28 avr. 2025Des traitements récents et de futures substances actives dans le pipeline

Prise en charge de la dermatite atopique conforme aux directives

Les progrès thérapeutiques offrent aux patients atteints de dermatite atopique modérée à sévère des options nettement meilleures qu’il y a quelques années. D’autres substances actives sont également en cours de développement. Le Pr Thomas Werfel, premier auteur de la directive S3 allemande sur la dermatite atopique (DA), a donné un aperçu de la situation lors d’une manifestation de formation continue.

Enfant méconnaissable se grattant le bras avec une dermatite atopique.
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Depuis quelques années, les progrès thérapeutiques sont manifestes dans la dermatite atopique, et le pipeline est prometteur aussi.

Mise à jour l'année dernière, la directive allemande sur la dermatite atopique (DA) a bénéficié de la collaboration de la Société autrichienne de dermatologie et de vénérologie (ÖGDV). Elle a désormais atteint le niveau de preuve le plus élevé (S3) (1).

Le Pr Thomas Werfel Université de  médecine de Hanovre
zVg

Le Pr Thomas Werfel

Université de médecine de Hanovre

« Avant d’entrer dans les détails, il est important de souligner que les directives ne doivent pas être considérées comme des instructions strictes. Elles offrent une orientation et aident à la prise de décision dans le quotidien clinique, sans pour autant prescrire des mesures contraignantes », a souligné le Pr Thomas Werfel, Université de médecine de Hanovre, en introduction. Néanmoins, de plus en plus de parties prenantes se réfèrent à des directives pour étayer leurs arguments en cas de litige. « Il n’en reste pas moins qu’une directive sert à soutenir, pas à prescrire ».

Un plan par étapes simplifié

Au niveau international, il existe encore quatre niveaux pour classer les degrés de sévérité. Pour des raisons de pragmatisme, le plan par étapes pour le traitement de la dermatite atopique a toutefois été simplifié et réduit à trois étapes dans la directive S3 actualisée. Le niveau 1 comprend le traitement de base, le niveau 2 le traitement topique et le niveau 3 le traitement systémique, dont fait partie la PUVAthérapie.

Traitement de base et options topiques

Le traitement de base reste un élément central. En cas de sécheresse cutanée, les personnes doivent être traitées en continu, surtout en présence d’une une prédisposition génétique. L’application quotidienne du traitement de base est essentielle pour renforcer la barrière cutanée et minimiser la survenue de poussées.

« En ce qui concerne les traitements topiques, peu de choses ont changé ces 20 dernières années », a expliqué le spécialiste. Il existe des recommandations fortes pour les corticoïdes topiques en tant que traitement standard ainsi que pour les inhibiteurs topiques de la calcineurine. Ces derniers sont autorisés depuis plus de 20 ans et le traitement proactif n’est pas non plus nouveau.

Le ruxolitinib en crème, déjà autorisé pour le vitiligo, fait actuellement l’objet d’études d’admission dans l’indication de la dermatite atopique en Europe. Son autorisation dans cette indication pourrait être prometteuse. Sous traitement, on a en effet observé une réduction du prurit de ≥ 2 points (NRS2) en seulement 12 heures. Cet effet s’est maintenu tout au long de l’étude d’une durée de 8 semaines (2, 3). « Ce serait déjà une avancée notable », selon le Pr Werfel.

Traitement systémique – du nouveau sur les anticorps

L’un des changements les plus importants dans le traitement de la dermatite atopique concerne le dupilumab. Ce médicament est désormais autorisé pour les nourrissons à partir de 6 mois. « Dans l’étude d’homologation pour le jeune enfant, le traitement a obtenu des résultats EASI-75 comparables à ceux observés chez les adultes. Le taux était toutefois légèrement inférieur sous placebo », a expliqué le Pr Werfel (4).

Le dupilumab réduit le risque d’eczéma herpétique de plus de 50 % et renforce la réponse immunitaire spécifique au HSV-1 dans la dermatite atopique (5). « Parmi ses nombreux effets secondaires favorables figure notamment sa capacité à renforcer les défenses antivirales. Cet effet a déjà été observé lors de la pandémie de Covid-19 », a expliqué le spécialiste.

Le tralokinumab chez l’enfant et l’adolescent atteint de dermatite atopique modérée à sévère

Une extension d’indication a également été accordée en 2022 pour le tralokinumab. Ce traitement est désormais autorisé chez l’enfant et l’adolescent à partir de 12 ans, sur la base de l’étude de phase III randomisée, en double insu avec contrôle placebo, ECZTRA 6. Cette étude s’est déroulée sur une durée de 52 semaines (6).

Un nouvel anticorps, le lébrikizumab. « Bien que non encore autorisé au moment de la publication des directives,  il sera inclus dans la prochaine version en tant que ‘living guideline’ », a expliqué le Pr Werfel. Les résultats du lébrikizumab sont prometteurs chez l’adolescent et l’adulte. On citera la conjonctivite comme l’un de ses effets secondaires potentiels (7,4 % vs 2,8 % sous placebo) (7).

« Le lébrikizumab ne modifie pas la liaison au récepteur Decoy, ce qui ouvre des perspectives intéressante sur les effets à long terme », a déclaré le Pr Werfel (8). Ces approches permettent de plus en plus de considérer les nouveaux agents thérapeutiques systémiques comme permettant une « modification de la maladie » (9). Les patients qui sont passés au placebo après 16 semaines de traitement au lébrikizumab ont conservé le bénéfice thérapeutique pendant plus d’un an. « Si cet effet se confirme, ce serait une perspective remarquable pour une véritable modification de la maladie », s’est réjoui le Pr Werfel.

Les raisons de l’arrêt du traitement par anticorps dans la DA s’expliquent surtout par les effets indésirables ophtalmologiques et cutanés. « Le dupilumab, le tralokinumab et le lébrikizumab sont des traitements systémiques considérés comme sûrs. À ce jour, ils n’ont pas provoqué d’effets secondaires systémiques à haut risque », a conclu l’expert.

Les iJAK pour des options rapides et flexibles

Les inhibiteurs de JAK n’ont pas seulement l’avantage d’agir rapidement contre le prurit. Ils ont également des effets favorables sur les comorbidités telles que l’alopécie en aires (baricitinib), les affections rhumatologiques (baricitinib et upadacitinib) et les indications gastroentérologiques (upadacitinib).

Dans les études, les inhibiteurs de JAK à haute dose en particulier, comme l’upadacitinib, ont montré un effet plus important que le dupilumab au cours des 12 à 16 premières semaines. « La demi-vie des inhibiteurs JAK est courte. Cela en fait également une option idéale pour les évolutions de la DA avec aggravation saisonnière », a ajouté le Pr Werfel. « Le prurit diminue souvent dès le lendemain ».

Il faut toutefois tenir compte d’un autre profil de sécurité pour les inhibiteurs JAK. Certes, ils n’entraînent pas d’effets indésirables ophtalmologiques. Cependant, ils peuvent provoquer des atteintes cutanées acnéiformes, une sensibilité accrue aux infections et des effets indésirables cardiaques chez les groupes à risque, avec un risque thromboembolique accru. Selon la directive, les inhibiteurs de JAK ne doivent donc pas être prescrits en cas d’événements thromboemboliques connus ou de risque accru de thrombose d’origine génétique. La recommandation d’une indication de deuxième ligne pour les inhibiteurs de JAK chez les fumeurs actuels et les ex-gros fumeurs ainsi que chez tous les patients de plus de 65 ans est nouvelle. La directive recommande des examens de laboratoire réguliers pour une détection précoce des risques tels que les thromboses.

Utilisation des inhibiteurs de JAK chez les jeunes et nouvelles mises en garde

« Chez les jeunes patients, rien n’a cependant changé et les inhibiteurs de JAK peuvent toujours être utilisés comme traitement de première ligne », a rappelé le Pr Werfel. La nouveauté réside toutefois dans une précision des informations professionnelles. Celles-ci mentionnent désormais la contraception hormonale par des préparations combinées comme facteur de risque thromboembolique veineux. « Les préparations combinées contenant des œstrogènes et des progestatifs doivent donc être prescrites avec précaution », a mis en garde le Pr Werfel.

Le baricitinib, un inhibiteur de JAK, a obtenu l’autorisation de mise sur le marché pour l’enfant à partir de 2 ans en 2023. Sous 4 mg, une amélioration significative a été observée par rapport au placebo pour tous les critères d’évaluation à 16 semaines (p. ex. EASI 75 ; 52,5 % vs 32 %) (10). Il n’y a pas eu d’effets indésirables sévères tels que des événements thromboemboliques ou des infections opportunistes.

« Nous avons fait des progrès plus que significatifs dans la prise en charge de la dermatite atopique. Nous disposons en effet d’un éventail d’options thérapeutiques sûres et efficaces qui nous permettent de proposer à nos patients les traitements adaptés à leur besoins », a résumé le spécialiste.

En cas de dermatite atopique, une douche ou un bain quotidien est autorisé

La recommandation autrefois courante chez les patients atteints de dermatite atopique de prendre un bain ou une douche au maximum une fois par semaine pour prévenir la sécheresse cutanée est désormais obsolète, car un bain ou une douche quotidiens n’aggravent pas la DA. Telle est la conclusion d’une méta-analyse de 13 études prospectives contrôlées, indépendamment du fait que la Body Surface Area, l’EASI ou le SCORAD aient été évalués (1).Dans certains cas, on a même constaté une tendance à l’amélioration de la dermatite atopique avec un bain ou une douche quotidiens sur plusieurs semaines. « Nos patients peuvent donc prendre un bain ou une douche tous les jours, mais ils doivent ensuite appliquer un relipidant sur leur peau », a souligné le Pr Werfel.

Un autre aspect important est l’évitement ou la réduction des allergènes, qui sont des facteurs déclenchants chez les patients sensibilisés, comme l’ont montré des études en chambre de provocation allergénique. En cas d’allergie aux acariens, la solution est par exemple l’encasing ;  en cas d’allergie aux pollens de graminées, les vêtements seront laissé hors de la chambre à coucher en été et les cheveux seront lavés avant le coucher. Il est également recommandé d’installer des moustiquaires anti-pollens. « Là encore, un traitement de fond permet de corriger la réponse TH2 et de stabiliser le microbiome cutané », selon l’expert  (2, 3).

Les allergènes de contact constituent un autre point important. En cas de suspicion anamnestique ou clinique, on fera un test épicutané avec des substances de faible poids moléculaire pour déceler des allergies de contact supplémentaires. En cas d’allergie au nickel, les eczémas au niveau des boutons sont par exemple typiques. Dans le cas des colorants textiles, les eczémas de contact sont particulièrement fréquents au niveau des plis et des intertrigos et peuvent mimer un eczéma atopique.

  1. Hua T et al., Arch Dermatol Res 2021; 313:729-735; doi: 10.1007/s00403-020-02164-0
  2. Werfel T et al., JACI 2015; 136: 96-103
  3. Heratizadeh A et al., J Eur Acad Dermatol Venereol 2022; 36:e480-e483