Accoucher en toute sécurité malgré la maladie de Crohn
Les patientes atteintes de la maladie de Crohn ont de bonnes chances de donner naissance à un enfant en bonne santé. Toutefois, la maladie doit être en rémission pendant la grossesse. Certains médicaments sont en outre tabous. Une pause thérapeutique juste avant l’accouchement n’est généralement pas nécessaire.
La maladie de Crohn est un diagnostic souvent posé chez de jeunes adultes, faisant que le sujet de la planification familiale devrait toujours être abordé lors de la consultation médicale.
Une préparation optimale pour une grossesse réussie
Les femmes qui reçoivent les informations correspondantes avant la conception peuvent s’attendre à un déroulement nettement plus positif de la grossesse, écrivent le Dr Elena Sonnenberg et le Pr Britta Siegmund, Hôpital de la Charité, Berlin (1).
De nombreuses patientes craignent de transmettre la maladie à leur progéniture. En effet, le risque pour l’enfant est presque octuplé si l’un des parents est atteint. Comparé à d’autres maladies multifactorielles, le risque peut toutefois être considéré comme faible.
Le b.a.-ba d’un projet de grossesse est que la maladie de Crohn doit si possible être en rémission. En cas de forte activité de la maladie, il faut s’attendre à des naissances prématurées ou à des carences plus fréquentes.
La CRP et la calprotectine dans les selles servent de marqueurs de l’activité de la maladie. Les deux doivent être contrôlées avant le début de la grossesse, puis au moins une fois par trimestre. En outre, en cas de désir d’enfant, il est recommandé de prendre une substitution de 400 µg d’acide folique et de 100 (à 150) µg d’iode par jour. Comme pour les femmes en bonne santé, l’alcool et la nicotine sont à proscrire.
Sécurité de l’azathioprine pendant la grossesse
Un point important est la prise des médicaments pour le traitement de la maladie de Crohn. Le méthotrexate est considéré comme potentiellement tératogène et doit être interrompu 1 à 3 mois avant la conception. Il en va de même pour les inhibiteurs de JAK (upadacitinib). L’azathioprine est considérée comme sûre. Un traitement en cours peut ainsi être poursuivi pendant la grossesse.
Toutefois, il ne faut pas initier un traitement par azathioprine lorsque le diagnostic est posé pendant la grossesse car d’une part l’effet est trop long à s’installer, et d’autre part des effets secondaires tels qu’une pancréatite, une hépatopathie ou une leucopénie sévère sont possibles, faisant qu’il ne faut pas prendre un tel risque, surtout pendant cette phase.
Utilisation des médicaments biologiques chez les femmes enceintes
Les médicaments biologiques sont des substances relativement récentes. Les données disponibles sur la sécurité sont donc limitées. En ce qui concerne les anti-TNF comme l’adalimumab ou l’infliximab, le registre nord-américain PIANO (Pregnancy Inflammatory bowel disease And Neonatal Outcomes) recense tout de même 1490 cas de grossesse.
La conclusion est que les malformations, les avortements, les naissances prématurées et les faibles poids de naissance ainsi que les infections au cours de la première année de vie ne sont pas plus fréquents. Le védolizumab et l’ustékinumab sont également considérés comme sûrs, même si cette classification repose sur des données nettement plus limitées.
Recommandations actuelles sur la suspension des traitements biologiques
Tous les médicaments biologiques autorisés pour le traitement de la maladie de Crohn sont des anticorps monoclonaux IgG1. En raison de leur taille, ils ne pénètrent progressivement dans l’organisme de l’enfant qu’après la 20e semaine de grossesse. Des malformations ne sont donc pas à craindre. Afin de maintenir une faible concentration pour l’enfant à naître, même à partir du deuxième trimestre, la consigne a longtemps été de suspendre ces substances à ce moment-là.
Entre-temps, les directives ne recommandent plus de pause thérapeutique afin de réduire le risque de poussée de la maladie. Ce n’est qu’en cas de demande expresse de la patiente et de rémission prolongée qu’il convient, selon les nouvelles directives ECCO (European Crohn’s and Colitis Organization), de faire une pause à partir de la 24e semaine de grossesse. Les recommandations nord-américaines prévoient la dernière dose de produit biologique environ 6 à 10 semaines avant la date de l’accouchement. Ensuite, le traitement devrait être repris le plus rapidement possible.
Préférer le budésonide aux corticoïdes
La durée du traitement par corticoïdes des poussées doit être aussi courte que possible pendant la grossesse. Outre les effets indésirables connus chez la future mère, des troubles du métabolisme glucidique sont à craindre chez l’enfant en cas de prise prolongée. Après l’accouchement, il est donc conseillé de contrôler plus souvent sa glycémie.
Par ailleurs, le registre PIANO susmentionné a établi un lien entre l’administration de corticoïdes et le retard de croissance intra-utérin et les naissances prématurées. Cependant, dans ces cas, il y avait une activité accrue de la maladie, ce qui pourrait expliquer ces effets. Une alternative à la prednisolone est le budésonide, qui n’a pas entraîné d’issue indésirable de la grossesse dans certaines séries de cas.
Prise en charge des poussées de la maladie de Crohn en cours de grossesse
Que faire si l’activité de la maladie de Crohn augmente au début de la grossesse ? Si la patiente n’a pas encore reçu de médicaments biologiques, il faut débuter le traitement par des anti-TNF, recommandent les deux auteurs.
En cas d’intolérance ou de perte d’efficacité, l’ustékinumab entre également en ligne de compte. En cas de poussée après la 37e semaine de grossesse, il faut envisager un déclenchement artificiel du travail. En règle générale, l’accouchement est possible par voie vaginale. Ce n’est qu’en cas de fistules rectovaginales ou d’atteinte périanale qu’il faut privilégier la césarienne.
- Sonnenberg E, Siegmund B. Schwangerschaft und Stillzeit bei Morbus Crohn [Pregnancy and breastfeeding in Crohn's disease]. Dtsch Med Wochenschr. 2024 Jan;149(1-02):46-56. German. doi: 10.1055/a-1979-6267