Une lutte sans fin pour l’adhésion thérapeutique
L’adhésion thérapeutique est un problème dans de nombreux domaines. Mais c’est surtout en dermatologie et dans les approches topiques que les patients suivent peu les instructions médicales. Quels sont les facteurs qui pourraient les motiver ?
Chaque année, le coût de l’absence d’adhésion thérapeutique des patients atteints de maladies chroniques est estimé à environ 100 milliards de dollars rien qu’aux États-Unis, notamment parce que le traitement reste inefficace, que les résultats sont moins bons ou que la qualité de vie de ces patients baisse.
Pourtant, les patients devraient être conscients qu’une bonne observance thérapeutique s’accompagne d’une réduction de la morbidité et de la mortalité et d’une amélioration de la qualité de vie – et de coûts moins élevés pour le système de santé.
Facteurs influant sur l’adhésion thérapeutique en dermatologie
Alors que l’adhésion thérapeutique n’est déjà pas idéale dans les maladies internes chroniques, les dermatologues observent souvent des résultats encore plus mauvais, écrivent le Dr Angela Lo, Université de médecine Wake Forest, Winston-Salem (NC), et ses collègues (1).
Pour identifier les facteurs influençant l’adhésion thérapeutique en dermatologie et les moyens de l’améliorer, l’équipe a fait une revue de la littérature des années 2006 à 2023. Les chercheurs ont inclus dans leur analyse 52 travaux sur le thème de l’adhésion thérapeutique. L’évaluation de cette dernière a tantôt été subjective (questionnaires standardisés ou entrées dans un journal, etc.), ou objective (comptage de comprimés, pesée de tubes de crème) ou fondée sur des données pharmaceutiques.
Le fait qu’un patient soit observant ou non est influencé entre autres par l’âge, le sexe et le statut socio-économique, selon les scientifiques. Aux États-Unis, la situation financière joue également un rôle important. Les personnes sans diplôme de l’enseignement supérieur y sont environ deux fois plus souvent non observantes que celles qui sont titulaires de diplômes universitaires.
Adhésion thérapeutique et tranches d’âge
En ce qui concerne l’âge, les jeunes patients sautent plus souvent l’une ou l’autre dose, intentionnellement ou non, entre autres en raison de la crainte d’une accoutumance.
En outre, leur adhésion est également moins bonne lorsque leurs symptômes ne sont pas aussi sévères que chez les patients plus âgés. Par contre, les personnes âgées ont plus souvent des problèmes purement moteurs pour prélever de la crème dans un tube compact ou pour atteindre toutes les parties du corps, le manque de souplesse expliquant cela.
Par ailleurs, les hommes sont souvent moins observants. En revanche, de nombreuses femmes vont certes chercher leurs médicaments à la pharmacie, mais pour autant elles ne suivent p. ex. pas la routine de soins cutanés prescrite, écrivent les experts, et elles évitent en outre de consulter un dermatologue.
Le traitement topique, facteur aggravant
Si l’adhésion aux traitements systémiques est faible, la situation est encore pire pour les traitements topiques. Dans ce contexte, le mode d’application, la fréquence d’utilisation, la complexité du traitement et les éventuels effets secondaires jouent un rôle important.
La maladie elle-même a également une influence. Ainsi, l’observance est p. ex. significativement meilleure chez les patients ayant des maladies cutanées plus aiguës telles que l’acné, le vitiligo et les troubles capillaires que chez les patients ayant une maladie chronique telle que la DA et le psoriasis.
Cette différence est d’autant plus marquée que leur traitement est long. En revanche, les études montrent également que les personnes atteintes de maladies chroniques telles que la DA, le psoriasis ou autres depuis de nombreuses années ont souvent développé des stratégies efficaces et les appliquent de manière fiable, ce qui inclut en général, outre les mesures comportementales, les soins de base de routine.
Stratégies d'amélioration de l’adhésion thérapeutique
Comment le dermatologue peut-il encourager l’adhésion thérapeutique ? Des produits dermatocosmétiques ou médicaux spécifiques pour les soins cutanés, qui renforcent p. ex. la barrière cutanée ou inhibent la réactivité cutanée peuvent le cas échéant soulager les effets secondaires des traitements spécifiques tels que les irritations ou le prurit.
Toutefois, ces mesures ne doivent pas compliquer inutilement le traitement, mettent en garde les experts. De façon générale, le traitement doit être aussi simple que possible, ce à quoi contribuent les préparations combinées et/ou les formulations ne nécessitant qu’une application quotidienne.
Les patients préfèrent en général les formulations inodores, non grasses, faciles à appliquer, agréables au toucher, qui pénètrent rapidement ou qui ne laissent pas de sensation collante (p. ex. gels ou crèmes plutôt que pommades).
En cas de limitations fonctionnelles – notamment chez les patients âgés –, on peut les aider en leur proposant des contenants de crème plus faciles à ouvrir et/ou des brosses de soins ou applicateurs pour crèmes et autres soins.
Une place pour les approches interactives
En principe, des approches interactives non médicales (prestations de cybersanté) peuvent également contribuer à améliorer l’observance thérapeutique, et ce pour une charge de travail en général faible. Il s’agit notamment d’appels ou de messages de rappel automatisés. Les évaluations hebdomadaires de l’efficacité thérapeutique rédigées par les patients ont également un effet positif sur l’adhésion, car ils assument ainsi une plus grande responsabilité vis-à-vis de leur traitement.
Une information détaillée sur la maladie constitue la base d’une bonne adhésion chez la plupart des patients. Outre un entretien, des vidéos explicatives ou des ateliers peuvent p. ex. faire office de soutien, l’effet semblant particulièrement marqué chez les plus de 50 ans. Dans ce contexte, ces mesures doivent apporter de nouvelles connaissances aux patients, le contenu de l’information devant être communiqué de manière compréhensible et adaptée aux besoins individuels (p. ex. en fonction de la langue et de la culture/ethnie).
Observance de la blouse blanche
Il faut ajouter que les patients sont également plus souvent enclins à suivre les recommandations à l’approche de leur prochaine consultation médicale (amélioration factice de l’observance à l’approche d’une rendez-vous médical appelé « observance de la blouse blanche »). Le Dr Lo et ses collègues recommandent par conséquent de p. ex. fixer directement un rendez-vous de contrôle peu après le début du traitement. Des interventions à visée psychologique, en particulier des approches fondées sur la pleine conscience et de réduction du stress peuvent en outre être proposées en soutien.
Lo A et al. Adherence to treatment in dermatology: Literature review. JEADV Clin Pract 2024 ; doi : 10.1002/jvc2.379