Approche diagnostique et thérapeutique des céphalées
Les céphalées comptent parmi les troubles de la santé les plus fréquents au monde et sont un défi aussi bien pour les patients que pour les médecins. Lors du congrès de printemps de la SSMIG, une spécialiste a présenté les différents types de céphalées, les approches diagnostiques et les options thérapeutiques.
Au total, on a répertorié plus de 200 types de céphalées, qui sont loin d’être homogènes car leur cause, leur intensité et les symptômes associés variant fortement.
Les plus fréquentes sont les migraines et les céphalées de tension, a expliqué le Dr Athina Papadopoulou, PD, responsable du Service ambulatoire de traitement des céphalées, Hôpitaux universitaires, Bâle.
« La distinction entre ces deux types d’affections peut être délicate, surtout lorsque les patients ont des symptômes mixtes », a expliqué le Dr Papadopoulou. Certains indices permettent toutefois de poser le bon diagnostic.
Céphalées de tension ou migraine?
Les céphalées de tension ont plutôt un caractère sourd et sont généralement bilatérales. Leur intensité est typiquement légère à modérée et, dans la plupart des cas, leur intensité n’augmente pas avec l’effort physique.
La migraine se caractérise quant à elle généralement par des douleurs pulsatiles unilatérales s’accompagnant souvent de symptômes tels qu’une hypersensibilité à la lumière et au bruit, des nausées et des vertiges. Contrairement aux céphalées de tension, les douleurs de la migraine deviennent souvent plus intenses et plus lancinantes à l’effort physique. « Demandez toujours aux patients ce qu’ils font pendant les crises, s’ils évitent des activités ou des stimuli », a rappelé la spécialiste.
Des crises de quelques heures à quelques jours
Un autre indice dans le diagnostic différentiel de la migraine est une anamnèse familiale positive ainsi que la nette prédominance féminine (env. trois fois plus de femmes sont concernées). En outre, un effet hormonal a été décrit, d’où une association avec la menstruation typique en cas de migraine.
De nombreux patients migraineux rapportent la survenue de symptômes spécifiques quelques heures avant l’apparition les crises – les prodromes – parmi lesquels :
- besoin compulsif de manger certains aliments (p. ex. sucreries) ;
- irritabilité ;
- difficultés de concentration ;
- douleurs du cou
Chez près d’un tiers des sujets concernés, une aura apparaît en outre jusqu’à une heure avant le début des crises de migraine.
Le plus souvent, les auras sont caractéristiques et comportent des symptômes visuels (lignes de fortifications en étoile, p. ex., éclairs binoculaires, flashs lumineux scintillants, zigzags brillants, scotome) Des troubles sensitifs, aphasiques (langage) ou plus rarement moteurs peuvent cependant survenir également. Typiquement, ces symptômes ne sont pas de survenue soudaines (comme p. ex. lors d’une attaque cérébrale), mais sont généralement légers et augmentent progressivement jusqu’à leur intensité maximale.
Les céphalées en grappes souvent négligées
Contrairement à la migraine, les céphalées en grappes sont rares. Elles se caractérisent par des épisodes relativement courts (15 à 180 minutes) très douloureux et très marqués unilatéralement qui sont souvent associés à des symptômes dits « trigémino-autonomes », tels qu’une rhinorrhée et un larmoiement oculaire du côté concerné.
Les céphalées en grappes se caractérisent par des crises de survenue régulière (en général quotidiennement) pendant un certain temps, puis disparaissent pendant quelques mois (phases de rémission). En l’absence de ces phases de rémission ou si elles sont courtes (< 3 mois), on parle de céphalées en grappes chroniques (plus rares).
Les céphalées en grappes apparaissent plus souvent chez les hommes, qui sont souvent agités et anxieux pendant les crises, contrairement aux migraines qui sont plus fréquentes chez les femmes, qui ont alors tendance à se replier sur elles-mêmes en raison des douleurs.
Les céphalées en grappes sont malheureusement souvent méconnues ou mal diagnostiquées, a ajouté le Dr Papadopoulou. Les patients ont souvent un long parcours de souffrance derrière eux avant de recevoir le bon diagnostic.
Les médicaments ne font pas tout
Le traitement des maux de tête, en particulier en lien avec de la migraine, se fonde sur trois composantes principales :
- mesures non médicamenteuses ;
- les soins aigus ;
- la prophylaxie.
Le Dr Papadopoulou souligne que dans la pratique les approches non médicamenteuses telles que la pratique régulière d’un sport d’endurance, la gestion du stress et les techniques de relaxation jouent un rôle majeur. En outre, les patients doivent être informés de l’importance d’un rythme veille-sommeil régulier et de la nécessité d’éviter les « déclencheurs » individuels (p. ex. alcool, manque de sommeil, etc.).
Comme autres mesures non médicamenteuses, on citera les dispositifs TENS (neurostimulation électrique transcutanée), utilisés typiquement au niveau du front.
Les triptans sont toujours prescrits avec trop de réticence
Le traitement aigu des crises comprend la prescription d’antalgiques, en particulier d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comme l’ibuprofène – alors que le paracétamol est moins efficace contre la migraine. En outre, les triptans, disponibles depuis quelques années contre la migraine et qui doivent être pris à temps, de préférence au début des crises. S’ils ne sont pas suffisamment efficaces en monothérapie, ils peuvent également être utilisés en combinaison à des AINS.
Actuellement, il arrive toujours que les triptans soient prescrits avec réticence, a expliqué le Dr Papadopoulou, notamment en raison de potentiels événements cardiovasculaires. La spécialiste a souligné la très faible probabilité de ce risque dans la pratique et l’utilisation sûre des triptans chez les patients ayant une hypertension artérielle contrôlée lorsque la migraine est correctement diagnostiquée.
Cependant, une prise de plus de dix jours par mois est à éviter en raison du risque de céphalées par surconsommation médicamenteuse. Il en va de même pour les opiacés, à éviter globalement chez les patients souffrant de céphalées.
Anticorps CGRP, botox et gépans en prophylaxie
Différents médicaments peuvent être prescrits pour la prophylaxie des crises de migraine fréquentes et sévères, notamment les bêtabloquants, les antiépileptiques comme le topiramate, ainsi que les antidépresseurs comme l’amitriptyline.
Les anticorps CGRP sont également extrêmement efficaces dans la prophylaxie antimigraineuse. Ces préparations ciblent la libération du « CGRP » (calcitonin gene-related peptide) pendant les crises, un neuropeptide se liant aux vaisseaux de la dure-mère et provoquant leur dilatation. « Les anticorps CGRP sont prometteurs chez les patients souffrant de migraines chroniques ou sévères, en particulier en cas de réponse insuffisante aux autres traitements », selon le Dr Papadopoulou.
En Suisse, les conditions préalables à la prescription de médicaments CGRP sont un minimum de huit jours de migraine par mois, au moins deux tentatives antérieures de traitement prophylactique ainsi que la prescription (après garantie de prise en charge des coûts) par un neurologue.
Chez les migraineux chroniques, la toxine botulique A est une autre option qui agit probablement par inhibition d’une suractivité musculaire ainsi que d’autres signaux douloureux envoyés au cerveau.
Parmi les développements récents dans le traitement de la migraine, on compte les gépans, ciblant également le CGRP. Les gépans sont des antagonistes des récepteurs CGRP disponibles sous forme de comprimés. De plus, en raison de leur action rapide, certains gépans peuvent être utilisés à la fois en prophylaxie et en traitement aigu, un nouveau concept dans le traitement de la migraine.
Lorsqu’il y a danger – red flags et imagerie
Bien que les « maux de tête secondaires », potentiellement dangereux, soient beaucoup moins fréquents que les « maux de tête primaires », bénins (migraines, céphalées de tension, etc.), il est essentiel de les différencier correctement pour le traitement et la prévention des complications sévères. Certains red flags (signes d’alerte) sont ainsi essentiels pour exclure les céphalées secondaires, rappelle le Dr Papadopoulou.
L’acronyme « SNNOOP » est utile dans ce cas :
- Symptômes systémiques associés : perte de poids, sueurs nocturnes, fièvre, etc.
- Neoplasm in history (antécédent de néoplasie)
- Neurologic deficit : ralentissement, troubles de la conscience, crises d’épilepsie, déficits focaux, etc.
- Onset (= début) : soudain, brutal (p. ex. « céphalée en coup de tonnerre », intensité maximale en l’espace d’une minute)
- Older age (âge avancé) : réapparition à partir d’un certain âge (> 5 ans)
- Pattern change (= changement de caractère)
L’imagerie n’est pas indiquée chez tous les patients céphalalgiques. Si un sujet a régulièrement les mêmes maux de tête depuis de nombreuses années, la cause n’est généralement pas dangereuse. Selon l’experte, on aura plutôt recours à l’imagerie en cas de survenue de nouveaux symptômes inhabituels ou en présence de signes d’alerte supplémentaires.