17 déc. 2021Une forte réaction locale aux piqûres d’hyménoptères ne justifie pas une immunothérapie

Des réactions à classer en quatre catégories

Lorsqu’il est question de piqûres d’abeilles, de guêpes, de bourdons et de frelons, il faut raisonner par catégories de réactions. En effet, une nouvelle piqûre d’hyménoptère entraîne rarement un changement de catégorie. La stratégie thérapeutique reste donc en général la même.

Biene sticht ein Mensch
iStock/JonathanLesage

Les guêpes ont la réputation d‘être plus agressives que les abeilles, on les voit plus tard dans l’année et le mauvais temps ne les gêne pas.

Les réactions allergiques peuvent résulter aussi bien de piqûres d’abeilles et de guêpes que de bourdons et frelons. Les piqûres de frelons, souvent considérées comme particulièrement dangereuses, ne sont pourtant pas plus dangereuses que les piqûres de guêpes, du moins pour les non-allergiques, a expliqué le Dr David Wiesenäcker, pédiatre établi à Munich, lors du 16e congrès allemand d’allergologie. Après la piqûre, le dard de l’abeille reste généralement dans la peau, l’insecte survivant rarement à l’attaque. En revanche, la guêpe peut piquer plusieurs fois car elle conserve son dard.

Lorsqu’il s’agit d’identifier l’hyménoptère en cause, il est intéressant de connaître son mode de vie de l’agresseur. L’abeille a ainsi un comportement plutôt pacifique, sauf lorsqu’on s’approche de sa ruche. Elle est surtout active du printemps à la fin de l’été, mais aussi lors des journées d’hiver clémentes. On l’observe en général à proximité de fleurs dont celles du trèfle.

La guêpe, plus portée à l’agressivité, se est active de l’été à la fin de l’automne, même par mauvais temps. Elle a tendance à tournoyer autour des aliments ou des déchets. Le frelon vole également de nuit. Les bourdons quand à eux volent dès le petit matin lorsqu’il fait frais. Ce sont alors les premiers à polliniser les fleurs le matin et les derniers le soir. Tous les hyménoptères sont enclins à piquer davantage par temps chaud et lourd.

Les abeilles et les guêpes étant souvent confondues, il peut être utile de présenter au patient une illustration représentant ces quatre espèces d’hyménoptères pour identifier l’espèce en cause, a expliqué le Dr Wiesenäcker. Les réactions possibles aux piqûres d’hyménoptères peuvent en principe être classées en quatre catégories, a expliqué le Dr Christoph Müller, service de pédiatrie, Hôpitaux universitaire de Fribourg-en-Brisgau.

Catégorie 1 : la plupart des personnes réagissent à une piqûre et à l’effet toxique du venin par une rougeur, une tuméfaction, une douleur et un prurit localisés. La lésion mesure moins de 10 cm et il n’y a pas de symptômes systémiques. Après 24 heures, la réaction a déjà sensiblement régressé par rapport à son paroxysme. Une réaction de ce type est en soi normale.

Catégorie 2 : une réaction locale plus sévère est un processus pathologique impliquant non seulement l’effet toxique du venin, mais aussi le système immunitaire. Les signes et symptômes continuent à s’aggraver au-delà de 24 heures et la lésion locale s’étend sur plus de 10 cm. Une telle réaction touche au maximum un quart des personnes piquées. Il s’y ajoute souvent des symptômes locaux tels que lymphangite non-infectieuse et parfois des symptômes pseudosystémiques tels qu’une sensation de malaise et des frissons. De telles réactions touchent de préférence les personnes déjà sensibililsées au venin d’hyménoptères. Selon le Dr Müller, elles représentent vraisemblablement la phase cellulaire tardive d’une réaction allergique.

Catégorie 3 : avant de classer un cas dans la catégorie des réactions anaphylactiques, un triple test de plausibilité doit être positif :

  • il doit y avoir une relation temporel avec la piqûre, la réaction devant avoir eu lieu dans les 15-30 minutes, au maximum deux heures, après la piqûre. « Un collapsus immédiatement après une piqûre n’en fait pas partie », a souligné le Dr Müller.
  • Les symptômes doivent être plausibles. Tel est p. ex. le cas pour une urticaire à distance du site de la piqûre, des troubles respiratoires, des symptômes gastro-intestinaux ou des troubles cardiovasculaires, mais pas pour l’hyperventilation. La tachycardie est le trouble cardiovasculaire le moins pertinent, car elle peut être imputable à l’agitation/stress. Seules sont pertinentes une baisse de la pression artérielle systolique de plus de 30 % de la pression systolique et une inférieure à 90 mmHg chez les jeunes sont pertinentes.
  • La sensibilisation doit être avérée.

Catégorie 4 : cette catégorie comprend les réactions inhabituelles à une piqûre. Quelques petites études, le plus souvent anciennes, ont associé des maladies neurologiques, rénales et cardiaques ainsi que des vascularites à des piqûres – dans l’ensemble avec des preuves très hétérogènes et sujettes à caution. « Nous pouvons clore ce sujet en toute bonne conscience », a déclaré le Dr Müller.

Le risque de passage de la catégorie des réactions locales sévères à celui de l’anaphylaxie semble minime selon plusieurs études.

Les patients ayant des réactions locales accrues ne présentent pas un risque plus élevé de réactions systémiques que la population générale. C’est la raison pour laquelle les directives de l’European Academy of Allergy and Clinical Immunology (EAACI) ne recommandent en général pas d’immunothérapie chez ces patients. Dans certains cas spécifiques, on pourrait faire une exception chez des patients adultes chez lesquels une réaction locale sévère peut p. ex. entraîner des problèmes professionnels importants. Mais en principe, l’immunothérapie n’a pas sa place dans le cas des réactions locales sévères, selon le Dr Müller.

Il n’est pas nécessaire de mesurer les IgE spécifiques chez ces personnes. Celles-ci n’ont pas non plus besoin d’un kit d’urgence avec un auto-injecteur d’adrénaline. En ce qui concerne le traitement, on s’en tenir à des mesures locales de refroidissement et de décongestion, le cas échéant associées à l’administration d’AINS et de corticoïdes. Les antihistaminiques ne sont pas indiqués car il ne s’agit pas d’une réaction immédiate mais d’une réaction cellulaire. En cas de lymphangite non infectieuses, il faut en outre veiller à ce qu’aucun antibiotique ne soit prescrit au patient, a mis en garde l’intervenant.