10 déc. 2025Les antidépresseurs et ligands α2δ d’abord Prise en charge de la douleur neuropathique fondée sur les preuves

Douleur neuropathique : prise en charge fondée sur les preuves

Les douleurs neuropathiques réduisent considérablement la qualité de vie. Elles sont également un énorme défi pour les soignants. Les médecins ont donc besoin de recommandations fondées sur les preuves en ce qui concerne les options thérapeutiques actuellement disponibles.

Junge Frau massiert ihren schmerzenden Nacken.
Goffkein/stock.adobe.com

Récemment, le Neuropathic Pain Special Interest Group (Neu-PSIG) a actualisé ses recommandations thérapeutiques, qui s’adressent aux médecins de l’ensemble des niveaux de soins impliqués dans le traitement des douleurs neuropathiques chez l’adulte (1).

Une révision des recommandations basée sur 313 études

Les dernières directives thérapeutiques pour le traitement des douleurs neuropathiques dataient de 2015. La version actualisée s’est fondée sur une revue systématique et une méta-analyse récemment publiées dans le Lancet. Pour ce faire, les chercheurs ont tenu compte des études en double insu, randomisées et contrôlées par placebo sur les thérapies médicamenteuses et les traitements par neuromodulation entre début 2013 et février 2024. Le principal critère d’inclusion était la présence de douleurs purement neuropathiques. Les patients ayant des douleurs d’origine mixte étaient exclus d’emblée. De plus, les participants devaient avoir reçu leur traitement pendant au moins trois semaines ou avoir été suivis pendant une période de trois semaines. Les études ayant inclus des patients présentant certaines pathologies neurologiques – p. ex. un syndrome douloureux régional complexe, une fibromyalgie, des douleurs dorsolombaires sans origine radiculaire et des douleurs oro-faciales idiopathiques – ont été exclues. Au total, les auteurs ont pris en compte plus de 40 000 adultes issus de 313 études.

Le critère d’évaluation primaire était la réponse thérapeutique définie comme une réduction de la douleur de 50 %, resp. de 30 %, par rapport à la valeur initiale ou au moins un soulagement modéré. Les chercheurs ont évalué la sécurité sur la base du nombre de participants ayant interrompu le traitement en raison d’effets indésirables. Ils ont calculé le Number Needed to Treat (NNT) et le Number Needed to Harm (NNH) pour chaque groupe de comparaison. Ils ont évalué la fiabilité des preuves à l’aide du Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation (GRADE). Des analyses de sensibilité ont permis d’évaluer les distorsions potentielles. Outre l’efficacité et les effets indésirables, les auteurs ont également tenu compte de l’accessibilité et du coût des traitements. Ils ont également pris en compte les expériences vécues par les participants.

Le traitement topique en deuxième choix

Les recommandations n’ont que peu changé par rapport à la version précédente. En ce qui concerne le traitement médicamenteux, les antidépresseurs tricycliques (ATC), les IRSN (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) et les ligands a2d (surtout la prégabaline et la gabapentine) restent les traitements de première intention. Tous ont montré un niveau de preuve modéré. Même si les auteurs recommandent d’évaluer soigneusement les risques – les effets indésirables des ATC étant fréquents, surtout chez les patients âgés. Les résultats détaillés montrent :

  • ATC (principalement l’amitriptyline) :  NNT = 4,6 ;  NNH = 17,1 ;
  • IRSN (principalement la duloxétine) :  NNT = 7,4 ;   NNH = 13,9 ;
  • Ligands α2δ (gabapentine, prégabaline) :  NNT = 8,9 ;  NNH = 26.

Les préparations topiques sont un traitement de deuxième intention pour les douleurs localisées. Ils sont toutefois également considérés comme un traitement de première intention chez le patient âgé ainsi qu’en cas de comorbidité ou de polymédication. Ce sont notamment le patch de capsaïcine à 8 % (NNT = 13,2 ; NNH = 1129,3 ; niveau de preuve modéré), le patch de lidocaïne à 5 % (NNT = 14,5 ; NNH = 178,0 ; niveau de preuve très faible) et la crème à base de capsaïcine (NNT = 6,1 ; NNH = 18,6 ; niveau de preuve très faible).

Tous les opioïdes, y compris le tramadol – dont l’efficacité est faible – ne doivent être utilisés qu’en troisième intention (niveau de preuve faible), en cas de douleurs d’intensité croissante et ne répondant à aucun autre traitement. Les opioïdes ont certes montré une efficacité modérée (NNT = 5,9), mais aussi un risque accru d’effets indésirables (NNH = 15,4). Le risque d’abus et de dépendance est accru.

La toxine botulique de type A a montré un effet prometteur (NNT = 2,7) tout en présentant un risque minimal (NNH > 200). Le niveau de preuves était modéré. Cependant, en raison des données restreintes de l’étude, elle n’a reçu qu’une recommandation de traitement de troisième ligne, principalement en cas de douleurs périphériques réfractaires.

Peu de données pour les associations thérapeutiques

Il n’y a pas de preuves solides pour les thérapies combinées. Les auteurs en appellent donc à des travaux supplémentaires pour pouvoir formuler des recommandations sûres, les traitements combinés ayant un rôle central dans une gestion efficace de la douleur. Ayant reçu une évaluation négative, les cannabinoïdes ne doivent pas être utilisés. La carbamazépine et l’oxcarbazépine restent des médicaments de première intention en cas de névralgie du trijumeau.

En ce qui concerne la neuromodulation, seule la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (SMTr) à haute fréquence a montré des effets significatifs (NNT = 4,2 ; NNH = 651,6). Cependant, en raison du niveau précaire des preuves, des coûts élevés et de l’accès limité, elle n’a été classée que comme traitement de troisième intention – même si elle s’est montrée plus efficace que de nombreux médicaments. Les données sont encore insuffisantes pour d’autres méthodes comme la stimulation nerveuse électrique transcutanée (TENS).

Adapter le traitement individuellement

Le NeuPSIG recommande ainsi pour la première fois des approches à la fois pharmacologiques et neuromodulatrices. De nombreux traitements médicamenteux ont un effet modéré. Cependant, les études sont souvent hétérogènes et il y a des risques de biais. Les effets placebo, la taille réduite des échantillons et les profils obsolètes limitent la comparabilité. Il n’y a souvent pas de données sur les thérapies combinées. Les techniques de neuromodulation suscitent un intérêt croissant en tant qu’approches thérapeutiques alternatives. Leur effet à long terme et leur sécurité restent toutefois à préciser. Là aussi, des études complémentaires et de plus grande envergure sont nécessaires.
Les recommandations insistent en tout cas sur le fait que les décisions thérapeutiques doivent être prises en équipe et que les besoins des patients doivent recevoir une place centrale. Parallèlement, les médecins doivent également tenir compte de l’aspect des coûts, de la faisabilité et de l’accessibilité des différentes méthodes.