10 déc. 2021Embolie pulmonaire

Pneumologues et cardiologues soumettent un document de consensus

Les directives ont une demi-vie de plus en plus courte. Ainsi, celles relatives à l’embolie pulmonaire datant de 2019 gagnaient à être étoffées. Avec la prise de position à paraître de l’European Respiratory Society (ERS) et de l’European Society of Cardiology (ESC) seront plus abouties.

Volumineux thrombus artériel : coupe de poumon humain au microscope électronique à balayage.

Le Dr Erik Klok, Université de Leyde, a donné un premier aperçu du nouveau consensus des sociétés européennes de cardiologie et de pneumologie. Il a présenté les principaux thèmes abordés.

Gérer le risque hémorragique

Une fois le diagnostic d’embolie pulmonaire posé, il faut exclure des contre-indications avant d’initier un traitement anticoagulant. À la sortie de l’hôpital, le patient devra se voir prescrire le médicament optimal à la dose optimale, et les facteurs de risque modifiables d’hémorragies doivent être connus et pris en charge.

Un contrôle aura lieu trois mois plus tard pour déterminer pendant combien de temps et à quelle dose le traitement anticoagulant devra être poursuivi. La réponse dépend d’abord du risque de récidive. Toutefois, lorsqu’un patient est à haut risque de récidive et aussi à risque d’hémorragie, il faut en discuter avec lui et la suite à donner devra être décidée conjointement, d’après le spécialiste. Enfin, dans le cadre du suivi à long terme, la tolérance et l’adhésion thérapeutique devront être vérifiées régulièrement, et les facteurs de risque et l’indication de la poursuite du traitement anticoagulant constamment réévalués.

Dépistage du cancer

En cas d’embolie pulmonaire non provoquée, la recherche d’un cancer est le deuxième thème majeur. La probabilité de détecter une tumeur est avant tout augmentée au cours de la première année post-embolie. Étant donné que la recherche d’un cancer est associée à un risque de découverte d’anomalies entraînant des examens non indispensables, il faut d’abord de tenir compte des facteurs de risque, tels qu’un âge supérieur à 50 ans et le tabagisme, ainsi que des symptômes d’alerte, tels qu’une perte pondérale ou une hémorragie gastro-intestinale. L’examen physique sera suivi d’analyses de laboratoire incluant la formule sanguine complète, le calcium sérique et les valeurs hépatiques. Chez la plupart des patients, une imagerie thoracique a de toute façon déjà été réalisé et il n’y a pas besoin d’en faire plus.

Dépistage de thrombophilie

La recherche d’une thrombophilie héréditaire n’est indiquée que si le résultat aura vraisemblablement des conséquences, c.-à-d. s’il modifiera la décision d’anticoaguler ou les conseils relatifs à la contraception ou à la prévention des thromboses durant la grossesse. Mais c’est exceptionnel, selon le Dr Klok.

La situation est différente en cas de thrombophilie acquise, principalement pour le syndrome des antiphospholipides (SAPL), qui peut être mis en évidence dans près de 10 % des cas d’embolie pulmonaire non provoquée. Le diagnostic de SAPL a des conséquences sur le traitement ultérieur, car les antagonistes de la vitamine K (AVK) sont alors, pour une fois, plus adaptés que les anticoagulants oraux directs (AOD). Ils permettent de prévenir plus efficacement les thromboses artérielles. Les experts n’étaient pas unanimes sur les patients chez lesquels un SAPL doit être recherché. Selon les uns, un tel test est indiqué chez tous les patients faisant une embolie pulmonaire non provoquée, mais la majorité a estimé que cela concerne uniquement les patients ayant des facteurs de risque supplémentaires, tels qu’une embolie pulmonaire à un âge très jeune, des complications liées à la grossesse ou des antécédents de thromboses artérielles. Il faut toutefois savoir que les héparines de bas poids moléculaire et les AOD peuvent fausser le résultat du test de dépistage du SAPL au même titre qu’un test effectué trop tôt prè s l’embolie pulmonaire. Il faut en effet respecter un intervalle d’au moins six mois entre l’embolie pulmonaire et le test.

Le sexe féminin comme facteur d’influence

Chez les femmes faisant une embolie pulmonaire, les considérations thérapeutiques sont différentes de celles des hommes, en particulier si elles prennent ou envisagent une contraception hormonale. Les contraceptifs hormonaux seront poursuivis sous traitement anticoagulant pour prévenir des anomalies du cycle menstruel et une grossesse sous traitement. Toujours est-il qu’une femme sur deux faisant une embolie pulmonaire est sujette à des anomalies du cycle menstruel sous anticoagulants. Une anamnèse ciblée à ce propos et, le cas échéant, l’initiation d’un traitement approprié sont indiqués. « Dans la pratique, cet aspect nous échappe trop souvent », a regretté le spécialiste. Si l’embolie pulmonaire est survenue en lien avec la pilule contraceptive, une anticoagulation de courte durée suffit. La patiente doit cependant recevoir une thromboprophylaxie en cas de grossesse.

Voyages en avion et pratique sportive

Les directives faisaient l’impasse sur ces deux points. Pourtant, les patients ayant fait une embolie pulmonaire demandent souvent quand ils pourront à nouveau prendre l’avion ou reprendre le sport. Le document de consensus préconise de ne pas attendre trop longtemps, mais de commencer progressivement. Il n’est après tout pas nécessaire que ce soit d’emblée un vol long-courrier ou du sport de compétition.

Avant de prendre l’avion, le médecin et le patient se concerteront pour déterminer quand et sous quelle forme une thromboprophylaxie est indiquée. Et avant que le patient ne reprenne une activité sportive d’une certaine intensité, il faudra s’assurer de la récupération du ventricule droit. Le document de consensus contient une section détaillée sur le sport sous traitement anticoagulant, dont des recommandations sur le sport de compétition. La consultation est aussi l’occasion de donner au patient des conseils généraux pour un mode de vie sain, selon le Dr Klok.

Syndromes post-embolie pulmonaire

Il est essentiel de définir des stratégies pour la détection précoce de l’hypertension pulmonaire thrombo-embolique chronique (HTPC). Cela ne signifie pas qu’il faut prescrire de routine une écho- ou une angiographie, les auteurs y étant expressément opposés. Les examens sont seulement indiqués en cas de suspicion d’HTPC. En revanche, tous les patients devraient passer une épreuve d’effort cardiorespiratoire en présence par exemple d’une dyspnée, qui fait suspecter un syndrome post-embolie pulmonaire.

Facteurs de risque cardiovasculaire

Les patients ayant fait une embolie pulmonaire, principalement ceux en surpoids, sont à risque cardiovasculaire nettement augmenté. Ils doivent par conséquent tous être examinés systématiquement, leur risque individuel devra être évalué par des scores validés et, le cas échéant, un traitement médicamenteux devra être initié. Il faut cependant veiller à ce que par exemple l’anticoagulation pour la prévention secondaire des embolies pulmonaires et l’inhibition plaquettaire pour la prévention des infarctus n’entrent pas en conflit.

Manuela Arand