L’arsenal thérapeutique en pleine évolution
Les résultats des recherches menées au cours des dix dernières années ont permis d’acquérir une meilleure compréhension des pneumopathies interstitielles et de mieux traiter ces maladies. La distinction entre processus inflammatoires et processus fibrotiques reste cependant essentielle.
La classification fortement simplifiée des pneumopathies interstitielles (PI) en fonction de leur réponse aux corticoïdes est aujourd’hui considérée comme obsolète. Elle reste malgré tout pertinente dans ses grandes lignes pour le choix du traitement. Ainsi, le traitement des PI associées à des maladies du tissu conjonctif, des pneumopathies d’hypersensibilité, des PI non spécifiques et d’autres maladies probablement inflammatoires fait avant tout appel à des médicaments immunomodulateurs. En revanche, la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est traitée par médicaments antifibrotiques, écrivent le Dr Kerri Johannson, Snyder Institute for Chronic Diseases, Université de Calgary, et ses collègues.
Bien que les corticoïdes soient parmi les immunomodulateurs les plus anciens, peu d’études randomisées et contrôlées ont été menées sur leur indication dans les PI. L’une d’entre elles a été conduite chez des patients atteints de pneumopathie d’hypersensibilité aiguë. Elle a montré une amélioration de la capacité vitale forcée (CVF) et de la capacité de diffusion du CO2 sous prednisone par rapport au placebo. Les données disponibles relatives à l’administration de corticoïdes dans le cadre d’autres PI proviennent uniquement d’études de cas rétrospectives, dans lesquelles une amélioration de la fonction pulmonaire et de la survie a été constatée chez les patients atteints de PI non spécifique et de pneumopathie organisée.
Recours plus fréquent aux médicaments biologiques
En fonction de l’indication, des promédicaments peuvent être utilisés comme immunomodulateurs. Pour l’azathioprine, des études de cohorte ont montré une amélioration de la fonction pulmonaire en cas de sclérodermie, de pneumopathie d’hypersensibilité et de dermatomyosite. Les données d’études relatives au cyclophosphamide plaident, quant à elles, avant tout en faveur de l’utilisation de ce médicament en cas de sclérodermie systémique avec PI et de PI associées à des myopathies inflammatoires. Pour la sclérodermie systémique avec PI, le mycophénolate mofétil semble être aussi efficace mais mieux toléré que le cyclophosphamide. Dans des études de cas rétrospectives, le mycophénolate mofétil a par ailleurs stabilisé ou amélioré la fonction pulmonaire chez les patients atteints de pneumopathie d’hypersensibilité et de PI associées à des maladies du tissu conjonctif.
Les médicaments biologiques sont également entrés dans la partie au cours des dernières années. Dans des études non contrôlées, le rituximab était associé à une amélioration de la fonction pulmonaire chez les patients atteints de sclérodermie systémique avec PI, de myopathies inflammatoires et de pneumopathie d’hypersensibilité. Sur la base de deux études randomisées et contrôlées, le tocilizumab a été approuvé aux États-Unis pour le traitement de la sclérodermie systémique avec PI au stade précoce. Des séries de cas ont en outre fait état de l’efficacité du médicament en cas de polyarthrite rhumatoïde avec PI et de syndrome des antisynthétases.
La pirfénidone et le nintédanib sont deux médicaments antifibrotiques autorisés pour le traitement de la FPI. Les deux ont ralenti la progression de la maladie dans des études. D’autres substances se sont révélées insuffisamment efficaces (par ex. bosentan, interféron gamma, étanercept) voire délétères (association de prednisone, d’azathioprine et d’acétylcystéine). L’autorisation de la pirfénidone et du nintédanib se limite à la FPI.
Ce qui fait également partie du traitement
Outre les médicaments ciblés, certaines mesures complémentaires jouent un rôle central dans la prise en charge des patients atteints de PI. Les patients présentant une hypoxémie sévère au repos ou une hypoxémie d’effort isolée devraient recevoir une oxygénothérapie. Une réadaptation pulmonaire entre en ligne de compte chez tous les patients ayant une performance physique limitée. Les vaccinations contre les maladies infectieuses (entre autres virus de la grippe, pneumocoques, SARS-CoV-2) sont incontournables pour tous les patients atteints de PI. Sous traitement par immunosuppresseurs systémiques, un dépistage d’infections latentes peut être nécessaire. Les données sont pour l’instant peu nombreuses concernant la prise en charge de la dyspnée et de la toux dans le cadre des PI. Des études suggèrent entre autres une efficacité de la pirfénidone et de la gabapentine pour la toux. Une transplantation pulmonaire devrait être envisagée chez des patients sélectionnés atteints de PI progressives.
Toutefois, des processus fibrotiques sont également impliqués dans d’autres formes de PI. Ainsi, il existe une PI fibrosante qui progresse sous traitement standard et qui est connue sous le nom de « PI fibrosante progressive ». Deux études pivots réalisées avec la pirfénidone et deux autres réalisées avec le nintédanib ont démontré l’efficacité de ces substances dans cette forme de PI.
De nombreux patients atteints de FPI souffrent de comorbidités, telles que le reflux gastro-œsophagien et les micro-aspirations. Une analyse post-hoc a livré des résultats contradictoires concernant les bénéfices et les risques associés aux antiacides. Une étude randomisée évaluant les inhibiteurs de la pompe à protons est actuellement en cours. D’après une étude de phase 2, certains patients pourraient retirer des bénéfices d’une fundoplicature. Dans une étude randomisée, le trépostinil s’est révélé efficace en cas de PI et d’hypertension pulmonaire. Le traitement a amélioré la distance parcourue au test de marche de 6 minutes et les valeurs de NT-proBNP. Selon les auteurs, l’exploration de biomarqueurs, de variants génétiques et de nouvelles cibles thérapeutiques pourrait révolutionner le traitement des patients atteints de PI à l’avenir.
Johannson KA et al. Lancet 2021;
doi: 10.1016/S0140-6736(21)01826-2