23 mai 2024Un bénéfice à attendre des biologiques

Fatigue chronique associée aux maladies inflammatoires

La fatigue est l’un des symptômes les plus sévères et les plus débilitant des maladies rhumatismales inflammatoires. Si les substances à effet anti-inflammatoires peuvent soulager la fatigue chronique, il restait à déterminer dans quelle mesure.

En cas de maladie inflammatoire, la fatigue répond à de nombreux traitements.
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Le fardeau de morbidité des maladies rhumatismales inflammatoires et musculo-squelettiques n’est pas seulement lié aux douleurs et aux handicaps fonctionnels, mais également à la fatigue chronique, l’un des symptômes supplémentaires les plus fréquents.

Son importance est telle que les auteurs d’un document de consensus international proposent de la prendre en compte comme critère de jugement central dans toutes les études à venir sur la polyarthrite rhumatoïde (PR) (1).

La fatigue varie d’un individu à l’autre

Malgré le fardeau qu’elle peut représenter, la prise en charge de la fatigue est peu satisfaisante, ce qui s’explique d’une part par sa complexité – non seulement la fatigue varie en soi d’un patient à l’autre, mais il en va de même pour son évolution. D’autre part, il n'existe aucune preuve de l’efficience des différentes options thérapeutiques.

Entre-temps, les indications selon lesquelles les interventions pharmacologiques anti-inflammatoire peuvent apporter un soulagement de la fatigue chronique se multiplient alors que jusqu’à présent les données à ce sujet n’étaient pas sans équivoque. Afin de déterminer quelles interventions pharmacologiques permettent de réduire la fatigue et quelle est leur sûreté, une équipe internationale d’experts mandatée par l’EULAR a fait une revue systématique de la littérature et analysé les données existantes.

Les médicaments contre les rhumatismes sont-ils efficaces contre la fatigue ?

Près de 4 000 études ont été passées au crible, 99 études étant retenues. Pour les publications, la fatigue devait faire partie des critères de jugement et être évaluée à l’aide d’un score standardisé – le FACIT-F (Functional Assessment of Chronic Illness Therapy – Fatigue) étant le plus souvent utilisé à cet effet. En outre, les patients devaient être adultes, avoir un diagnostic de rhumatisme confirmé et suivre un traitement médicamenteux antirhumatismal.

Les substances étudiées étaient dans la plupart des cas des médicaments biologiques. Dans presque toutes les études (95 %), le comparateur était un placebo, dans cinq seulement, il avait été évalué contre le traitement standard, écrivent le Dr Bayram Farisogullari, université Haceteppe, Ankara, et ses collègues.

Au final, 19 études randomisées et contrôlées ont été incluses dans la méta-analyse. Il s’agissait de 13 études sur la polyarthrite rhumatoïde, d’une étude sur l’arthrite psoriasique (PsA) et de trois études sur la spondylarthrite ankylosante (SpA). Les chercheurs ont calculé la taille de l’effet en tant que différence moyenne des niveaux de fatigue par rapport au placebo.

Effet dose-réponse pour le sarilumab, le tocilizumab et le tofactinib

Chez les patients atteints de PR, toutes les substances étudiées ont permis de réduire la fatigue et étaient significativement supérieures au placebo :

  • sous adalimumab, le score de fatigue a baissé de resp. – 2,25 (différence moyenne) et – 3,0 à 52 et 12 semaines ;
  • sous golimumab le score a baissé de – 5,27 à 24 semaines ;
  • sous baricitinib, la diminution était de – 4,06 à 24 semaines,
  • sous anti-IL-6 sarilumab et tocilizumab le score a baissé de resp. – 3,15 et – 3,69 à 24 semaines ;
  • sous tofacitinib, le score a baissé de – 5,22 à 12 semaines.

Une analyse de sous-groupes des études sur la PR a révélé un effet dose-réponse pour le sarilumab, le tocilizumab et le tofacitinib. En d’autres termes, plus la dose était élevée, plus l’effet bénéfique sur la fatigue chronique était important.

D'autres substances qui soulagent la fatigue

Dans la SpA, le sécukinumab s’est avéré supérieur au placebo, réduisant la fatigue des patients de – 4,15 après 16 semaines, également avec une relation dose-effet. L’étanercept n’était pas plus efficace que le placebo en termes de fatigue après douze semaines de traitement. Tel était également le cas de l’adalimumab, selon la seule étude sur la PsA incluse dans la méta-analyse.

Les chercheurs ont également évalué les études n’ayant pas été prises en compte dans la méta-analyse (voir encadré). De nombreuses substances actives utilisées dans ces études semblent en effet également être en mesure d’atténuer la fatigue.

Il s’agissait notamment du rituximab et du filgotinib pour la PR, de l’abatacept, du bélimumab et autres pour le LED, ainsi que de l’infliximab, de l’upadacitinib et autres pour la PsA. Par contre, dans le cas du syndrome de Sjögren, plusieurs substances ne se sont pas montrées supérieures au placebo en ce qui concerne la fatigue. Des études ont été menées sur l’infliximab, l’acide gamma-linolénique, les antagonistes des récepteurs de l’interleukine-1 et l’hydroxychloroquine (qui n’a pas non plus d’effet sur la fatigue dans le LED).

Nombre d‘études incluses par pathologie dans la revue (sans méta-analyse)

Polyarthrite rhumatoïde50
Spondylarthrite13
Syndrome de Sjögren15
Arthrite psoriasique10
Sclérose systémique1
Lupus érythémateux disséminé8
Myopathies inflammatoires idiopathiques1
Artérite à cellules géantes1

Aucun nouveau signal de sécurité

Dans la grande majorité des études examinées, les médicaments ont été bien tolérés et n’ont pas entraîné plus d’effets indésirables que le placebo. Aucun nouveau signal de sécurité n’est apparu. Apparemment, l’inflammation contribue considérablement à la fatigue. La prise en charge adéquate de cette dernière peut améliorer les symptômes de certaines maladies rhumatismales, résument les auteurs. Ils conseillent de transmettre ces informations fondées sur des preuves aux patients, ce qui pourrait contribuer à améliorer l’adhésion thérapeutique.

Les données sur les effets des antirhumatismaux sur la fatigue en cas d’artérite à cellules géantes, de sclérose systémique et de myopathies inflammatoires idiopathiques sont encore trop lacunaires. Pour combler cette lacune, les auteurs proposent que les futures études sur ces maladies évaluent également l’effet des substances thérapeutiques sur la fatigue en tant que critère de jugement.