26 févr. 2025Le débat entre spécialistes

Excision des nævi : pour ou contre ?

De nombreuses lésions cutanées mélanocytaires s’avèrent bénignes à l’examen anatomo-pathologique. En marge du 34e Congrès allemand sur le cancer de la peau, deux spécialistes se sont exprimés sur la question de savoir si les nævi sont trop couramment excisés ainsi que les conditions pour un dépistage efficient du cancer cutané.

Abgedeckter Patient bereit zur chirurgischen Entfernung eines Muttermals
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POUR : oui au dépistage, mais dans les règles de l’art

Le Pr Rudolf Herbst, clinique Helios, Erfurt, a argumenté en faveur d’une excision larga manu des nævi suspects (1).

Le nombre de grains de beauté qu’il faut exciser pour prévenir un cancer cutané – le « number needed to excise » (NNE) – varie toutefois selon les spécialités. Selon le Pr Herbst, les dermatologues ont tendance à obtenir de meilleurs résultats que leurs collègues de médecine interne générale. Selon une étude, 44,8 % des lésions mélanocytaires excisées en cabinet de premier recours s’avéraient finalement sans particularité. Le taux est deux fois moins élevé pour les nævi excisés par les dermatologues. On constate un écart similaire en ce qui concerne les résections incomplètes. Le dermatologue a ajouté qu’une formation adaptée permettrait d’améliorer considérablement les taux de réussite, même dans le cadre des soins primaires.

Le Pr Herbst a cité des directives pour un dépistage bien conduit du cancer cutané. Il a notamment indiqué que les spécialistes formés devaient poser l’indication à l’excision et qu’ils devaient demander un deuxième avis en cas de doute. Selon son expérience, ce dernier cas se produit toutefois de manière disproportionnée dans le cas de lésions qui ne peuvent être réséquées qu’à grands frais et presque jamais chez les assurés privés.

Vers un dépistage plus ciblé et une meilleure formation

Pour la confirmation diagnostique, l’examen histologique reste l’examen de référence. Le Pr Herbst a également rappelé l’absence à ce jour de critères uniformes pour la dysplasie. En cas d’excision incomplète et d’atypie légère ou modérée, une résection ultérieure ne s’avère en général pas nécessaire.

L’intervenant en a notamment appelé à remplir soigneusement la fiche d’envoi histopathologique. « Cela inclut différentes informations, par exemple les antécédents familiaux, la localisation et s’il s’agit d’une lésion isolée ou de nævi multiples ». Il faut également choisir des spécialistes experts : « N’envoyez pas votre pièce d’excision au fournisseur le moins cher ni à quelqu’un qui fait un examen de pathologie moléculaire, y compris un examen par FISH, pour chaque nævus ». Enfin, il est essentiel de conseiller les patients de manière adéquate avant et après l’excision.

CONTRE : l’excision rapide qu’en cas de suspicion fondée

Le Pr Axel Hauschild, hôpital universitaire du Schleswig-Holstein, campus de Kiel (2), était d’avis qu’en principe un trop grand nombre de nævi sont excisés. Selon lui, le risque de cancérisation des lésions atypiques est faible. « La probabilité d’une transformation maligne est de 1 sur 35 000 ». En ce qui concerne les nævi dysplasiques, il s’agit à nouveau d’indicateurs d’un risque accru de mélanome, mais pas de précurseurs de malignités. La plupart des mélanomes se développent même en dehors de ces lésions pigmentaires.

Un risque souvent surestimé ?

Dans une cohorte de 115 patients ayant eu une excision incomplète de nævi dysplasiques avec un tissu résiduel resté en place, il n’y a pas eu d’évolution vers un mélanome malin à ce jour après un suivi médian de 17,4 ans. Même les lésions mélanocytaires congénitales d’un diamètre inférieur ou égal à 20 cm sont tout au plus associées à un risque légèrement accru. La microscopie numérique en lumière incidente et la photographie du corps entier permettent un bon suivi, a recommandé le spécialiste.

Une association professionnelle américaine fixe comme objectif un NNE de 10. Cependant, selon les statistiques annuelles d’un cabinet de dermatologie, seuls 21 mélanomes malins (1,2 %) ont été trouvés parmi les 1721 lésions mélanocytaires excisés. Les pathologistes n’ont même pas considéré 1000 échantillons de tissus comme dysplasiques.

Le NNE est donc de 82, a calculé l’intervenant. Selon lui, la plupart des résections ont lieu chez des personnes jeunes, surtout des femmes, dont le risque de cancer est faible. « Probablement parce que les soignants craignent davantage de passer à côté d’un mélanome – et que les patientes ont également plus peur d’en avoir un », a expliqué le dermatologue. Il a indiqué que le taux de NNE était d’environ 60 pour les personnes de 20 à 30 ans et qu’il était encore bien plus élevé chez les enfants. Sa conclusion : « Quelque chose ne fonctionne pas bien ici, probablement en raison du besoin de sécurité du corps médical ».

Le Pr Hauschild a précisé qu’il n’excise lui-même qu’en cas de suspicion sans équivoque de mélanome, mais pas à titre prophylactique. En cas de doute, il est souvent possible et efficace de revoir les patients après trois mois. « Dans la plupart des cas, cela permet de ne pas avoir à exciser le nævi ». Le confrère a toutefois admis qu’il ne fallait pas négliger les mélanomes nodulaires en particulier, à risque d’évolution rapide.

L’équipement adéquat

Les deux intervenants étaient d’accord sur le fait qu’un dermatoscope devrait obligatoirement être utilisé pour l’examen des grains de beauté. Selon une méta-analyse, la microscopie en lumière réfléchie augmente la sensibilité de la détection du mélanome de 18 points de pourcentage par rapport à l’œil nu (87 % contre 69 %) et la spécificité passe tout de même de 88 % à 91 %. Le Pr Hauschild a même plaidé en faveur de la dermatoscopie assistée par vidéo, qui permet de documenter les évolutions dans le temps.