Antibiotiques pendant la grossesse : une méta-analyse révèle des liens avec l’asthme, les allergies et l’obésité
Bien que les antibiotiques soient fréquemment prescrits pendant la grossesse, leurs effets à long terme sur la santé de l’enfant restent peu étudiés. Une nouvelle revue systématique et méta-analyse met en lumière un possible lien avec plusieurs maladies. Cette exposition prénatale pourrait notamment être associée aux allergies, à l’asthme et à l’obésité.

Les antibiotiques font partie des médicaments les plus prescrits pendant la grossesse.
Plus d’un quart des enfants à naître sont ainsi exposés à ces substances pendant la période prénatale. Environ 40 % des nouveau-nés y sont également exposés au moment de la naissance. Si les avantages des antibiotiques sont bien connus, leurs effets à long terme restent moins clairs. Les risques pour la santé des enfants exposés in utero doivent encore être précisés.
Antibiotiques durant la grossesse : des liens avec des maladies immunitaires et métaboliques
Bien que la fréquence des maladies infectieuses ait diminué au cours des dernières décennies, les maladies à médiation immunitaire sont en nette augmentation.
Cela inclut
- les allergies,
- les maladies inflammatoires de l’intestin,
- les affections rhumatologiques et
- le diabète, y compris chez l’enfant.
L’exposition précoce aux antibiotiques a été associée à un risque accru de
- dermatite atopique,
- d’allergies,
- d’asthme,
- d’obésité,
- d’arthrite juvénile idiopathique,
- de psoriasis et
- de troubles du développement neurologique.
Cependant, les effets d’une exposition prénatale aux antibiotiques n’ont pas encore fait l’objet d’études suffisantes.
Afin de déterminer le lien entre l’exposition prénatale aux antibiotiques et les effets négatifs à long terme sur la santé des enfants, Quynh A. Duong, Université de Fribourg, et ses collègues ont mené une revue systématique et une méta-analyse dans lesquelles ils ont identifié 26 911 études (1).
Un risque accru de diverses maladies
Parmi celles-ci, 121 travaux répondaient aux critères d’inclusion. L’équipe a identifié 37 autres études pertinentes en recherchant manuellement les références, ce qui a permis d’inclure 158 études au total. Celles-ci regroupaient au total plus de 1,2 million de cas et plus de 20,7 millions de contrôles. Toutes les études ont été menées dans des pays industrialisés. Le nombre de participants aux différentes études allait de 40 à plus de deux millions.
L’analyse a montré une relation significative entre l’exposition prénatale aux antibiotiques et un risque accru
- de dermatite atopique (OR 1,27),
- d’allergies alimentaires (OR 1,25),
- de rhinoconjonctivite allergique (OR 1,39) et
- d’asthme (OR 1,36).
Aucune association significative n’a été constatée en ce qui concerne avec
- les malformations congénitales,
- les naissances prématurées,
- les faibles poids de naissance,
- la maladie cœliaque,
- l’arthrite juvénile idiopathique,
- le diabète de type 1,
- les troubles du spectre autistique et
- le TDAH.
Des liens multiples
L’analyse a montré que le risque était influencé par des facteurs tels que le moment de l’exposition, le nombre de cures d’antibiotiques et le type d’antibiotique. Parmi les études qui ont analysé spécifiquement les trimestres, plusieurs ont trouvé une association plus étroite en cas d’exposition au troisième trimestre. Les cures répétées d’antibiotiques augmentaient également le risque.
Selon les auteurs, la relation entre l’exposition prénatale aux antibiotiques et les effets délétères à long terme sur la santé des enfants est complexe. Parmi les mécanismes centraux figurent une perturbation de la barrière intestinale, une dérégulation du système immunitaire, des modifications du microbiote maternel et fœtal, des troubles métaboliques et des changements épigénétiques.
Il est important de souligner qu’observer une association ne signifie pas automatiquement un lien de causalité. Il existe certes des mécanismes potentiels par lesquels une dysbiose due aux antibiotiques pourrait conduire à des résultats cliniques défavorables, en raison d’une altération des voies immunologiques et d’autres voies liées au développement en raison de modifications du microbiome. Toutefois, les études d’observation ne permettent pas d’exclure une causalité inverse (biais protopathique) (c.-à-d. qu’un état de santé maternel prédisposant à des résultats défavorables pourrait conduire à une prescription d’antibiotiques).
Des études difficilement réalisables
Les résultats de la méta-analyse soulignent l’importance d’une utilisation prudente des antibiotiques pendant la grossesse. Ils suggèrent également qu’une exposition prénatale peut être associée à différents risques à long terme pour la santé des enfants. Les travaux à venir permettront de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents. Selon les auteurs, des études longitudinales comprenant des données détaillées sur les types d’antibiotiques, les doses, le moment de l’utilisation et la santé de la mère sont indispensables.
De même, l’étude du microbiome intestinal pourrait contribuer au développement de stratégies préventives. Étant donné qu’il est éthiquement discutable d’administrer des antibiotiques inutiles aux femmes enceintes ou de les priver d’antibiotiques potentiellement nécessaires, les études randomisées et contrôlées sont difficilement réalisables. Selon les auteurs, les études sur les animaux et les modèles pourraient fournir des informations précieuses pour combler les lacunes des connaissances.