12 sept. 2025Du régime méditerranéen au régime ITIS*

Soulager le rhumatisme par l’alimentation

Une alimentation adéquate permet-elle de lutter contre l’inflammation liée aux maladies rhumatismales ? La science n’en est qu’à ses débuts sur cette question, mais les résultats obtenus à ce jour sont prometteurs. Un rhumatologue explique quels sont les aliments qui ont un effet particulièrement bénéfique.

Des graisses précieuses, des légumes frais, des fruits protéolytiques : tout cela fait partie du régime ITIS.
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Les maladies rhumatismales telles que la polyarthrite rhumatoïde sont souvent très éprouvantes, tant sur le plan physique que psychique. À l’heure actuelle, les patients sont de ce fait souvent prêts à jouer un rôle actif dans la gestion de leur maladie. C’est ce qu’a également constaté dans sa pratique le Dr Django Russo, chef de clinique, Rhumatologie, Triemli Spital, Zurich (1).

De nombreux patients atteints de maladies rhumatismales posent ainsi des questions sur l’alimentation et son effet potentiel sur les états inflammatoires. « Un aspect qui a souvent été sous-estimé jusqu’à présent», a expliqué le spécialiste. Entre-temps, plusieurs exemples dans la littérature scientifique et des témoignages de patients suggèrent que certains aliments peuvent améliorer ou aggraver les symptômes inflammatoires.

Par contre, donner un niveau de preuve scientifique comme pour les médicaments est loin d’être simple, a regretté le Dr Russo. « Les études nutritionnelles ont souvent une validité limitée car elles sont généralement menées sous forme d’études de cohorte. Contrairement aux études contrôlées, elles ne sont pas randomisées et conduites en insu ».

Un autre obstacle est que les changements alimentaires ne montrent souvent des effets mesurables qu’après des mois, voire des années. En effet, le microbiome gastro-intestinal peut certes évoluer rapidement. Mais la manière d’inscrire une telle évolution dans la durée reste encore du domaine de la recherche. Les modifications alimentaires ayant un impact positif sur la santé doivent être mieux étudiées.

Le régime ITIS, clé de la régulation de l’inflammation

Malgré ces défis à relever, il existe plusieurs approches prometteuses. Elles portent sur la manière dont l’alimentation peut être efficace en tant que mesure de soutien dans les maladies rhumatismales.

En font partie :

  • les effets pro-inflammatoires ou anti-inflammatoires de certains nutriments ou modes alimentaires ,
  • les effets sur le microbiome ou le système immunitaire associé à l’intestin ;
  • les influences sur les maladies concomitantes telles que le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires ;
  • une normalisation du poids en cas d’obésité.

Une réduction scientifiquement démontrée de l’inflammation par l’alimentation est illustrée par le « régime ITIS », présenté pour la première fois en 2020 lors d’un congrès de l’American College of Rheumatology (ACR).

Ce régime repose sur une intervention nutritionnelle ciblée et relativement stricte, combinant des aliments dont les effets biologiques peuvent avoir une action anti-inflammatoire.

« Les résultats des études pilotes sur le régime ITIS sont remarquables », souligne le Dr Russo. Après seulement deux semaines, les patients atteints de maladies rhumatismales ont présenté une amélioration de la douleur et des marqueurs inflammatoires sur le score DAS28. Ces résultats sont comparables à un traitement de quatre semaines par l’adalimumab.

Le régime méditerranéen comme base

Étonnamment, les patients répondeurs au régime ITIS présentaient déjà un microbiome plus diversifié avant le début de l’intervention alimentaire. Cela suggère qu’un délai plus long est nécessaire pour obtenir, par un changement d’alimentation, une modulation du microbiome gastro-intestinal cliniquement significative.

Le régime ITIS repose en grande partie sur les principes du régime méditerranéen. Celui-ci, déjà décrit dans les années 1970 comme prolongeant la vie et favorisant la santé, met l’accent sur les aliments frais et non transformés. Il privilégie aussi une grande quantité de légumes ainsi que l’utilisation de l’huile d’olive.

Dans des études, le régime méditerranéen a permis de réduire le risque de maladie cardiovasculaire. Le régime ITIS élargit ce concept par l’exclusion ciblée des aliments pro-inflammatoires comme les graisses trans et le sucre raffiné. Dans une étude comparative encore en cours, le régime ITIS a donné de meilleurs résultats que le régime méditerranéen chez les patients rhumatisants.

Des légumes, et surtout des couleurs dans l’assiette

Dans le régime ITIS, la moitié de l’assiette doit être composée de légumes. Ceux-ci contiennent des nutriments importants et évitent de trop manger. Plus les légumes sont colorés, plus ils contiennent de polyphénols anti-inflammatoires. De même, un rapport favorable entre les acides gras oméga-3 et oméga-6 est essentiel (encadré ci-contre).

À éviter dans le régime ITIS :

  • Viande rouge et aliments transformés (p. ex. charcuteries, fast-food) ;
  • Graisses trans et acides gras saturés (p. ex. fritures, margarine) ;
  • Gluten (selon la tolérance de chacun) ;
  • Sucre et glucides raffinés (p. ex. sucreries, pain blanc) ;
  • Laitages (à remplacer par des alternatives végétales) ;
  • Forte consommation de sel ; 
  • Café (à remplacer par du thé).

Recommandations ITIS en détail

Équilibrer les acides gras oméga-3 et oméga-6

L’un des objectifs nutritionnels spécifiques du régime ITIS est l’apport d’acides gras oméga-3 et d’acides gras oméga-6 dans un rapport favorable. La recommandation pratique du régime ITIS est d’intégrer dans l’alimentation du poisson gras au moins deux fois par semaine. Il est également conseillé de consommer chaque jour des sources d’oméga-3 comme les graines de chia et l’huile de graines de lin. Les acides gras oméga-3 ont un effet positif sur les réactions immunitaires. Ils favorisent aussi la production d’acides gras à chaîne courte à effet anti-inflammatoire par les commensaux intestinaux.

Les acides gras oméga-6 jouent certes un rôle important dans le système nerveux mais, consommés en excès, ils peuvent également faire évoluer les processus inflammatoires car dans les membranes cellulaires, les oméga-6 peuvent être transformés en acide arachidonique, qui sert de substance de base aux eicosanoïdes pro-inflammatoires (p.ex. prostaglandines, leucotriènes, thromboxanes). Ce processus peut être inhibé par l’absorption d’acides gras oméga-3. Les acides gras oméga-6 se trouvent dans les huiles végétales telles que l’huile de tournesol ou de maïs. Comme ils sont présents en grande quantité dans les aliments transformés, beaucoup en consomment trop.

Les patients doivent aussi veiller à consommer beaucoup d’acides gras mono-insaturés (AGMI), présents p.ex. dans les noix, graines et les légumineuses. En revanche, il est recommandé de consommer peu d’aliments contenant des acides gras trans qui favorisent l’inflammation, comme la viande rouge, les laitages et les aliments transformés.

Fruits, légumes, fibres

Une autre recommandation est un apport suffisant en fibres alimentaires, que l’on trouve principalement dans les produits à base de céréales complètes (p.ex. avoine, quinoa), les légumes, les légumineuses (p.ex. lentilles, pois chiches) et les fruits (surtout les baies). Les fibres alimentaires, qui ont un effet prébiotique, nourrissent le microbiome et ont été associées dans diverses études à une inhibition de l’inflammation.

Les légumes tels que les légumes à feuilles, l’ail et les oignons contiennent également des composants phytochimiques bénéfiques. Des alcools de sucre et des fibres sont recommandés dans le régime ITIS en consommation quotidienne. En outre, la consommation quotidienne de probiotiques est recommandée, notamment le yaourt (végétal ou classique), le miso et la choucroute. Ceux-ci contiennent des bactéries bénéfiques qui permettent de renforcer la flore intestinale.

Les épices doivent avoir une place particulière dans la cuisine des rhumatismants. Le curcuma, le poivre noir et le gingembre font partie des épices connues pour leur effet anti-inflammatoire.
Il est également important de consommer suffisamment de fruits et de légumes (de toutes les couleurs), ainsi que d’eau et de thé. En outre, les patients doivent consommer quotidiennement des fruits tropicaux comme la papaye, l’ananas, la mangue et préférer le lait végétal au lait de vache.

Élaborer une stratégie alimentaire d’entente avec les patients

Outre le régime ITIS, il existe d’autres formes d’alimentation qui ont eu un effet positif sur les inflammations rhumatismales dans le cadre d’études. Il s’agit notamment de l’alimentation à base végétale et de l’apport quotidien d’une barre riche en fibres. « La combinaison d’une alimentation ciblée, associée à l’exercice physique, à la gestion du stress et au traitement médicamenteux, peut être la clé pour améliorer durablement la qualité de vie des patients rhumatisants », a résumé le Dr Russo.

Les patients qui souhaitent changer d’alimentation ne doivent donc en aucun cas être dissuadés ou infantilisés. Si les patients demandent p. ex. si renoncer au gluten peut améliorer les douleurs rhumatismales, le Dr Russo recommande généralement d’essayer.

L’objectif est d’élaborer une stratégie alimentaire réalisable avec le patient – si possible en collaboration avec des diététiciens. « Nous devons comprendre ce que signifie le mot réalisable pour le patient – car la nutrition est un processus qui dure toute la vie ».

Pour examiner le microbiome… des colorants alimentaires !

Afin d’évaluer la santé intestinale et notamment la diversité du microbiome, le Dr Russo recommande le « Blue Poo Challenge ».

Pour ce faire, les patients mangent deux muffins spécialement préparés et colorés en bleu à l’aide de colorants alimentaires. Ils observent ensuite le temps qu’il faut pour que leurs selles se colorent et le délai pour que la coloration disparaisse.

Un temps de transit intestinal normal est de 0,5 à 1,5 jour, avec au maximum de 2,5 jours. Un temps de transit plus long (plus de 2,5 jours) peut signifier une faible diversité du microbiote, ce qui peut être associé à des maladies inflammatoires et à une moins bonne santé intestinale. La démarche n’est pas coûteuse, facile à mettre en œuvre et est une bonne source de motivation pour les patients à adapter leur alimentation et leur mode de vie. Après un changement d’alimentation, le défi peut être répété pour évaluer les progrès.