuve dans leurs publications sur les causes d’onychomycoses, il semble que les moisissures non dermatophytes (nondermatophyte moulds, NDM) sont à l’origine de 2 % à 22 % des onychomycoses à l’échelle mondiale. La prévalence est en augmentation, écrivent Aditya Gupta, département de dermatologie, Université de Toronto, et ses collègues. La distribution des NDM varie d’un continent à l’autre. En Europe, Scopulariopsis brevicaulis, Acremonium sp., Fusarium sp. et Aspergillus sp. font notamment partie des NDM les plus fréquents.

Dans les cultures, l’agent pathogène est catalogué comme contaminant

La plupart des moisissures ne sont pas kératolytiques mais agissent comme des envahisseurs secondaires. Elles infestent souvent les ongles lésés par un traumatisme, une pathologie unguéale préexistante ou une infection à dermatophytes. Il en résulte le plus souvent un tableau d’onychomycose distale et latérale ou superficielle.

Les choses se compliquent lorsque des dermatophytes sont en plus présents dans la culture, car les NDM sont alors souvent considérées comme de simples contaminants. Des études à long terme montrent cependant que les NDM persistent après l’élimination des dermatophytes par un traitement sélectif ou lorsqu’il n’y avait pas de traces de dermatophytes.

Certains signes cliniques sont évocateurs d’une infection à NDM probable. En font partie l’absence de tinea pedis ou la présence d’un traumatisme ou d’une dystrophie unguéale. Une matrice unguéale enflammée peut également indiquer que des moisissures non dermatophytes sont en cause. En outre, il existe des facteurs de risque généraux qui favorisent la survenue d’onychomycoses à NDM (cf. encadré).

Facteurs de risque d’onychomycose à NDM

  • Climat humide-chaud
  • Âge (déclin de la fonction immunitaire, croissance unguéale ralentie, moins bonne vascularisation sanguine)
  • Port fréquent de chaussures fermées (humidité, chaleur)
  • Hyperhidrose
  • Traumatisme unguéal local (onycholyse, paronychie)
  • Antécédents familiaux d’onychomycose
  • Maladies cutanées chroniques (par exemple psoriasis)
  • Comorbidités, telles qu’artériopathie oblitérante des membres inférieurs ou diabète
  • Immunosuppression

Différents procédés de détection et critères ont été proposés pour le diagnostic des onychomycoses dues à des NDM. Il est essentiel de faire une évaluation précise pour identifier l’agent pathogène en cause et de le distinguer des champignons contaminants ou commensaux. Outre un diagnostic clinique minutieux, les auteurs recommandent plusieurs tests mycologiques positifs (mise en évidence de NDM dans au moins deux échantillons prélevés à environ quatre semaines d’intervalle). Si possible, il faut également analyser des échantillons du lit de l’ongle et des débris sous-unguéaux. Pour confirmer le diagnostic, on peut recourir à des techniques supplémentaires, telles que la microscopie ou les analyses PCR.

Contrairement aux dermatophytes, les NDM ne répondent pas aussi bien à un traitement antimycosique systémique, comme l’ont montré différentes études. Sur la base d’une vaste revue de la littérature, les auteurs recommandent de traiter les onychomycoses causées par Aspergillus sp., Fusarium sp., Scopulariopsis brevicaulis ou Onychocola canadensis par des antimycosiques systémiques tels que l’itraconazole ou la terbinafine (principalement en cas d’onychomycose à Aspergillus). Ces médicaments peuvent être administrés selon un schéma thérapeutique intermittent, consistant en une administration quotidienne d’une semaine suivie d’une pause thérapeutique de trois semaines.

En cas d’échec thérapeutique

Au Japon, le posaconazole et le fosravuconazole sont également utilisés avec succès pour le traitement des onychomycoses à Fusarium. Avant l’initiation d’un traitement systémique, il convient éventuellement de déterminer les paramètres hépatiques. Pour le traitement topique des onychomycoses à NDM, les études sont pour l’heure limitées.

Que faire en cas de non réponse du patient au traitement antimycosique ou en cas d’échec thérapeutique ? Le diagnostic doit alors être réévalué et la sensibilité aux antimycosiques doit être testée pour un traitement adéquat des infections tenaces, selon les spécialistes.

Des études de cas ont montré que les antimycosiques azolés récents, tels que le posaconazole et le voriconazole, sont parfois efficaces en cas d’onychomycoses à NDM résistantes au traitement. Des polyènes, tels que l’amphotéricine B topique qui a un large spectre antimycosique, ont été employés avec succès contre les onychomycoses à Fusarium, Acremonium et Aspergillus résistantes aux antimycosiques oraux et topiques conventionnels. Entre autres en cas d’évolutions sévères, en présence de certaines caractéristiques unguéales (croissance unguéale lente, nombreux ongles touchés) ou encore lorsque le patient a une comorbidité comme le diabète ou est immunodéprimé, un traitement plus long ou des doses plus élevées peuvent s’avérer nécessaires.

Il ne semble également pas opportun de faire preuve de retenue face à des infections mixtes à NDM et dermatophytes ou en cas de résistances au traitement primaire (résistance clinique et microbiologique).