14 févr. 2024Produits chimiques

Les perturbateurs endocriniens, un risque pour le développement de l’enfant

L’OMS lance un cri d’alarme : les perturbateurs endocriniens occupent la deuxième place dans la liste des plus grandes menaces pour nos conditions de vie – juste derrière le changement climatique. Qui est particulièrement menacé par l’exposition aux substances à effet hormonal ?

Muesli au yaourt et aux baies, petit-déjeuner sain
Alen-D – stock.adobe.com
Le plastique fait partie des matériaux à forte charge en perturbateurs endocriniens.

Les effets indésirables des perturbateurs endocriniens (ingérés par voie orale) concernent tous les circuits de régulation hormonale et sont associés à de nombreuses maladies et malformations, selon Dr Esther Nitsche, endocrinologue libérale, Lübeck (1).

Particulièrement dangereux de la conception à la puberté

L’organisme de l’enfant y est déjà vulnérable lorsqu’il est encore dans l’utérus. Mais les produits chimiques peuvent également avoir des conséquences importantes pendant la mini-puberté (phase précoce du nourrisson) et la puberté. Les altérations de l’épigénome de la lignée germinale peuvent même entraîner des risques pour les générations futures.

Les femmes enceintes en particulier doivent éviter les perturbateurs endocriniens. Le bisphénol A (BPA) ou le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) diminuent p. ex. la production d’hCG et peuvent mener à des avortements précoces, une pré-éclampsie et des retards de croissance intra-utérins. On voit aussi une association entre un développement placentaire perturbé et des produits chimiques à activitéendocrinienne.

Des hormones thyroïdiennes pour le cerveau de l’enfant

De plus, un grand nombre de substances perturbent le circuit de régulation des hormones thyroïdiennes, particulièrement important pour le développement neuronal pendant la phase prénatale. Un déficit d’hormones thyroïdiennes pendant la grossesse entraîne des altérations morphologiques du cerveau de l’enfant, avec des effets délétères sur les capacités d’apprentissage, le QI, le développement moteur et celui du langage ainsi que sur le développement comportemental.

Depuis les années 1990, des chercheurs ont observé dans des études qu’après une augmentation constante, le QI moyen a plutôt eu tendance à baisser pendant la seconde moitié du 20e siècle. On suppose qu’un dérèglement endocrinien des hormones thyroïdiennes pourrait être à l’origine de cet effet Flynn négatif. Le BPA modifie entre autres les voies de signalisation dopaminergiques. Un effet neurotoxique direct des polychlorobiphényles (PCB), actuellement interdits dans la plupart des pays, a même été démontré.

D’autres axes hormonaux peuvent également entraîner des atteintes cérébrales. En font entre autres partie le système hormonal du stress, où des substances telles que le nonyl- et l’octylphénol, les phtalates ainsi que les composés organiques de métaux lourds peuvent être à l’origine d’une élévation durable du taux de glucocorticoïdes. En cas d’adaptations épigénétiques, cela peut notamment entraîner une sensibilité accrue au stress à vie ou une immunosuppression.

Effets délétères sur la fertilité

Depuis près de 15 ans, on observe une thélarche prématurée chez les filles. Il reste à déterminer si cette observation s’explique aussi par une exposition croissante aux perturbateurs endocriniens. Il existe des preuves plus tangibles concernant les effets délétères sur la fertilité.

Ainsi, parmi les effets des pesticides, on citera

  • une atrophie endométriale avec des troubles de la nidation,
  • une exposition aux phtalates entraînant une insuffisance lutéale,
  • des avortements précoces et
  • une baisse de la fertilité.

Le développement de l’endométriose, de myofibromes utérins ou du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) sont également des effets potentiels d’une exposition à des produits chimiques à activité endocrinienne. Ces derniers seraient également à l’origine de la baisse de qualité du sperme observée depuis 50 ans. Autre conséquence potentielle, des cas plus fréquents d’hypospadias.

Des troubles de la différenciation provoqués par une exposition pré-, péri- et postnatale à ces substances peuvent être observés p. ex. sous forme d’hypominéralisation de l’émail dentaire. On pense dans ce cas en particulier à l’effet du BPA mais également à d’autres perturbateurs. 15 à 30 % des enfants présentent dès aujourd’hui des « dents de craie ».

Un effet potentiellement cancérogène

Dans un grand nombre d’études, les chercheurs tentent de déterminer également le degré d’implication de certains produits chimiques par le biais de leur effet hormonal sur la cancérogenèse, le fait étant que les taux d’incidence des cancers hormono-dépendants tels que les cancers du sein, de l’endomètre, des testicules et de la prostate sont en augmentation au niveau mondial. Un lien causal n’a pas encore été confirmé à ce jour même si l’expérimentation animale montre une corrélation. De par leur influence sur le métabolisme (p.ex. sur l’appétit et la satiété), les perturbateurs endocriniens favoriseraient par ailleurs le développement de l’obésité et du diabète.

Quels conseils donner à la population pour limiter cette exposition autant que possible ? Un grand nombre de produits chimiques sont réglementés par des directives européennes. Il est donc utile de veiller à la présence de labels de qualité correspondants sur les peintures, revêtements de sol ou encore jouets. Les enfants ne devront pas mettre en bouche les objets et les matériaux imprégnés (ignifugés/anti-salissures). L’encadré propose d’autres conseils à suivre.

Conseils pour un quotidien moins exposé aux produits chimiques

  • Largement bannir le plastique de la cuisine (récipients, bouteilles, emballages, vaisselle, ustensiles) et utiliser une batterie de cuisine non revêtue, émaillée ou à revêtement céramique
  • Ne pas mettre les récipients en plastique au micro-ondes ou au lave-vaisselle (à moins que ce soit indispensable), jeter les objets ou ustensiles rayés, ne pas réutiliser les emballages jetables
  • Éviter les jouets contenant du plastique et préférer des produits fabriqués sans BPA/PVC et selon les normes européennes, vérifier la tolérance des peintures
  • Enfants, adolescents et femmes enceintes : utiliser uniquement des produits de soin sans phtalates, parabène, triclosan, benzophénone (ou tout autre filtre UV pour lequel on a un doute [Écolabel européen])
  • Tenir les femmes enceintes, les nourrissons et les jeunes enfants à distance de travaux de rénovation nécessitant des matériaux ignifugés (sols ou meubles), aérer régulièrement et passer un aspirateur muni d’un filtre HEPA
  • Ne pas donner de lait maternisé à base de soja sans indication médicale
  • Éviter les huiles essentielles chez les nourrissons et les jeunes enfants. Toute imprégnation se fera exclusivement à l’air libre et à distance des enfants
  • Utiliser des textiles ménagers sans revêtement (nappes, etc.)
  • Veiller à consommer des aliments de qualité biologique ; vérifier l’emballage et la faible charge en métaux lourds (le flétan, le cabillaud et le saumon notamment sont actuellement considérés comme des poissons peu contaminés)