23 juil. 2024Congrès de l’European Society of Clinical Microbiology & Infectious Diseases

Corticothérapie dans l’encéphalite à HSV : toujours une décision au cas par cas

Pour la première fois, les résultats d’une étude randomisée et contrôlée par placebo sur le traitement adjuvant de l’encéphalite à herpès simplex (EHS) par corticothérapie chez l’adulte sont disponibles. L’étude britannique DexEnceph n’a pas pu atteindre le critère d’évaluation primaire d’une amélioration des résultats neuropsychologiques à six mois sous traitement adjuvant par dexaméthasone. Néanmoins, quelques enseignements importants peuvent être tirés de cette étude pour la pratique clinique.

encéphalite NMDA-R
Science Photo Library / Cavallini, James
L’encéphalite NMDA-R est une entité identifiée acomme une maladie auto-immune post-virale dans le contexte de l’EHS.

Cela fait neuf ans qu’il attend le moment de pouvoir présenter les résultats de l’étude DexEnceph.

C’est par ces mots que le Pr Tom Solomon, Liverpool, a introduit sa présentation sur la question cliniquement pertinente de savoir si, à l’avenir, une corticothérapie standardisée trouverait sa place dans l’algorithme thérapeutique de l’encéphalite à herpès simplex (EHS).

Le concept de thérapie antivirale précoce et prolongée

Le concept thérapeutique de l’EHS, qui consiste à instaurer un traitement antiviral empirique en cas de syndrome encéphalitique et à le poursuivre jusqu’à l’obtention des résultats de la PCR du liquide céphalorachidien pour le HSV, n’a pas changé depuis la fin des deux études cliniques randomisées menées au début des années 1980 (1,2).

Cependant, jusqu’à un cinquième des patients décèdent malgré un début rapide du traitement par aciclovir intraveineux (10 mg/kg PC toutes les 8 heures) et une durée de traitement conforme aux directives (14-21 jours) (3). À un an, plus de la moitié des survivants présentent des déficits neuropsychiatriques, et ceux-ci sont souvent très handicapants.

Dans le but d’obtenir une élimination encore plus efficace du virus dans le cerveau et de réduire le risque de réactivation de la maladie, l’étude randomisée et contrôlée de Gann et al. a été réalisée avec un traitement antiviral prolongé (valaciclovir oral 3 x 2 g [n=40] vs placebo [n=47] pendant 3 mois après 14 jours d’aciclovir intraveineux) (4).

L’objectif primaire de l’étude, au sens d’une augmentation du taux de survivants ne présentant pas ou peu de déficits neuropsychologiques après 12 mois, a été clairement manqué.

Le concept thérapeutique de la corticothérapie adjuvante

Dès les années 1970, l’intérêt de la corticothérapie a été débattu, ceci sur la base des connaissances scientifiques selon lesquelles une part considérable des lésions collatérales cérébrales était causée par le système immunitaire.

Une augmentation de la charge virale sous corticothérapie à visée immunosuppressive ne pouvant pas être exclue, l’administration de corticoïdes n’a eu lieu jusqu’à présent que dans des cas isolés. La décision d’un traitement par corticoïdes a été prise la plupart du temps principalement en cas d’un œdème cérébral étendu ou d’une progression clinique sous aciclovir. En outre, les corticoïdes pourraient avoir un effet sur la prévention de l’encéphalite à anticorps anti-récepteurs NMDA (NMDA-R). Cette entité n’a été identifiée qu’au début des années 2010 comme une maladie auto-immune post-virale dans le contexte de l’EHS. Elle s’observe chez jusqu’à 30 % des cas, en moyenne 30 jours après l’EHS, et est probablement plus souvent à l’origine de l’aggravation clinique qu’une récidive de l’EHS (5).

Dans une évaluation multicentrique rétrospective de 2005 de 45 patients japonais, l’évolution était meilleure sous corticoïdes (6). Les résultats étaient définis par l’absence de déficit à long terme ou par un déficit minime. Le traitement par corticoïdes a été administré pendant six jours en moyenne, avec l’administration consécutive de dexaméthasone ou de prednisone, ou des deux. La corticothérapie a été initiée en même temps que la perfusion d’aciclovir. Un âge plus élevé et une « Glasgow Coma Scale » (GCS) plus basse lors de l’initiation de l’aciclovir (10 mg/kgPC ont été identifiés comme des prédicteurs d’un pronostic plus défavorable (handicaps modérés à sévères à long terme ou décès).

En Allemagne, une étude prospective en double insu, soutenue par le ministère fédéral de l’éducation et de la recherche, a porté sur le traitement par la dexaméthasone intraveineuse en adjuvant (4 x 10 mg/j ou un placebo pendant 4 jours, débutant dans les 5 jours suivant l’admission) et l’aciclovir (10 mg/kg PC toutes les 8 heures), a été menée de 2007 à 2012 (6). Cette étude a randomisé 41 patients et a clairement manqué la marge d’inclusion de 372 patients avec une analyse finale de 38 patients seulement (n = 19 par groupe). Par conséquent, l’évaluation du critère d’évaluation primaire (binaire sur la base de l’échelle de Rankin modifiée à 6 mois), qui n’a pas montré que différence, n’est pas pertinente.

Étude DexEnceph (7)

L’étude DexEnceph présentée à l’ECCMID a également été financée par des fonds publics. Le critère d’évaluation primaire était le statut neuropsychologique fondé sur la base de l’Auditory Memory Scale à six mois. La randomisation a débuté en 2016 et la dernière personne atteinte a été incluse en 2022.

Le traitement a débuté par l’aciclovir (10 mg/kg PC toutes les 8 heures) en cas de suspicion clinique. La corticothérapie (intraveineuse à raison de 4 x 10 mg pendant 4 jours) vs placebo devait être initié dans les sept jours suivant la réception du résultat positif de la PCR HSV. L’étude a été menée dans 72 centres en Grande-Bretagne, et a randomisé 94 patients, faisant que l’objectif d’inclusion de 90 patients a donc été atteint. Au final, 42 patients ont été inclus dans le groupe traité à la dexaméthasone et 39 dans le groupe placebo.

Quatre décès sont survenus dans chaque groupe. L’évaluation du critère d’évaluation primaire n’a pas montré de différences statistiquement significatives sur l’échelle de la mémoire auditive. De même, aucun effet thérapeutique n’a pu être mis en évidence lors de l’évaluation des critères d’évaluation secondaires (échelle de Rankin modifiée, indice de Barthel, échelle de résultats de Liverpool, réduction de l’œdème sur l’IRM cérébrale). Les examens complémentaires ont montré que lors de la ponction lombaire de contrôle après deux semaines, le taux de patients toujours positifs pour la PCR pour HSV était même inférieur en pourcentage dans le groupe dexaméthasone (11 %) par rapport au groupe placebo (21 % ;  p=0,252). Aucune différence statistique n’a été observée en ce qui concerne la détection d’anticorps antirécepteurs NMDA dans le sérum ou le LCR (dexaméthasone 6 %, groupe placebo 7 %).

Pertinence pour la pratique clinique

Les résultats négatifs de l’étude ont été étudié d’un œil critique par Solomon. Il a souligné que le manque d’efficacité pourrait être dû à la dose de dexaméthasone choisie (4 x 10 mg/j pendant 4 jours), d’autant plus que dans les maladies auto-immunes du SNC, on utilise 1 g de méthylprednisolone pendant cinq jours. D’autre part, un début de traitement plus précoce avec la dexaméthasone ou simultanément avec l’aciclovir (comme dans l’étude japonaise) pourrait être décisif ;  dans l’étude DexEnceph, la dexaméthasone n’a été débutée qu’après un délai médian de sept jours.

Selon Solomon, malgré des critères d’évaluation primaires et secondaires négatifs, on peut toutefois en déduire ce qui suit pour la pratique clinique :

  1. L’étude DexEnceph confirme pour la première fois que le traitement par dexaméthasone dans l’EHS ne limite pas l’élimination du virus. Par conséquent, en cas de suspicion clinique ou radiologique d’encéphalite auto-immune vs EHS, il n’est pas nécessaire d’attendre le résultat du dosage des anticorps pour initier la corticothérapie.
  2. Le traitement généralisé de l’EHS par corticoïdes ne fera l’objet d’aucune recommandation dans les directives européennes sur l’encéphalite infectieuse qui seront prochainement finalisées. L’administration adjuvante de dexaméthasone en cas d’EHS peut continuer à être effectuée au cas par cas, notamment en cas d’aggravation clinique et/ou d’œdème étendu. La dose pertinente reste toutefois à déterminer. La corticothérapie précoce est probablement l’approche la plus judicieuse, une évaluation de l’étude DexEnceph est en préparation à ce sujet.
  3. Le traitement par la dexaméthasone à la dose et pendant la durée indiquées dans l’étude DexEnceph ne permettrait pas de prévenir une réaction auto-immune contre le récepteur NMDA. D’autres études interventionnelles seraient nécessaires.

Pr Johann Sellner
Université Karl Landsteiner pour les sciences de la santé