4 avr. 2024De l’infection par le CMV à la grippe aviaire

Lorsque des virus émergents déclenchent des pneumonies chez l’homme

Dans de très rares cas, des virus tels que le Hantavirus du Nouveau Monde, le Nipah, le sérotype H5N1 et d’autres sérotypes de la grippe aviaire peuvent être à l’origine d’une pneumonie chez les personnes immunocompétentes. L’anamnèse de voyage et l’évolution de la maladie typique du virus sont des éléments permettant de suspecter leur implication.

Hantavirus
Science Photo Library / Pasieka, Alfred
Les rongeurs à l’état sauvage peuvent être porteurs d’Hantavirus et les transmettre même en étant porteurs sains.

Sous nos latitudes, les principaux agents pathogènes des pneumonies virales de l’adulte sont les virus Influenza et le virus respiratoire syncitial (VRS). De nombreux autres virus sont toutefois impliqués chez les personnes immunodéprimées (cf. encadré).

Lors de sa présentation, le Dr Michael Knappik, Clinique Penzing, Vienne, a en particulier mentionné le cytomégalovirus (CMV) (1). La pneumonie due à cet agent pathogène touche principalement les patients ayant reçu une transplantation d’organe ou une greffe de cellules souches hématopoïétiques ainsi que les patients VIH ayant une numération des CD4 très basse (< 50 cellules/μl).

Causes virales rares de pneumonies

Chez les personnes immunodéprimées, les virus suivants peuvent causer une pneumonie. Chez l’adulte immunocompétent, une infection par ces agents pathogènes n’entraîne en général qu’un rhume ou l’exacerbation d’un asthme, resp. d’une BPCO.

  • Cytomégalovirus
  • Virus de l’herpès (HSV)
  • Virus de la varicelle
  • Virus Epstein-Barr
  • Bocavirus
  • Parainfluenzavirus
  • Rhinovirus
  • Adénovirus
  • Métapneumovirus

Le CT-scan met souvent en évidence des infiltrats bilatéraux, en partie asymétriques, et des opacités en verre dépoli. La méthode diagnostique de référence est l’histopathologie avec mise en évidence de corps d’inclusion.

Ces patients étant souvent dans un état critique, on essaiera de renoncer aux procédures diagnostiques invasives, grevées d’un risque hémorragique. La détermination de la PCR quantitative (qPCR) sérique et dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire est une alternative envisageable.

En cas de charge virale élevée et de tableau clinique correspondant, le traitement chez le patient instable fait initialement appel au ganciclovir 5 mg/kg/PC i.v. toutes les 12 heures. Par la suite, on peut passer au valganciclovir oral (900 mg toutes les 12 heures). La durée du traitement est d’au moins trois semaines ou jusqu’à une virémie indétectable.

En cas d’échec du traitement standard

En cas d’infection par le cytomégalovirus réfractaire, le maribavir est une option thérapeutique. Il permet une augmentation significative du taux de clairance et un meilleur contrôle des symptômes. (ndlr : le maribavir est autorisé pour le traitement d’une infection à CMV réfractaire chez les patients adultes transplantés).

Le cas échéant, il faut également évoquer des agents viraux pathogènes rares chez les patients de retour de voyage qui développent une pneumonie. Ainsi, une infection par l’un des 15 Hantavirus du Nouveau Monde peut provoquer le syndrome pulmonaire à Hantavirus (SPH) ou le syndrome cardiopulmonaire à Hantavirus. Une trentaine de cas sont recensés chaque année aux États-Unis. La contamination se fait par aérosols (fèces, urine, cadavres de rongeurs) et par morsures d’animaux. La période d’incubation moyenne est de 14 jours. Le diagnostic se fonde sur la PCR/ELISA.

La symptomatologie précoce du SPH est plutôt aspécifique, avec un état fébrile, des myalgies et des symptômes gastro-intestinaux. Par la suite, on observe une toux, des infiltrats bilatéraux, un œdème pulmonaire, voire un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA). Les examens de laboratoire montrent une leucocytose, une thrombocytopénie et une polyglobulie. Il n’y a pas de traitement spécifique connu. Malgré une ECMO (ExtraCorporeal Membrane Oxygenation) précoce, la mortalité est d’environ 40 %.

Une mortalité de 70 % avec le vîrus Nipah

Les chauves-souris sont le réservoir naturel du virus Nipah. Elles se nourrissent entre autres de fruits qu’elles peuvent contaminer par le sang, l’urine et la salive. L’homme se contamine par la consommation de ces fruits ou de produits contaminés (p. ex. jus de palmier dattier), mais aussi par des aérosols. L’infection peut être également transmise à l’homme par des porcs ayant mangé des fruits contaminés et développant une toux grasse (hôte intermédiaire). La transmission d’homme à homme est possible dans de rares cas. On recense environ 200 infections par le virus Nipah par an, principalement en Inde et au Bangladesh. Une épidémie s’est produite en Malaisie en 1998/99.

Le virus Nipah provoque d’abord de la fièvre et des céphalées, puis des symptômes respiratoires et, après 3 à 14 jours, des symptômes encéphalitiques, c.-à-d. des vertiges et des convulsions, voire un coma. La mortalité peut atteindre 70 %. Il n’y a pas de traitement établi. Le remdésivir a montré une certaine activité in vitro et chez l’animal.

Le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS, Middle Eastern Respiratory Syndrom), causé par le MERS-CoV, a été un sujet de préoccupation majeur au cours de la dernière décennie. Il a pratiquement disparu à l’heure actuelle. L’année dernière, seuls deux cas ont été recensés dans le monde, selon le spécialiste.

En revanche, la grippe aviaire reste un problème. Elle est le plus souvent associée au virus Influenza H5N1. Au cours de la dernière décennie, neuf autres virus de la grippe aviaire infectieux pour l’homme ont été identifiés. Il n’y a jusqu’à présent pas eu de transmission interhumaine. Huit des neuf foyers étaient localisés en Chine.

Les mutants de la grippe aviaire toujours actifs

En 2020, on a découvert un virus de la grippe aviaire issu du H5N1 et du H5N8 :  le variant 2.3.4.4b du H5N1. Il s’est propagé rapidement chez les volailles. En 2022, il a également été détecté chez des mammifères. Un élevage de visons a été touché en Espagne et la transmission s’est faite de mammifère à mammifère.

Les animaux sont souvent morts d’infections respiratoires avec hémoptysie. Des foyers importants ont également été signalés dans des élevages d’animaux à fourrure en Finlande. En Antarctique et en Amérique latine, des phoques sont morts en masse probablement après avoir mangé des oiseaux infectés. En Pologne, un foyer de grippe aviaire s’est déclaré en 2023 chez des chats domestiques.

L’expérience acquise sur les infections humaines par le H5N1 s’étend sur env. 20 ans. 880 cas ont été enregistrés (oct. 2023), avec un taux de mortalité de 50 %. La nouvelle variante ne semble pas aussi pathogène pour l’homme. Comme l’a expliqué le Dr Knappik, l’OMS lui attribue actuellement encore un faible potentiel pandémique.