1 déc. 2021Le SAOS décliné au féminin

Des apnées qui ont leurs spécificités

On a tendance à associer automatiquement le syndrome des apnées obstructives du sommeil à l’homme obèse et hypertendu qui ronfle. Mais cette pathologie touche aussi les femmes, chez lesquelles le diagnostic est souvent posé tardivement en raison de symptômes prétendumentatypiques.

Frau mittleren Alters mit Schlafapnoe, die in einem Bett schläft und ein CPAP-Gerät (Continuous Positive Airway Pressure) trägt, um beim Schlafen zu helfen
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Une fois décidées à suivre un traitement par PPC, les femmes sont plus observantes

Selon les données les plus récentes, 13 % des hommes et 6 % des femmes de 30 à 70ans ont un syndrome des apnées obstructives du sommeil (SAOS). Sa prévalence augmente avec l’âge mais, après 40ans, davantage chez les femmes que les hommes. La sévérité du SAOS, mesurée par l’indice d’apnées-hypopnées (IAH) augmente aussi avec l’âge dans les deux sexes.

Le surpoids est un facteur de risque majeur, soulignent le PrMaritta Orth, service de médecine, Theresienkrankenhaus et clinique St. Hedwig, Mannheim, et le PrKurt Rasche, clinique de pneumologie d’altitude, clinique universitaire Helios, Wuppertal. Une étude incluant des femmes ayant une obésité morbide (IMC de 40,7±1,4 kg/m2) a montré un indice de troubles respiratoires pathologique dans 37,9 % des cas, c’est-à-dire plus de cinq épisodes d’apport insuffisant en oxygène parheure.

Toutefois, les femmes plus jeunes et de poids normal peuvent aussi avoir un SAOS mais qui passe souvent inaperçu. En tant que facteurs de risque, certaines morphologies crânio-faciales particulières telles que la rétrognathie, la macroglossie et l’hypertrophie amygdalienne peuvent jouer un rôle. L’inspection de la cavité buccale et de la gorge fait par conséquent partie de l’examen.

Plus fréquent après la ménopause

Chez la femme, la fréquence du SAOS dépend étroitement du statut hormonal. Un IAH>15 est trois fois plus fréquent chez les femmes postménopausées que chez les femmes préménopausées. Certains indices suggèrent qu’un traitement hormonal substitutif permet de réduire la prévalence à un niveau préménopausique. Cet effet pourrait entre autres s’expliquer par l’effet de la progestérone sur la fonction des muscles oropharyngiens élévateurs qui élargissent le pharynx (cf.encadré).

La grossesse peut aussi favoriser la survenue de troubles respiratoires. Chez la future mère, ceux-ci sont entre autres associés à un risque accru de cardiomyopathie, de pré-éclampsie, d’éclampsie, de mortalité maternelle, de prématurité et de faible poids de naissance. Il faut être particulièrement attentif à la survenue d’un SAOS chez les femmes enceintes déjà en excès pondéral avant la grossesse.

L’influence de l’anatomie

Les différences en termes d’anatomie crânio-faciale, de répartition des graisses et les facteurs hormonaux expliquent que les femmes ont moins souvent un SAOS que les hommes. Anatomiquement, les hommes ont une langue plus longue, un palais mou plus grand et des voies respiratoires dans l’ensemble plus longues, ce qui les rend plus vulnérables aux obstructions des voies aériennes supérieures. Des différences fonctionnelles y contribuent également, en particulier une plus grande résistance au niveau des voies aériennes supérieures dues entre autres à une moindre activité des muscles élévateurs de l’oropharynx.

En cas de prise pondérale, la graisse s’accumule préférentiellement dans la région du cou et de la moitié supérieure du thorax où elle augmente la tendance à l’obstruction. Les femmes développent des dépôts graisseux surtout au niveau des hanches. Les hormones offrent également une certaine protection aux femmes. La progestérone en particulier favorise la dilatation de l’oropharynx par la musculature et a en outre un effet central de stimulation de la fonction respiratoire.

Si le SAOS se manifeste primairement par la triade classique de ronflements, apnées du sommeil et somnolence diurne chez l’homme, les femmes présentent principalement des symptômes qui évoquent une insomnie ou un état dépressif : céphalées matinales, somnolence diurne marquée, réduction de la qualité de vie et trouble de l’endormissement ou du maintien du sommeil. En général, les troubles respiratoires liés au sommeil et les ronflements passent souvent inaperçus chez des patientes d’un certain âge qui ne partagent plus leur lit avec un partenaire qui aurait pu remarquer ces symptômes.

La consommation d’alcool est moins souvent en cause chez la femme que chez l’homme, mais le reflux gastro-œsophagien est plus fréquent. Des investigations de médecine du sommeil sont indiquées chez les femmes qui s’en plaignent. Dans l’ensemble, la symptomatologie souvent atypique chez la femme fait qu’il s’écoule souvent jusqu’à dix ans jusqu’à ce que le diagnostic de syndrome des apnées obstructives du sommeil soit posé.

Le profil de sommeil des femmes atteintes de SAOS compte plus d’hypopnées que d’apnées (70:30), tandis que ce rapport est de 50:50 chez l’homme. Chez les femmes, les apnées se limitent aux phases de sommeil paradoxal (REM). Une étude a montré un SAOS associé au sommeil paradoxal chez 62 % des femmes et chez 24 % des hommes. Chez la femme, le SAOS se caractérise en outre par des phases d’apnées plus courtes, par une moindre désaturation en oxygène consécutive, un allongement de la durée de latence au sommeil et des phases plus fréquentes de sommeil profond. D’un point de vue subjectif, les femmes concernées estiment toutefois que leur qualité de sommeil est moins bonne.

L’orthèse de protrusion plus efficace

L’expérience montre que les femmes ont plus de mal à accepter un traitement par CPAP, mais qu’une fois qu’elles s’y sont résolues, elles font preuve d’une meilleure adhésion thérapeutique que les hommes. L’orthèse d’avancée mandibulaire, qui a sa place en cas de problème avec le traitement par CPAP, s’est aussi montrée plus efficace pour améliorer l’IAH chez les femmes que chez les hommes, quel que soit le degré de sévérité du SAOS.

Orth M, Raschke K. internistische praxis 2021; 64: 213-230.