17 juil. 2024Troubles fonctionnels

Reconnaître, communiquer et traiter les troubles fonctionnels

Dans le diagnostic des troubles fonctionnels, les neurologues y perdent souvent leur latin. Les reconnaître et bien communiquer le diagnostic fait aussi partie des tâches des médecins spécialistes. Le transfert des patients vers un lieu de traitement approprié est alors facilité.

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La communication du diagnostic est un moment clé et peut s’avérer efficace au plan thérapeutique.

Les troubles sans cause organique identifiable sont relativement fréquents en neurologie.

Ainsi, dans une cohorte de 980 patients de huit ans et plus dont le diagnostic initial était l’état de mal épileptique, le taux de crises psychogènes prolongées non épileptiques était de 8 %. Parmi les adolescents et les jeunes adultes, 20 % des crises se sont même révélées psychogènes, a rapporté le Dr Stoyan Popkirov, PD, Hôpitaux universitaires d’Essen.

En général, le premier diagnostic posé dans le service des urgences neurologiques – tel qu’un accident vasculaire cérébral, des vertiges ou des troubles moteurs – doit être modifié ultérieurement en trouble fonctionnel chez 5 à 10 % des patients. Dans les services ambulatoires spécialisés, ce pourcentage est encore plus élevé.

« Nous ne pouvons donc pas nous permettre d’accorder moins d’attention à ces pathologies qu’aux autres », a déclaré le Dr Popkirov lors du 96e congrès de la Société allemande de neurologie. Les troubles fonctionnels font partie du quotidien de la neurologie. Les symptômes ne sont pas produits consciemment ou même simulés :  « Le trouble survient à l’insu de la conscience ». En psychodynamique, on parle donc aussi d’une mise en scène inconsciente, a expliqué l’intervenant.

La fatigue et les douleurs souvent rapportées

Certains indices anamnestiques parlent en faveur d’un trouble fonctionnel, a expliqué la Dr Anne Weissbach, PD, clinique universitaire du Schleswig-Holstein, campus de Lübeck. En font notamment partie

  • un premier épisode de symptômes de survenue soudaine ;
  • les déclencheurs, considérés comme importants par les patients, n’ont pas de lien de causalité objectif ;
  • la phénoménologie et la sévérité sont fluctuantes ;
  • le trouble est décrit comme s’il avait une cause extérieure (« il me tombe dessus, je ne peux pas l’influencer » ;
  • une fatigue, des troubles de la concentration et douleurs sont rapportés plus fréquemment que dans d’autres psychopathologies.

Dans de nombreux cas, les constellations de symptômes sont également incongrues par rapport à celles qui sont typiques des troubles d’origine organique. Au lieu de cela, on trouve un pot-pourri de troubles qui ne semblent pas suivre les lois de la neuroanatomie et de la physiologie.

Selon l’intervenante, une certaine incohérence est également typique. Ainsi, les symptômes sont souvent les plus marqués lors de l’examen de la région du corps concernée, donc modulables par déplacement de l’attention. Lorsque les tests diagnostiques sont plus complexes, il y a en général une modification de la phénoménologie.

Communication du diagnostic est un moment clé

La communication du diagnostic est un moment clé du traitement, a souligné la collègue. Une bonne communication peut en elle-même être efficace sur le plan thérapeutique – et pose la première pierre pour la réussite ultérieure de la thérapie.

Le Dr Weissbach explique p. ex. aux patients que, bien qu’il n’y ait pas de lésion structurelle isolée, il y a des perturbations au niveau du réseau. « Comme dans un orchestre où tous les musiciens sont présents, mais où l’interaction ne fonctionne pas bien ». Une autre description utile du problème est celle d’un ordinateur dont le matériel est intact, mais qui connaît des problèmes de logiciels.

L’objectif de l’utilisation de ces métaphores est de permettre aux patients d’atteindre l’auto-efficacité. Selon l’intervenante, il est tout à fait du ressort du neurologue d’y parvenir. Celui-ci joue en effet un rôle essentiel dans le transfert du patient vers la rééducation ou les soins psychiatriques.

Clarifier les douleurs chroniques et dissociations

La prise en charge stationnaire des troubles moteurs fonctionnels est multimodale et adaptée individuellement à chaque patient. « Il y a plusieurs façons d’atteindre l’objectif. Nous devons trouver ce qui aide le mieux le patient », a expliqué le Dr Tamara Schmidt, clinique de la maladie de Parkinson, Beelitz-Heilstätten.

Afin de dépister une éventuelle maladie psychiatrique sous-jacente, on recherchera activement les symptômes d’un éventuel état de stress post-traumatique, d’une dépression ou de troubles anxieux. Les douleurs chroniques, les troubles de la personnalité et les expériences dissociatives doivent également être clarifiés. « Les patients ne le formulent pas d’eux-mêmes », a expliqué le Dr Schmidt.

Une approche relationnelle axée sur la motivation est utile pour la psychothérapie. Elle aide le patient à développer lui-même la volonté de changer. Les autres éléments d’une psychothérapie sont

  • le développement d’un concept de perturbation ;
  • l’entraînement de la perception du corps, qui est souvent moins bonne du côté concerné ;
  • la promotion de l’efficacité personnelle ;
  • l’intégration des expériences traumatiques ;
  • l’accord sur une autre perspective thérapeutique.

Lors du traitement, on peut p. ex. parler des situations dans lesquelles l’intensité des symptômes diminue. Les exercices contribuent à la prise de conscience du corps, à la gestion de l’attention et à la relaxation. Selon le Dr Schmidt, il est important de ne pas forcer, en physiothérapie p. ex., le patient à faire des mouvements qu’il dit ne pas pouvoir faire. Cela ne fait souvent que renforcer les phénomènes fonctionnels. Si les patients initient eux-mêmes de nouveaux mouvements, ils peuvent ainsi élargir progressivement leurs possibilités motrices.

Il n’existe cependant pas encore d’offres stationnaires de ce type. En ambulatoire, un physiothérapeute expérimenté peut soutenir la thérapie – mais il n’y en a pas beaucoup non plus dans toute l’Allemagne. La Société allemande de neurologie (DGN) s’efforce d’élaborer des directives thérapeutiques et de proposer des cursus de formation continue, a déclaré le Dr Schmidt, qui a proposé :  « Les physiothérapeutes et psychothérapeutes qui travaillent avec de tels patients peuvent également nous contacter directement ».

Les proches doivent parfois être exclus

Si les patients souhaitent essayer un traitement médicamenteux, il faut déterminer à l’avance la durée de l’essai thérapeutique.

Le Dr Popkirov a clairement rejeté une médication à effet dépresseur central en cas de crises fonctionnelles aiguës : « Si vous voulez absolument donner une benzodiazépine, donnez-la vous-mêmes ». Selon lui, il est bien plus important d’accompagner les patients avec empathie et respect. Cela implique aussi de créer un environnement calme. Pour cela, il faut parfois inviter les proches à entrer, mais dans d’autres cas, il faut aussi les prier de sortir, a conclut le Dr Popkirov.