Nouvelle directive sur l’œsophage de Barrett et les adénocarcinomes T1
Les dysplasies de l’œsophage de Barrett et les adénocarcinomes de stade précoce de l’œsophage ont aujourd’hui un excellent pronostic, à condition qu’ils soient détectés et traités à temps. Les anti-acides ne suffisent toutefois pas. Dans une directive, des collègues britanniques décrivent la procédure basée sur les preuves.
Les principaux facteurs de risque de l’œsophage de Barrett sont les antécédents de symptômes de reflux et l’obésité. Le sexe masculin, le tabagisme et les antécédents familiaux augmentent également le risque.
Le passage du Barrett au carcinome se fait par un stade intermédiaire, la métaplasie. Toutefois, cette évolution passe habituellement inaperçue en l’absence de signes cliniques, en particulier lorsqu’un traitement antiacide permet un bon contrôle des symptômes de reflux. Il est donc d’autant plus important que les patients atteints de la maladie de Barrett évaluent correctement leur risque de cancer.
Pas d'effet chimiopréventif de l’acide acétylsalicylique
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) ne peuvent pas prévenir le passage à la dysplasie et au carcinome, même à fortes doses. De même, aucun effet chimiopréventif n’a été établi à ce jour pour l’acide acétylsalicylique (AAS). L’expérience clinique plaide toutefois en faveur d’un saignement plus fréquent chez les patients ainsi traités. C’est pourquoi la ligne directrice du NICE (National Institute for Health and Care Excellence,1) déconseille son utilisation en cas d’œsophage de Barrett.
Les avantages et les risques des examens endoscopiques de contrôle devraient être discutés ouvertement avec les patients. L’endoscopie en lumière blanche avec biopsies selon le protocole de Seattle est aujourd’hui considérée comme la méthode de référence. Deux études d’observation concluent qu’une surveillance avec cette méthode réduit la mortalité spécifique et globale de près de 30 % par rapport à l’absence de contrôles, écrivent le Dr Massimiliano di Pietro, University of Cambridge, et ses collègues.
Fréquence de contrôle selon la longueur de Barrett
La fréquence dépend de l’étendue des lésions. Dans le cas de l’œsophage de Barrett à long segment (≥ 3 cm), une endoscopie est indiquée tous les deux à trois ans. En cas d’atteinte d’un seul segment court (< 3 cm) et qu’il y a une métaplasie intestinale, on peut attendre trois à cinq ans.
Lors de la planification de la fréquence des contrôles, il convient de se baser sur le risque individuel de cancer, qui est par exemple plus élevé en cas
- d’âge avancé,
- d’antécédents familiaux de cancer de l’œsophage et
- d’abus de nicotine.
Les patients présentant un Barrett court sans métaplasie intestinale n’ont pas besoin de surveillance, à condition que le diagnostic soit confirmé par deux endoscopies. En effet, la probabilité de progression est faible dans ce groupe.
Résection endoscopique : la méthode de référence pour la stadification
La résection endoscopique est aujourd’hui considérée comme le gold standard pour la stadification en cas de suspicion d’adénocarcinome T1. Les auteurs des directives déconseillent la tomodensitométrie avant l’intervention en cas de probable malignité T1, de même que l’ écho-endoscopie (EUS) en cas de tumeur T1a. En effet, ces tumeurs malignes sont à très faible risque de métastases ganglionnaires.
L’ écho-endoscopie entre toutefois en ligne de compte lorsque les altérations détectées par endoscopie montrent un stade 1b, par exemple des lésions sessiles avec une composante luminale significative. Les patients atteints d’un adénocarcinome T1b confirmé (résection endoscopique) peuvent également tirer bénéfice d’une EUS – en raison de la filiation nodulaire fréquente et des options thérapeutiques disponibles.
Interventions endoscopiques pour la dysplasie de haut grade
Dans le traitement interventionnel de l’œsophage de Barrett avec dysplasie de haut grade, la résection endoscopique des lésions visibles est la première étape. Si cela ne permet pas d’éliminer toutes les lésions, une ablation endoscopique est indiquée.
L’ablation par radiofréquence (RFA) convient aux patients présentant une dysplasie de faible degré, à condition que le diagnostic ait été établi à l’aide de biopsies réalisées lors de deux endoscopies distinctes et confirmées par deux pathologistes. Les patients présentant une métaplasie indéterminée peuvent également tirer bénéfice de contrôles endoscopiques semestriels avec optimisation de la dose d’IPP. D’autres candidats sont les personnes ayant subi un traitement mini-invasif pour un œsophage de Barrett.
Traitement de l’adénocarcinome œsophagien de stade T1a
En cas d’adénocarcinome œsophagien au stade T1a, les experts plaident en premier lieu pour une résection endoscopique. Si le tissu de Barrett ne peut pas être complètement retiré de cette manière, une ablation est indiquée. Après le traitement endoscopique, des examens de suivi réguliers sont recommandés.
L’œsophagectomie devrait être proposée aux patients au stade T1b qui sont encore suffisamment en forme pour cette opération et à risque élevé de progression. Un tel risque est p. ex. présent après une résection incomplète, mais aussi en cas d’invasion lymphovasculaire ou d’infiltration de tissu tumoral dans la sous-muqueuse profonde (> 500 µm).
Radiothérapie : une option dans certains cas
La radiothérapie, seule ou en combinaison à des cytostatiques, est une option conservatrice. Les candidats sont les patients atteints d’un adénocarcinome T1b et à risque élevé de progression tumorale. Celui-ci est p. ex. présent après une ablation incomplète par résection endoscopique ou une invasion lymphovasculaire ou muqueuse profonde. Des facteurs de risque ou des contre-indications à la chirurgie peuvent également en être la cause. Après une radiothérapie, un suivi endoscopique régulier est indiqué.
Qui des interventions anti-reflux ?
Les interventions anti-reflux ne peuvent pas prévenir la progression vers la dysplasie ou le carcinome. Ils n’ont pas plus d’effet chimiopréventif que les inhibiteurs de la pompe à protons.
Selon le consensus des experts, on peut toutefois recommander une telle intervention comme alternative aux patients qui sont préoccupés par la prise à long terme d’IPP fortement dosés ou qui ne les tolèrent pas. Même si l’ablation par radiofréquence ne donne pas de résultats, on préconise parfois une réhabilitation chirurgicale. Dans ce cas, il vaut mieux miser sur d’autres méthodes d’ablation comme la coagulation par plasma.
- di Pietro M et al. National Institute for Health and Care Excellence (NICE) guidance on monitoring and management of Barrett's oesophagus and stage I oesophageal adenocarcinoma. Gut. 2024 May 10;73(6):897-909. doi: 10.1136/gutjnl-2023-331557