22 févr. 2024Distinction entre PR séropositive et séronégative

C’est le sérotype qui mène la danse !

Le facteur rhumatoïde et les anticorps anti-peptides citrullinés sont considérés comme des marqueurs fiables de la polyarthrite rhumatoïde. Pourtant, ces auto-anticorps peuvent être absents chez certains patients, ce qui n’est pas décisif que pour la démarche diagnostique.

Zwei verschiedene Roentgenbilder eines Daumens mit und ohne rheumatoide Arthritis
wikimedia/Hellerhoff
Les handicaps et les limitations fonctionnelles sont plus fréquentes en cas de PR séronégative, p. ex. au niveau du pouce.

Le facteur rhumatoïde et les anticorps anti-protéines citrullinées (ACPA) sont négatifs chez au moins 30 % des patients présentant des signes cliniques de polyarthrite rhumatoïde (PR).

Bien que les recommandations thérapeutiques générales pour les patients séronégatifs soient les mêmes que pour les patients séropositifs, il y a des différences qui pourraient être pertinentes pour la prise en charge. Serena Bugatti, Fondazione IRCCS Policlinico San Matteo, Pavie, et ses collègues ont fait le point sur ces différences (1).

La chondrocalcinose a de nombreux points communs avec la polyarthrite rhumatoïde séronégative

Le premier défi de la polyarthrite rhumatoïde séronégative est son diagnostic, qui est un diagnostic d’exclusion. Le confirmer implique d’exclure toute une série d’autres maladies. En effet, une symptomatologie d’arthrite périphérique peut non seulement être présente dans presque tous les cas de rhumatisme inflammatoire mais également dans plusieurs maladies non rhumatismales. Ils s’observent aussi suite à des adaptations immunologiques compensatoires survenant dans le cadre d’une immunothérapie.

Il faut par exemple penser à une arthrite paranéoplasique chez les patients âgés en cas de début brutal de la maladie, de symptômes systémiques et de mauvaise réponse thérapeutique. L’arthrite à cristaux de pyrophosphate de calcium (PPC), aussi appelée chondrocalcinose, également fréquente chez les personnes âgées, présente aussi des points communs avec une polyarthrite rhumatoïde séronégative et constitue donc un diagnostic différentiel important.

La PR séronégative, un diagnostic d’exclusion

Par contre, chez le sujet plus jeune, chez la femme, et en cas d’anomalies de laboratoire (y compris cytopénies et hypergammaglobulinémie), un lupus érythémateux disséminé entre en considération, même en l’absence d’atteinte d’organe interne. Il faut également exclure le syndrome des antisynthétases, souvent associé à des symptômes concomitants tels que le syndrome de Raynaud, des manifestations cutanées et une atteinte pulmonaire.

Il y a souvent une fibromyalgie associée

Il est parfois délicat de distinguer la polymyalgie rhumatismale, l’arthrite psoriasique et la spondyloarthrite d’une polyarthrite rhumatoïde séronégative. Souvent, seuls la répétition des examens au cours de l’évolution de la maladie permettent de clarifier la situation. Et, finalement, il faut aussi évoquer une fibromyalgie. Celle-ci n’est pas seulement souvent associée à une PR séronégative, mais il y a même des parallèles entre les deux maladies concernant les facteurs de risque et les mécanismes pathogéniques.

Cliniquement, la présentation des deux formes d’arthrite rhumatoïde est similaire. Une particularité est que l’atteinte est plus équilibrée entre les sexes dans la PR séronégative, les hommes y étant plus souvent représentés que dans la PR séropositive. Il y a également des différences dans l’évolution. Par rapport à la PR séropositive, la survenue des premiers symptômes articulaires est en général plus soudaine chez les patients séronégatifs.

Une autre particularité de la PR séronégative est son caractère inflammatoire marqué. Il semble toutefois y avoir un décalage entre les valeurs inflammatoires objectives et l’activité subjective de la maladie rapportée par les patients. Manifestement, les douleurs chroniques, la fatigue et une baisse de la qualité de vie sont plus marqués. Ils rapportent par conséquent plus souvent des handicaps physiques et fonctionnels, un stress émotionnel et une perte de productivité que les patients atteints de PR séropositive.

En revanche, les patients atteints de PR séronégative ont un risque plus faible de lésions articulaires et osseuses que les patients séropositifs. Cela s’explique notamment par le fait que leur perte de masse osseuse est moins importante au cours des premières années qui suivent le début de la maladie.

Meilleure probabilité de rémissions spontanées

De nombreuses études d’observation et essais contrôlés randomisés montrent que les patients atteints de PR séronégative atteignent tout autant leurs objectifs thérapeutiques que les patients ayant une PR séropositive. Cependant, selon les auteurs, il existe également des résultats contradictoires à ce sujet.

Chez certains patients, la PR séronégative est persistante avec un handicap progressif. Ils nécessitent donc un traitement à vie par des DMARDs. En pratique, l’escalade vers un médicament biologique semble être plus rapide chez eux que chez les patients séropositifs. D’autre part, les patients atteints de PR séronégative ont une probabilité plus élevée de rémission spontanée ou de maintien de la rémission après l’arrêt du traitement.

L’incidence et la prévalence de la PR séronégative sont appelées à augmenter

Le Pr Bugatti et ses collègues pronostiquent que les changements de mode de vie et de facteurs environnementaux ainsi que le vieillissement de la population entraîneront une augmentation de l’incidence et de la prévalence de la PR séronégative. Compte tenu des conséquences de ce sous-type de maladie sur la vie des personnes atteintes et de la dimension sociétale, ils appellent à accorder dorénavant une plus grande attention à la polyarthrite rhumatoïde et aux maladies de type arthritique séronégatives.