Guide interdisciplinaire pour le diagnostic et le traitement des vertiges
Les vertiges sont l’un des symptômes cardinaux les plus fréquents en pratique clinique et représentent un défi majeur en raison de la multiplicité des diagnostics possibles. Un nouveau guide pour la pratique – qui contient des recommandations précises pour le diagnostic initial et le traitement des vertiges – s’adresse non seulement aux médecins généralistes, mais aussi aux neurologues.

Dans la recherche des causes aiguës de vertiges –en particulier celles qui représentent un danger –, les symptômes neurologiques (p. ex. diplopie, ataxie, parésie, dysarthrie), otologiques (douleurs auriculaires, perte auditive) et cardiovasculaires (palpitations, arythmies, oppression thoracique) doivent être pris en compte.
Outre l’examen neurologique, le bilan devra inclure une otoscopie et un test d’audition sommaire. Important : les caractéristiques des vertiges ne doit pas avoir pour conséquence l’exclusion de certains diagnostics différentiels !
TiTrATE pour poser le bon diagnostic
Une anamnèse structurée est un élément diagnostique central des vertiges. La stratégie dite TiTrATE (Timing, Triggers And a Targeted Examination) a montré son utilité dans le diagnostic différentiel des troubles vestibulaires. Elle tient compte des symptômes associés et repose sur trois questions clés :
- Timing : s’agit-il d’un premier épisode de vertiges ou d’épisodes répétés ? Quelle est la durée des épisodes de vertiges ?
- Déclencheurs : y a-t-il des facteurs déclenchants ou aggravants ?
- Examen ciblé : quels sont les résultats de l’examen ciblé ?
Cette approche permet de classer les symptômes en trois syndromes cliniques :
- Syndrome vestibulaire aigu (SVA) : vertiges persistants pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours, généralement associés à des nausées, une instabilité à la marche et un nystagmus. Dans le cas du SVA, il est particulièrement important de distinguer les causes centrales dangereuses (par exemple, accident vasculaire cérébral) des causes périphériques (vestibulopathie unilatérale aiguë).
- Syndrome vestibulaire épisodique (SVE) : crises de vertiges récidivantes d’une durée allant de quelques minutes à plusieurs heures, avec des intervalles asymptomatiques. Un SVE peut être déclenché (p. ex. en cas de vertige positionnel paroxystique bénin) ou survenir spontanément (p. ex. en cas de migraine vestibulaire ou de maladie de Ménière). S’il s’agit d’un premier épisode, il faut également envisager un accident ischémique transitoire (AIT).
- Syndrome vestibulaire chronique (SVC) : vertiges persistants pendant des semaines, voire des mois. Des vertiges chroniques et des troubles de l’équilibre en position debout ou à la marche peuvent être des signes d’une vestibulopathie bilatérale. Des vertiges persistants pendant ≥ 3 mois, s’aggravant en position debout, aux mouvements actifs ou passifs ainsi qu’en regardant des stimuli visuels en mouvement, sont le signe de vertiges fonctionnels (vertiges posturaux-perceptuels persistants, VPPP).
Vérifier le HINTS et identifier la cause centrale
En cas de vertiges aigus prolongés accompagnés d’un nystagmus spontané ou directionnel, la batterie de tests du HINTS (Head Impulse Test, Gaze nystagmus, Skew Deviation) est indiquée. Conduit par un praticien expérimenté, cet examen permet de distinguer avec une grande précision (sensibilité de 95,3 %) les causes centrales et périphériques des troubles de l’équilibre.
Le test HINTS-plus permet en outre de rechercher une perte auditive unilatérale récente. Si tel est le cas, c’est un signe de cause centrale jusqu’à preuve du contraire (p. ex. première manifestation d’une maladie de Ménière).
En cas de vertiges aigus persistants avec instabilité à la marche sans nystagmus spontané ou directionnel, le bilan débutera par un examen fonctionnel graduel de l’équilibre et de la marche (syndrome d’instabilité aiguë).
Manœuvres de provocation en présence d’un déclencheur
Si les vertiges épisodiques sont manifestement déclenchés par certains mouvements, le test HINTS(plus) n’est pas nécessaire. De même, une tomodensitométrie ou une IRM n’est pas nécessaire en première intention en cas de suspicion de vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB). Dans ce cas, les manœuvres de positionnement sont la première étape diagnostique :
- La manœuvre de Hallpike-Dix permet la mise en évidence d’un VPPB du canal semi-circulaire postérieur.
- La manœuvre de Supine-Roll permet la mise en évidence d’un VPPB du canal semi-circulaire horizontal.
Migraine vestibulaire ou maladie de Ménière ?
En cas de SVE spontané (sans facteur déclenchant), il faut déterminer si les symptômes sont dus à une migraine vestibulaire ou à une maladie de Ménière. En cas de migraine vestibulaire, la présence d’antécédents de migraine est obligatoire. En outre, au moins cinq épisodes de vertiges d’intensité modérée/élevée avec une durée des symptômes de 5 minutes à 72 heures doivent être documentés dans au moins une crise sur deux.
Le diagnostic de la maladie de Ménière (≥ 2 épisodes avec symptômes vestibulaires et cochléaires d’une durée de 20 minutes à 12 heures) n’est confirmé qu’après documentation par audiométrie tonale d’une perte auditive neurosensorielle dans les fréquences graves.
Le traitement des causes centrales (principalement ischémiques) d’un SVA ou d’un syndrome d’équilibre aigu doit être instauré le plus rapidement possible dans une unité de soins intensifs. En cas de carence aiguë en thiamine, une supplémentation immédiate à forte dose en vitamine B1 est indiquée.
Des antivertigineux pendant au maximum 2 à 3 jours
Les patients atteints de SVA périphérique (vestibulopathie aiguë unilatérale, névrite vestibulaire) doivent être traités le plus rapidement possible par des corticoïdes et suivre une rééducation vestibulaire. La durée de prise des antivertigineux et des antiémétiques doit être limitée à 2-3 jours maximum. L’extrait de Ginkgo biloba peut également être envisagé pour favoriser l’adaptation centrale.
Le traitement de la migraine vestibulaire, de la maladie de Ménière et des vertiges fonctionnels doit être décidé en concertation avec un médecin spécialiste.
Tarnutzer AA et al. HNO 2025; 73: 461-473.
