13 mai 2024Les récidives compliquent le traitement

Alopécie sévère: Des recommandations d’experts européens

L’alopécie en aires, également appelée pelade ou alopécie aerata, est une maladie auto-immune généralement caractérisée par la chute de cheveux par zones. Par son caractère stigmatisant, elle risque d’impacter fortement la qualité de vie des personnes touchées et peut même évoluer vers une perte de l’ensemble de la pilosité corporelle. Dans ce contexte, des recommandations de consensus européennes proposent des outils et des algorithmes thérapeutiques pour déterminer quand passer à un traitement systémique et lequel choisir.

La pelade entraîne une chute circulaire des cheveux sur le cuir chevelu
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L’alopécie en aires est source de stigmatisation et augmente le risque d’anxiété et de dépression.

Le risque d’alopécie en aires au cours d’une vie est estimé à 0,7 à 3,8 %. Cette maladie auto-immune peut avoir un impact considérable sur la qualité de vie tant des patients que de leurs proches.

Chez plus de la moitié des personnes concernées (62 %), elle conditionne la prise de décisions importantes, p. ex. pour ce qui est de leurs relations personnelles et professionnelles et de leur carrière. Nombre de ces patients souffrent de la stigmatisation associée à cette maladie et sont à risque accru d’états anxieux et dépressifs.

Traitement systémique à partir d'un score SALT de 20

Le Pr Lydia Rudnicka, Hôpital universitaire, Varsovie, et ses collègues experts européens ont publié des recommandations de consensus sur le traitement systémique de l’alopécie en aires (AA). Le diagnostic se fonde sur l’examen clinique et les résultats de la trichoscopie. Dans les cas atypiques, une biopsie du cuir chevelu (4 mm) peut être contributive.

La recherche de comorbidités a sa pertinence, notamment pour exclure d’éventuelles contre-indications au traitement envisagé. La sévérité de la maladie est évaluée à l’aide des outils SALT et AAS (voir encadré), ce qui permet de poser l’indication à un traitement systémique. Un traitement systémique est indiqué à partir d’un score SALT de 20 ou d’un score AAS signant une AA modérée à sévère.

Les scores SALT et AAS

SALT est l’abréviation de Severity of ALopecia Tool. Le score est fonction de l’étendue de la perte de cheveux. Une valeur de 10 signifie que 10 % du cuir chevelu est dégarni. L’indication d’un traitement systémique est posée à partir d’un score de 20, correspondant à une alopécie en aires modérée à sévère. La sévérité de la maladie peut également être évaluée à l’aide de l’outil Alopecia Areata Scale (AAS). Celle-ci s’inspire du SALT, mais prend en compte d’autres aspects tels que l’atteinte des sourcils et des cils ou une réponse thérapeutique insuffisante.

Les inhibiteurs de JAK en première ligne

Les inhibiteurs de JAK sont à ce jour les seuls à avoir reçu une autorisation de mise sur le marché pour le traitement systémique de l’alopécie en aires et constituent donc l’option de première intention dans le cadre des critères d’autorisation. Le ritlécitinib est autorisé par l’EMA à partir de douze ans, mais pas en Suisse, où le baricitinib (pour les adultes jusqu’à 60 ans maximum) est en revanche admis.

Dans le cadre de l’algorithme thérapeutique proposé par les experts, un traitement initial par corticoïdes systémiques est recommandé en cas de maladie active, c’est-à-dire de chute de cheveux active depuis moins de six mois chez les patients naïfs de traitement. Certains éléments suggèrent que la combinaison d’inhibiteurs de JAK et de corticoïdes serait plus efficace.

Méthotrexate en troisième ligne

À défaut de pouvoir utiliser les inhibiteurs de JAK, p. ex. en cas d’indisponibilité ou de contre-indication, d’autres agents thérapeutiques systémiques peuvent être envisagés, mais alors en utilisation hors indication. La plupart des experts recommandent un traitement par ciclosporine (max. 5 mg/kgPC/j). En troisième ligne, le méthotrexate (15-25 mg/semaine, par voie sous-cutanée ou orale) a également sa place comme alternative. L’azathioprine (titrée à max. 2-3 mg/kgPC/j) est une autre option, mais beaucoup moins bien documentée.

La corticothérapie orale peut être utilisée en traitement adjuvant. En cas de contre-indications aux médicaments d’épargne cortisonique cités précédemment, une monothérapie par corticoïdes systémiques peut également être envisagée, écrivent les experts. Dans tous les cas, le traitement sera individualisé et choisi en accord avec chaque patient (voir encadré).

Le minoxidil oral à faible dose peut être envisagé comme traitement adjuvant de l’alopécie en aires. Les données sur son efficacité étant limitées, les experts déconseillent une monothérapie. Les vitamines et autres compléments alimentaires n’ont pas d’intérêt thérapeutique dans l’alopécie en aires.

Limiter le risque d’événements indésirables

Le taux de récidive de l’alopécie en aires peut atteindre 85 %. Le traitement qui suit une récidive étant souvent moins efficace, le plan thérapeutique se projettera sur le long terme. Dans ce contexte, les recommandations des directives sur la durée de traitement vont de trois à sept ans, voire jusqu’à un traitement à vie. Les données existantes ne permettent pas de fixer une limite plus précise.

Toutefois, pour limiter le risque d’événements indésirables, le traitement sera dans la mesure du possible limité aux corticoïdes. Idéalement, après une repousse complète des cheveux, le traitement sera poursuivi pendant six à douze mois. Il sera suivi d’un traitement d’entretien, un arrêt du traitement pouvant le cas échéant être envisagé. Selon le plan thérapeutique, les experts recommandent des contrôles à un ou quelques mois
d’intervalle.

Prise en charge de l’enfant et de l’adolescent

Il n’y a pas de médicament autorisé pour le traitement de l’alopécie en aires chez l’enfant de moins de douze ans. Dans ce groupe d’âge, la corticothérapie systémique hors indication peut être envisagée. Certains experts recommandent la corticothérapie orale en cas de maladie aiguë à partir de l’âge de sept ans en cas de score SALT supérieur à 30.

Elle est également recommandée en cas d’alopécie en aires chronique à partir de treize ans avec un score SALT d’au moins 50. D’autres options hors indication sont le tofacitinib (2,5-10 mg/j) et le méthotrexate (MTX, 0,3-0,6 mg/kgPC/semaine).