15 nov. 2024Pour un diagnostic différentiel bien conduit

Comprendre les arthralgies

En pratique quotidienne, de nombreux patients rapportent des arthralgies, souvent dues à des lésions dégénératives, mais parfois liées à une maladie rhumatismale. Une équipe d’experts explique comment établir un bon diagnostic différentiel.

Gros plan sur des mains. La personne se frotte d'une main le pouce douloureux de l'autre main.
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Les arthralgies du pouce sont généralement de nature arthrosique.

Lorsqu’il s’agit de douleurs de l’appareil locomoteur, les faits suivants aident à leur classification :

  • les modifications arthrosiques sont très fréquentes. Ainsi, dans le groupe d’âge des plus de 55 ans, 67 % des femmes et 55 % des hommes présentent des signes d’arthrose des articulations des doigts à la radiographie – même si ces signes ne s’accompagnent pas toujours de douleurs.
  • les syndromes douloureux sont également assez répandus. La fibromyalgie a p. ex. à elle-seule une prévalence de 3 à 6 %.
  • La prévalence de l’ensemble des maladies rhumatismales inflammatoires (MRI) réunies est actuellement estimée à 2,2-3 %. La polyarthrite rhumatoïde arrive en tête avec une prévalence de 0,42 à 1,85 %.

Importance de l’anamnèse pour déterminer l’origine des douleurs

Une anamnèse minutieuse permet déjà d’obtenir des informations importantes sur la cause des douleurs, écrivent le Pr Frank Moosig et le Pr Julia Holle, Centre de rhumatologie du Schleswig-Holstein, Neumünster et Kiel (1).

Les douleurs spontanées, à la différence des douleurs liées à l’effort, indiquent une inflammation. Une forte accentuation matinale des douleurs et une raideur matinale prolongée (> 30 minutes) sont également considérées comme des indices d’une MRI.

La présence d’une raideur matinale de courte durée et se répétant au cours de la journée après des phases de repos (« douleur de dérouillage ») parle , plutôt en faveur de troubles dégénératifs.

Localisation des douleurs articulaires et aide au diagnostic

Il faut également examiner attentivement les articulations atteintes. Les atteintes des articulations interphalangiennes distales (DIP), des articulations de la base du pouce et des articulations de la base du gros orteil (MP) permet de conclure avec une plus grande probabilité à une arthrose.

L’atteinte « en rayon » (toutes les articulations d’un doigt, souvent avec une tuméfaction de tout le doigt) est fréquente en cas d’arthrite psoriasique. En cas d’atteinte des articulations métacarpophalangiennes, on peut soupçonner une polyarthrite rhumatoïde.

Des douleurs articulaires chroniques (plus de six semaines) peuvent certes survenir en cas d’arthrose et de maladies rhumatismales inflammatoires – mais la probabilité de ces dernières augmente avec la durée des symptômes. L’anamnèse familiale peut également être utile, en raison de la composante génétique de la polyarthrite rhumatoïde.

Lorsque les patients ne parviennent pas à localiser précisément les douleurs (« en fait, j’ai mal partout »), il faut évoquer un syndrome douloureux comme la fibromyalgie. Il faut en outre demander ce qui peut aider à soulager les douleurs. En effet, en cas d’arthralgies, les personnes ayant une arthrose ou une fibromyalgie sont souvent soulagées par la chaleur, tandis que les patients ayant une MRI sont plutôt soulagés par le froid.

Examiner aussi l’articulation et l’état cutané

Lors de l’examen physique des articulations, observez les signes classiques d’inflammation (tuméfaction, rougeur et chaleur). Des tuméfactions plutôt indolentes suggèrent des lésions arthrosiques.

Lorsqu’il est possible d’étendre les articulations du genou et du coude au-delà des angles habituels, il s’agit probablement d’un syndrome d’hyperlaxité qui peut s’accompagner de douleurs articulaires, mais qui n’appartient aux formes rhumatismales.

Observez également attentivement la peau et recherchez des modifications telles qu’un psoriasis, des nodules rhumatoïdes ou un érythème papillaire.

Examens de laboratoire pour confirmer une maladie rhumatismale

Si vous soupçonnez une maladie rhumatismale, vous devriez, en tant que médecin de famille, effectuer un diagnostic de laboratoire et déterminer initialement les paramètres suivants :

  • Numération sanguine différentielle (une anémie, une leucocytose ou une leucopénie ainsi qu’une thrombopénie peuvent suggérer une MRI) ;
  • CRP (généralement élevée en cas de MRI) ;
  • VS (plus élevée en cas de MRI) ;
  • facteur rhumatoïde (souvent positif en cas de MRI) ;
  • Anticorps antiprotéines cycliques citrullinées (CCP-AK ;  souvent positifs en cas de MRI) ;
  • Anticorps antinucléaires (ANA ; sont appropriés comme test de dépistage – en cas de résultat positif, des investigations plus poussées sont nécessaires).

Ces résultats de laboratoire sont utiles, mais doivent être interprétés avec prudence.

Imagerie pour le diagnostic des arthralgies

La méthode d’imagerie la plus simple et la plus accessible pour le diagnostic des douleurs articulaires est l’arthrosonographie.

Les radiographies conventionnelles ne sont guère utiles pour le diagnostic différentiel des inflammations articulaires. L’IRM est beaucoup plus révélatrice que les radiographies, car elle permet de mettre en évidence des modifications érosives précoces et une synovite, en particulier lorsqu’un produit de contraste est utilisé.

Rôle des corticoïdes en médecine générale

Lorsque les tests sérologiques ne confirment pas l’inflammation, les Prs Moosig et Holle conseillent la retenue. En revanche, en cas d’inflammation objectivable et de suspicion de polymyalgie rhumatismale ou d’artérite à cellules géantes, une corticothérapie doit être rapidement instaurée.