Quels vaccins en cas d’immunosuppression ?
Les patients ayant eu une splénectomie, ayant des maladies neuro-immunologiques ou rhumatologiques et sous traitement immunosuppresseur sont particulièrement exposés à des infections sévères. Il faut donc accorder une attention particulière à leur statut vaccinal.
La population immunosupprimée est en augmentation, a souligné le Dr Nadia Eberhard, médecin-chef, clinique d’infectiologie, de prévention des infections et de médecine des voyages, hôpital cantonal de Saint-Gall, lors du congrès de printemps de la SSMIG.
Ce situations sont diverses et multiples:
- affections neuro-immunologiques ;
- maladies rhumatologiques inflammatoires auto-immunes ;
- maladies cancéreuses ;
- maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) ;
- asplénie anatomique ou fonctionnelle ;
- transplantation d’organes solides ;
- transplantation de cellules souches du sang ;
- affections dermatologiques.
Pour les groupes 2 à 7, il existe déjà des recommandations de vaccination spéciales de l’OFSP.
Quand administrer les vaccins vivants après une immunosuppression
En principe, en cas d’immunosuppression, les vaccins inactivés peuvent être administrés à tout moment, idéalement deux à quatre semaines avant le début de l’immunosuppression, et les vaccins vivants quatre (à six) semaines avant, a expliqué la spécialiste.
Il n’est pas nécessaire de respecter un intervalle minimum entre les vaccins vivants et les vaccins inactivés ; une vaccination simultanée peut renforcer la réponse immunitaire. Il faut également tenir compte de l’environnement. Dans le cadre du cocooning, les membres de la famille et les agents de santé devraient, le cas échéant, recevoir certains vaccins.
Après la fin de l’immunosuppression, il faut attendre trois à douze mois – selon le médicament – avant d’administrer un vaccin vivant. Pour certains médicaments comme le léflunomide, les experts estiment qu’il faut même attendre deux ans. En cas d’immunosuppression à vie, il n’est souvent pas possible d’administrer un vaccin vivant.
Prévenir les évolutions sévères en cas d’infection
L’objectif vaccinal est de prévenir les infections présentant un réel danger, telles que les évolutions disséminées pour la rougeole et la varicelle/le zona, la pneumonie, la septicémie et la méningite pour le pneumocoque, ainsi que la septicémie et le SDRA (syndrome de détresse respiratoire aiguë) pour la grippe et le Covid-19.
Trois exemples de cas avec immunosuppression
L’intervenante a expliqué la procédure pratique par trois exemples de cas.
Patient asplénique de 73 ans
Cas clinique 1 : Un homme de 73 ans a eu une splénectomie dans le cadre d’une résection sigmoïdienne compliquée pour diverticulite et s’est présenté à la consultation de vaccination dans la foulée. Il n’avait pas de certificat de vaccination et a signalé avoir contracté la varicelle. Quelles sont les vaccinations nécessaires ?
Il est tout d’abord important d’administrer un vaccin antipneumococcique conjugué (PCV), car les pneumocoques sont les bactéries à l’origine d’infections sévères chez les aspléniques, selon le Dr Eberhard. Une protection contre les méningocoques est également nécessaire, les cinq sérotypes (A, C, W, Y et B) devant être couverts, avec un rappel tous les cinq ans. Actuellement, il faut encore tenir compte du fait que le vaccin contre les méningocoques de type B n’est pas automatiquement pris en charge par les caisses à cet âge, malgré la recommandation. En outre, le patient devra recevoir un vaccin antigrippal avec un vaccin à haute dose. Ceux-ci sont recommandés à partir de 75 ans, ou à partir de 65 ans en cas de facteurs de risque supplémentaires comme l’asplénie dans le cas cité.
Le moment idéal pour les premières vaccinations est de deux semaines avant ou dans les quatre semaines suivant la splénectomie. Les vaccinations suivantes (méningocoques) suivent ensuite deux mois plus tard.
Patient de 45 ans sous inhibiteur de JAK
Cas clinique 2 : Un Genevois de 45 ans souffrant d’arthrite psoriasique polyarticulaire devait recevoir un traitement par tofacitinib, un inhibiteur de la Janus kinase (JAK). Jusqu’à présent, il ne recevait pas d’immunosuppression. Il n’avait pas d’enfant ni de dossier de vaccination, mais avait probablement reçu des vaccins de routine dans son enfance. Il prévoyait un voyage au Pérou.
Les inhibiteurs de JAK comportent un risque de réactivation de l’hépatite B et de la varicelle. Ces vaccins sont donc importants, a souligné le Dr Eberhard. En l’absence de certificat de vaccination, la vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (deux ROR) doit être effectuée – si le début du traitement peut être retardé, une sérologie n’est pas nécessaire dans ce cas. Pour les voyages, le patient doit également être vacciné contre la fièvre jaune. Deux injections de Shingrix contre le zona sont également recommandées, ainsi qu’une vaccination contre le pneumocoque (PCV), qui est toutefois hors indication entre 5 et 65 ans.
Le problème des coûts doit donc être abordé avec le patient ou une demande de prise en charge doit être adressée à la caisse. En outre, il devra recevoir chaque année un vaccin contre la grippe et le SARS-CoV2, ainsi que, dans ce cas particulier, le dTpa-IPV et l’hépatite (A)/B. Comme le canton de Genève fait désormais partie des zones à risque pour la FSME, il est également recommandé de se faire vacciner.
Déplétion des cellules B : un risque accru de réactivation
Cas clinique 3 : Une femme de 51 ans originaire de Bosnie et atteinte de sclérose en plaques devait subir une déplétion des cellules B par ocrélizumab dans deux semaines. Elle non plus ne disposait pas de documentation sur sa vaccination. Une vaccination de base avait probablement été effectuée en Bosnie.
Sous traitement anti-CD20, le risque de réactivation de l’hépatite B et du JCV, qui peut provoquer une leuco-encéphalopathie multifocale progressive (LEMP), est plus élevé. Le Dr Eberhard a insisté sur la nécessité de procéder à un dépistage de cette maladie et, le cas échéant, de la tuberculose, du VIH, de l’hépatite C, du cytomégalovirus ainsi que des virus Epstein-Barr, Herpes simplex et Varicella zoster. La patiente avait une hépatite B immunologiquement contrôlée. Le test au quantiféron pour la tuberculose s’est révélé positif, le dépistage du VIH et de l’hépatite C négatif. Elle avait eu la varicelle.
La patiente nécessite une prophylaxie de réactivation de l’hépatite B par le ténofovir alafénamide (TAF). La tuberculose latente doit être surveillée et une prophylaxie de réactivation doit éventuellement être mise en place en cas de changement de traitement. Les vaccinations recommandées sont : dTpa-IPV (1 ×, ou ensuite sérologie antitoxine tétanique ou autres vaccinations), Shingrix (2 ×), PCV (1 ×) ainsi que FSME aux mois 0, 1, 5/9-12 (ou schéma rapide si nécessaire en fonction de la saison) et une fois par an Influenza/SARS-CoV2. Le vaccin ROR (vivant) ne doit pas être administré, car le début du traitement a lieu dans deux semaines. La sérologie de la rougeole a ici toute sa place.
Le Dr Eberhard a attiré l’attention sur quelques outils utiles pour le conseil vaccinal, notamment sous www.guidelines.ch, www.infovac.ch ou sur les pages de l’OFSP.