30 sept. 2024Une étude chinoise interroge

La BPCO, une maladie auto-immune ?

De nombreux éléments suggèrent que ce sont les mécanismes auto-immuns qui entretiennent l’inflammation dans la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Ils contribuent ainsi de manière décisive à la progression de la maladie.

De nombreux éléments suggèrent que des mécanismes auto-immuns entretiennent l’inflammation dans la BPCO.
magicmine/stock.adobe.com

De nombreux facteurs sont impliqués dans le développement d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), tels que

  • le tabagisme,
  • les toxines environnementales,
  • les infections et
  • la prédisposition génétique.

Mais pour quelles raisons, pour une même constellation de risques, seule une partie des personnes développe une BPCO ? Pourquoi l’inflammation persiste-t-elle même lorsqu’un patient arrête de fumer ? Pourquoi les médicaments anti-inflammatoires conventionnels comme les corticoïdes sont-ils peu efficaces contre l’inflammation ?

Une régulation à la hausse du facteur d’activation des cellules B

Au cours des 20 dernières années, de nombreuses données probantes montrant que les mécanismes auto-immuns jouent un rôle décisif dans le développement de la BPCO ont été recueillies. Ling-Ling Dong et ses co-auteurs, Université de Hangzhou écrivent que ces connaissances permettent notamment de trouver des réponses plausibles aux questions ouvertes mentionnées (1).

Une petite étude a p. ex. fourni des pistes sur le lien entre la BPCO et l’auto-immunité, en montrant qu’environ un tiers des patients non-fumeurs présentaient également une maladie auto-immune ou des auto-anticorps. Il est connu que les patients BPCO sans antécédents de tabagisme sont généralement des femmes, qui présentent souvent une hyperleucocytose et des réponses immunitaires (anticorps) plus fortes que les hommes.

Dans la BPCO, le facteur d’activation des cellules B (BAFF), un facteur clé pour le développement de l’auto-immunité, est en outre régulé à la hausse. La production d’auto-antigènes peut p. ex. être due à une modification de protéines en relation avec le stress oxydatif. Les auteurs expliquent qu’il s’agit principalement d’une carbonylation.

Protéines citrullinées et inflammation

Les patients BPCO ont un titre d’anticorps ciblant les protéines carbonylées significativement plus élevé que les témoins sains. Ces anticorps contribuent dans une large mesure à l’induction de maladies auto-immunes. Les protéines citrullinées – typiques de la polyarthrite rhumatoïde – sont également présentes en plus grande quantité dans le tissu pulmonaire des patients BPCO, indépendamment de leur statut de fumeur. Leur présence est étroitement associée à l’ampleur de l’inflammation.

La dégradation de la matrice extracellulaire pulmonaires peut également produire des auto-antigènes, notamment des fragments d’élastine. Leur taux est souvent élevé chez les patients BPCO. On sait que le tabagisme stimule la fragmentation de l’élastine. Lorsqu’un patient arrête de fumer, les fragments d’élastine présents continuent d’agir comme des auto-antigènes et de déclencher l’inflammation. Cela pourrait expliquer pourquoi l’inflammation persiste après l’arrêt du tabac.

Conséquences de la mort cellulaire apoptotique

Enfin, la mort cellulaire apoptotique, plus fréquente dans les poumons BPCO, peut libérer des composants intracellulaires qui déclenchent une réponse immunitaire adaptative et une auto-immunité, rapportent les auteurs. En effet, des anticorps contre les cellules épithéliales pulmonaires ont été mis en évidence dans les poumons de patients atteints de BPCO.

L’auto-immunité est associée à la fois à la persistance de l’inflammation malgré l’élimination des facteurs de risque et à différents phénotypes cliniques de BPCO. Par exemple, une corrélation significative a été trouvée entre les signaux des cellules B et le phénotype d’emphysème.

Les follicules lymphoïdes du tissu pulmonaire et la production d’auto-anticorps sont également étroitement liés. Dans le phénotype de la bronchite, c’est surtout l’auto-immunité médiée par les cellules T qui joue un rôle. Chez les personnes atteintes, on constate une augmentation significative du nombre de cellules T dans les biopsies bronchiques. Leur concentration en cellules T est inversement corrélée au VEMS.

Implications pour le développement de la BPCO

Les mécanismes auto-immuns peuvent expliquer pourquoi, à facteurs de risque égaux, certains patients développent une BPCO et d’autres non. Les personnes les plus à risque sont celles dont le système immunitaire est plus actif ou dont la tolérance immunitaire est plus faible. C’est p. ex. le cas des femmes en général, qui sont considérées comme plus sensibles aux maladies auto-immunes que les hommes.

Chez elles, la perte de la fonction pulmonaire progresse plus rapidement, l’emphysème est plus prononcé et les exacerbations sont plus nombreuses que chez les hommes. Une production d’auto-antigènes supplémentaires déclenchée par des agents pathogènes, et donc un renforcement de la réponse auto-immune, pourrait être le mécanisme de base derrière les exacerbations aiguës.

Vers un diagnostic plus précoce grâce aux auto-anticorps

Les auteurs déduisent de ces résultats des conséquences pour la prise en charge de la BPCO. Jusqu’à présent, les tests de la fonction pulmonaire et l’imagerie ne permettent en général de n’identifier les patients qu’à des stades tardifs de la maladie. Grâce à la détermination des auto-anticorps, le diagnostic pourrait à l’avenir être posé plus tôt, espèrent-ils. En effet, les auto-anticorps sont déjà détectables quelques années avant la survenue des symptômes cliniques. Ils pourraient également rendre de bons services en tant que biomarqueurs pour l’évaluation de l’activité de la maladie et de la réponse thérapeutique.

Pour enrayer la progression de la BPCO, les auteurs sont convaincus que le traitement doit cibler l’auto-immunité. Les anticorps anti-CD20, comme le rituximab ou le bélimumab, et l’hydroxychloroquine, qui régulent à la baisse le facteur BAFF activant les cellules B, auraient un tel potentiel.

Lorsque les corticoïdes sont en échec

Le peu d’efficacité fréquent des corticoïdes dans la BPCO pourrait être dû au fait que l’inflammation auto-immune est principalement neutrophile. Les neutrophiles présents dans les voies respiratoires et dans les poumons ne présentent pas de récepteurs aux corticoïdes.