La pneumopathie interstitielle médicamenteuse : une préoccupation croissante
Les nouvelles substances actives utilisées dans les thérapies ciblées et les immunothérapies présentent un grand potentiel de toxicité pulmonaire, augmentant ainsi le risque de pneumopathie interstitielle médicamenteuse (PID-M). Si cette affection est diagnostiquée à temps, il est souvent possible d’éviter des complications graves.
On connaît actuellement plus de 350 médicaments susceptibles de provoquer une pneumopathie interstitielle diffuse médicamenteuse (PID-M). La plupart d’entre elles appartiennent aux domaines de l’oncologie, de la rhumatologie, de la cardiologie et de l’infectiologie.
Les PID-M représentent 2,5 à 5 % de l’ensemble des pneumopathies interstitielles diffuses, rapportent le Dr Jérôme Toriel et le Dr Christophe Uldry, Hôpital de Rolle (1).
« L’incidence estimée pour 2017 à 1,2 cas pour 100 000 personnes par an est probablement sous-estimée dans le contexte de l’émergence des thérapies ciblées et des immunothérapies ». Selon eux, il faut donc toujours envisager une origine iatrogène en cas d’atteinte pulmonaire.
L’importance de l’anamnèse en cas de suspicion de PID-M
L’anamnèse de l’exposition fournit déjà des indications importantes. Celle-ci devrait comprendre aussi bien les substances actives actuellement utilisées que celles qui ont été prescrites dans le passé ou en réserve (par ex. la nitrofurantoïne en cas d’infection des voies urinaires).
La forme d’application ne joue aucun rôle. Les médicaments en vente libre peuvent également être à l’origine d’une PID-M. Le site web www.pneumotox.com contient une base de données scientifique qui répertorie les médicaments et les drogues présentant un potentiel de nocivité pneumologique. La recherche peut se faire par nom de principe actif ou par type ou localisation des dommages. Les auteurs citent par exemple l’amiodarone, le méthotrexate et les inhibiteurs du point de contrôle.
Diagnostic différentiel en cas de PID-M suspectée
Parmi les diagnostics différentiels possibles d’une PID-M figurent
- la pneumonie,
- la pneumonie radique,
- l’hémorragie alvéolaire,
- l’œdème pulmonaire cardiogénique,
- la lymphangiose carcinomateuse et
- les maladies systémiques telles que la connectivite ou les maladies intestinales inflammatoires.
Il faut notamment exclure les infections, p. ex. par des champignons ou des mycobactéries.
Des troubles respiratoires pouvant aller jusqu’à l’insuffisance respiratoire, une toux sèche et de la fièvre peuvent être les signes d’une PID-M aiguë, qui survient dans les heures ou les jours suivant l’administration de l’agent déclencheur.
En outre, une évolution subaiguë (après des semaines) ou chronique (après des mois ou des années) est également possible, avec une apparition insidieuse des symptômes (p. ex. dyspnée progressive, tolérance à l’effort réduite, perte de poids).
Examens diagnostiques et imagerie
Tant l’hémogramme que la répartition des cellules dans l’espace alvéolaire ne sont souvent pas spécifiques en cas de PID-M. Dans le cadre d’un test de la fonction pulmonaire, on remarque le plus souvent un trouble de la diffusion avec une capacité de diffusion du monoxyde de carbone réduite et/ou un trouble ventilatoire restrictif.
Parmi les techniques d’imagerie, les auteurs recommandent en particulier le scanner thoracique. La présentation radiologique de la PID-M est très variable. Le plus souvent, elle se présente comme une pneumonie organisée, une atteinte alvéolaire diffuse, une pneumonie d’hypersensibilité et une pneumonie interstitielle non spécifique.
La biopsie pulmonaire comme option diagnostique
Si le diagnostic reste incertain même après l’exclusion de plusieurs diagnostics alternatifs ou s’il y a suspicion d’infiltration néoplasique, une biopsie pulmonaire peut s’avérer nécessaire – en évaluant le rapport bénéfice/risque individuel. Les résultats histopathologiques les plus fréquents sont, outre les tableaux susmentionnés,
- la pneumonie à éosinophiles,
- l’hémorragie alvéolaire,
- l’œdème pulmonaire et
- les altérations vasculaires.
Les corticoïdes parfois nécessaires
La première étape du traitement d’une PID-M est l’arrêt – au moins temporaire – de la substance active qui la déclenche. Dans certains cas, cela permet déjà une disparition complète des lésions pulmonaires.
En cas d’évolution aiguë, fulminante ou sévère, les auteurs estiment qu’une corticothérapie en adjuvant peut être nécessaire. Le traitement dans les cas complexes ainsi qu’en cas de maladie oncologique sous-jacente devrait être discuté au sein d’une équipe multidisciplinaire ou conjointement avec un centre spécialisé.
Il dépend entre autres du degré de sévérité de la PID-M.
- Toriel J, Uldry C. Arzneimittelinduzierte interstitielle Lungenkrankheiten. Swiss Medical Forum 2024; 24(19-20): 242-246