14 juin 2024Quid de l’administration d’enzymes i.v. ?

Déficit en alpha-1-antitrypsine

En cas de déficit en alpha-1-antitrypsine, la thérapie d’augmentation est censée prévenir l’emphysème pulmonaire. Toutefois, les données d’études robustes à ce sujet font largement défaut. Une équipe de spécialistes a pris position sur des questions non résolues concernant le bénéfice, l’indication et les schémas d’administration.

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Le déficit en alpha-1-antitrypsine est une maladie génétique relativement rare qui se caractérise par des taux sériques d’alpha-1-antitrypsine (AAT) réduits.

Il en résulte une augmentation de l’activité de l’élastase dans le tissu pulmonaire, ce qui augmente notamment le risque d’emphysème. Un déficit sévère est en général associé au génotype homozygote PiZZ. On estime que le génotype PiZZ est présent chez une personne d’origine européenne sur 3000 à 5000. Il existe en outre de nombreuses autres variantes du gène en question.

Existe-t-il une valeur seuil pour le traitement d’augmentation ?

Le seul traitement spécifique pour freiner le développement ou la progression de l’emphysème pulmonaire associé à un déficit en AAT est la substitution intraveineuse de la protéine manquante. Celle-ci est obtenue à partir du plasma d’un donneur et doit être administrée une fois par semaine pendant toute la durée de vie du patient dans le cadre de ce que l’on appelle le traitement d’augmentation (TA).

Bien que cette thérapie soit utilisée depuis plus de 35 ans, l’efficacité clinique ainsi que les indications et le schéma thérapeutique font toujours l’objet de controverses. Dans une publication, le Dr Marc Miravitlles, hôpital universitaire Vall d’Hebron, Barcelone, et ses collègues prennent position sur des questions controversées (1).

Le concept du traitement d’augmentation repose sur le maintien du taux sérique d’AAT au-dessus d’un seuil protecteur de 11 µmol/l. Les valeurs mesurées peuvent toutefois varier en fonction de la méthode de mesure et de l’état de santé du patient (p. ex. inflammation aiguë, infection, grossesse).

Il est donc recommandé de poser l’indication thérapeutique en premier lieu sur la base du génotype et non sur la base de mesures ponctuelles du taux sérique d’AAT.

Quel est le bon moment pour initier ce traitement ?

L’emphysème pulmonaire se développe lentement. En ce sens, il n’est pas nécessaire de débuter l’AT immédiatement. Le moment du début du traitement doit être déterminé par une équipe d’experts après une évaluation minutieuse des caractéristiques cliniques et fonctionnelles.

S’agissant d’une thérapie par injection à vie, qui n’apporte pas de bénéfice dans tous les cas, les patients doivent absolument être impliqués dans la décision.

Selon quel schéma de dosage l’enzyme est-elle administrée ?

Le dosage autorisé pour l’alpha-1-antitrypsine est de 60 mg/kg/PC par semaine. Parfois, les perfusions sont également administrées hors indication à intervalles plus longs. Compte tenu de la demi-vie de l’alpha-1-antitrypsine de 4,4 jours, les auteurs recommandent une administration hebdomadaire.

Selon certaines études, l’administration de 120 mg/kg/PC toutes les deux semaines est en général bien tolérée et permet également d’obtenir des taux sériques adéquats, écrivent-ils. Ils déconseillent les perfusions toutes les trois à quatre semaines.

La thérapie d’augmentation est-elle également indiquée en cas de maladie très sévère ?

La thérapie d’augmentation entraîne une amélioration significative de la fonction pulmonaire chez les patients ayant un VEMS entre 35 % et 49 % de la valeur théorique, ont montré les évaluations du registre NHLBI* il y a quelque temps.

En revanche, elle n’a guère d’efficacité en cas de valeurs inférieures. Les auteurs plaident néanmoins pour que les patients ayant une maladie très sévère (VEMS < 30 %) ne soient pas privés d’un traitement d’augmentation car il pourrait améliorer leur survie. Les directives actualisées tiennent compte de ces nouvelles connaissances et ne mentionnent parfois plus de limite inférieure de VEMS pour ce qui est de l’indication.

Le TA a-t-il également sa place chez des patients atteints de bronchiectasies ?

Dans le cas des bronchectasies, le traitement d’augmentation n’est actuellement pas indiqué, même si une activité accrue de l’élastase est en général mise en évidence dans les poumons des patients ayant un déficit en AAT.

Il n’existe actuellement pas de données probantes de l’efficacité clinique ou d’un bénéfice en termes de prévention des exacerbations. Les auteurs préconisent de recueillir davantage de données sur le traitement d’augmentation par inhalation en cas de bronchectasies.

L’AT est-il également indiqué en cas d’asthme comorbide ?

Les patients ayant un déficit en alpha-1-antitrypsine ont souvent un asthme concomitant qui, d’un point de vue physiopathologique, pourrait être déclenché par le déficit enzymatique. Malgré cela, la compensation du déficit à visée thérapeutique n’est actuellement pas indiquée dans ces cas.

En effet, seul un ralentissement de la diminution de la densité pulmonaire a été observé sous ce traitement, mais aucun autre effet significatif sur les symptômes respiratoires ou les exacerbations.

Un TA est-il indiqué chez les patients présentant le génotype PiSZ ou PiMZ ?

Les données des registres cliniques montrent que de plus en plus de patients de génotype PiSZ ou PiMZ sont également traités. Les auteurs estiment toutefois qu’un traitement d’augmentation n’est pas indiqué pour les PiMZ et, dans la plupart des cas, pour les PiSZ, en raison de l’insuffisance des preuves.