10 déc. 2021Traitement de l’hypertension

Trouver la pression artérielle optimale, un défi !

En matière de traitement de l’hypertension artérielle, trouver la cible optimale de pression artérielle (PA) s’avère plus complexe qu’on ne le pensait, la meilleure pression étant différente selon qu’on veut prévenir un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral (AVC), selon une étude publiée par le Journal of the American College of Cardiology (JACC).

Effrayer le médecin et la patiente
iStock/Stolk

Alors qu’on traite l’hypertension depuis des décennies, on peut s’étonner que la meilleure cible thérapeutique ne soit toujours pas définie sans équivoque. Dans les années 1960, le traitement de l’HTA était centré sur la baisse de la pression diastolique puis, à l’inverse, on en est venu progressivement à se concentrer sur la systolique, rappelle Nathan Itoga, université de Stanford.

Des études ont toutefois montré des courbes enJ sur le rapport entre la PA et les événements cliniques, suggérant que des baisses trop importantes pourraient être délétères. Et d’autres travaux ont suggéré qu’il faudrait éviter d’étudier isolément l’une ou l’autre composante de la PA mais plutôt les analysersimultanément.

Pour y voir plus clair, les chercheurs ont travaillé sur les données de la grande étude ALLHAT, une étude comparant plusieurs traitements antihypertenseurs. Pour cela, ils ont analysé les données de 33357patients qui ont eu en médiane 14 mesures de PA sur un suivi médian de 4,4ans.

Il s’avère que la relation entre le niveau de pression diastolique et systolique et les risques d’événements cardiovasculaires est complexe. Ainsi, pour le critère composite (décès, infarctus, AVC), pour la mortalité de toutes causes ou pour l’insuffisance cardiaque, on voit une courbe enU, c.-à-d. que le risque est non seulement accru pour les pressions les plus élevées mais aussi pour les plus basses. Mais il n’y a pas de corrélation entre les pressions diastolique et systolique. Ainsi, pour la mortalité, une pression de 150/70 mmHg est associée à un risque inférieur à celui d’une pression de 120/80 mmHg. Et, selon le critère étudié, l’optimum est différent. Pour l’insuffisance cardiaque p.ex., 135/75 mmHg serait la meilleure pression artérielle. Et pour prévenir un infarctus du myocarde, la pression artérielle associée au risque le plus bas était de 120/80 mmHg, une différence minime en passant à 125/75 mmHg, étant associée à un risque plus élevé, ont constaté les auteurs.

Enfin, le seul cas où les choses étaient simples était la prévention des AVC, car la relation entre la pression artérielle et le risque était linéaire. En effet, plus on baissait aussi bien la pression diastolique que la systolique, plus on diminuait le risque d’événement.

De plus, l’âge peut avoir une influence. Si on s’intéresse au critère composite incluant les décès, infarctus et AVC – où l’effet d’une pression donnée sur l’un des composants peut équilibrer l’effet sur un autre–, les chercheurs ont calculé que la meilleure pression artérielle était de 122/82 mmHg avant 65ans et de 133/78 mmHg après 65ans.

Personnaliser la cible thérapeutique

La confrontation à ce risque en pratique peut, selon les chercheurs, se transformer en véritable casse-tête pour les prescripteurs, qui devraient ainsi personnaliser la cible du traitement anti-HTA en fonction de ce qu’on veut prévenir avant tout. En cas d’antécédent d’AVC, une baisse «agressive» de la PA semble souhaitable, alors qu’après un infarctus du myocarde « il faudrait faire attention à ne pas abaisser la diastolique à l’excès ».

Les chercheurs estiment néanmoins que leurs résultats sont à prendre avec la prudence de rigueur car il s’agit d’une part d’une étude rétrospective et, d’autre part, selon les études et selon la méthode de mesure de la PA, la pression la plus basse pour s’assurer du risque d’événement le plus bas pourrait varier. Leurs travaux montrent néanmoins une tendance générale suggérant l’importance d’une individualisation de la cible thérapeutique. Dans un éditorial, Franz Messerli, Hôpital de l’Ile, Berne, et ses collègues notent que ces résultats vont dans le même sens que ceux de leur essai INVEST où, lorsque la pression diastolique descendait, les infarctus augmentaient alors que les AVC diminuaient.

Il y a par conséquent une hétérogénéitéquant à la PA optimale selon l’organe ciblé, et « le clinicien est face au choix inconfortable de vouloir prévenir les événements cardiaques au prix d’une augmentation des événements cérébrovasculaires, ou inversement ». Selon eux, la plus grande difficulté serencontrera chez des patients âgés coronariens stables ayant fait un accident ischémique transitoire (AIT).

cb