La prévention pour réduire la mortalité
Les infections urinaires récidivantes représentent un fardeau non seulement pour les patients, mais également pour le système de santé. En effet, de nombreux patients ont dix infections ou plus par an, ce qui souligne l’importance capitale de la prévention, en particulier la prévention ne faisant pas appel à l’antibiothérapie.
Le risque de décès par une infection urinaire (IU) a été multiplié par 2,4 au cours des 30 dernières années. En 2014 déjà, le rapport O’Neill prévoyait que dix millions de décès dans le monde seraient dus aux résistances antibiotiques en 2050, a rapporté le PrGernot Bonkat, alta uro, Bâle, dans le cadre d’un symposium satellite organisé par IBSA dans le cadre du congrès annuel de l’EAU (European Association of Urology). La fosfomycine reste le traitement de première intention de l’IU, car il y a peu de résistances, la nitrofurantoïne pouvant être utilisée en alternative. Les fluoroquinolones n’ont par contre plus leur place dans le traitement des infections urinaires non compliquées – non pas en raison des résistances, mais des effets indésirables tels que les troubles neurologiques ou l’induction d’un diabète.
E. Coli est toujours responsable d’environ trois quarts des infections urinaires non compliquées, a expliqué le Dr Kathrin Bausch, médecin-chef en urologie, Hôpital universitaire de Bâle. Pour les cystites compliquées, ce chiffre n’est plus que de 43 %. Dans ce cas, plusieurs autres germes tels que les klebsielles, les entérocoques et les pseudomonas jouent un rôle de plus en plus important.
Plus de dix épisodes par an chez un tiers des patientes
Le Dr Bausch a rappelé que les infections urinaires récidivantes sont définies par la survenue de deux épisodes en l’espace de six mois ou d’au moins trois épisodes par an. Cependant, près de 80 % des patients en sont plus souvent victimes, un tiers d’entre eux en ayant même plus de dix par an, ce qui s’accompagne d’une morbidité élevée.
L’infection urinaire est un syndrome, le diagnostic ne pouvant être posé qu’en présence de l’ensemble des symptômes que sont les mictions fréquentes et douloureuses et la dysurie, associé à la mise en évidence d’une bactériurie. En l’absence de cette dernière, il faut envisager d’autres diagnostics tels qu’une vessie hyperactive. Une bactériurie pure est généralement due à une colonisation et ne nécessite pas de traitement antibiotique.
La prophylaxie des infections urinaires récidivantes se fait par étapes, a expliqué la spécialiste. Il s’agit en premier lieu d’éviter les facteurs de risque et de modifier les comportements. Ainsi, la consommation supplémentaire de 1,5 litre d’eau par jour diminue le nombre d’épisodes et la consommation d’antibiotiques 1. Les preuves scientifiques à ce sujet font toutefois défaut. D’autres mesures non antibiotiques comprennent
- l’œstrogénothérapie par voie vaginale chez les femmes en postménopause ;
- la prophylaxie immuno-active ;
- les probiotiques (locaux ou oraux) à l’efficacité avérée (L. rhamnosus GR-1, L. reuteri B-54 et RC-14, L. casei Shirota, L. crispatus CTV-05) ;
- les produits à base de canneberges ;
- le D-mannose ;
- l’hippurate de méthénamine ;
- l’instillation endovésicale de glycosaminoglycanes (GAG) tels l’acide hyaluronique/sulfate de chondroïtine (Ialuril®). Elle est recommandée lorsque les mesures préventives moins invasives sont restées inefficaces.
Importance de la prévention chez les séniors
Ria Pothoven, Pays-Bas, infirmière spécialisée, a présenté son expérience en pratique quotidienne auprès des patients âgés. Aux Pays-Bas, les personnes âgées sont soignées à domicile aussi longtemps que possible. Les infirmières apprennent souvent aux personnes âgées à se sonder et à instiller elles-mêmes les médicaments à administration intravésicale.
Chez les personnes âgées, une IU peut également entraîner d’autres troubles que les troubles urinaires,et ce, même avant que le diagnostic d’IU ne soit posé, tels qu’un délire ou une chute, selon Ria Pothoven. Une prévention efficace prend donc toute son importance, mais sa mise en œuvre est souvent délicate chez des patients vivant seuls, déments ou dépressifs, ou ayant une mauvaise observance. Les personnes âgées oublient p. ex. de boire suffisamment. Les directives ne peuvent pas toujours être appliquées à cette patientèle. C’est la raison pour laquelle Ria Pothoven et son équipe utilisent souvent l’instillation d’acide hyaluronique/sulfate de chondroïtine et forment les patients à l’auto-instillation avec le Ialuadapter®en alternative au cathétérisme. L’application restaure la couche protectrice de glycosaminoglycanes de l’urothélium, réduit le nombre d’épisodes annuels d’IU et prolonge l’intervalle entre les épisodes.
Dans le cadre de sa propre expérience, l’experte et son équipe ont évalué 170 instillations chez un total de 80 patients, pour la plupart des femmes, ayant des infections urinaires récidivantes, une cystite interstitielle/syndrome de douleur vésicale ou une vessie hyperactive. Dans le groupe des plus de 50 ans, plus de 80 % souhaitaient poursuivre l’instillation, vs 64 % chez les plus jeunes. Les principales raisons invoquées par environ la moitié d’entre eux étaient que l’adaptateur Ialu était moins douloureux qu’un cathéter et environ 20 % appréciaient sa facilité d’utilisation. L’auto-instillation nécessite un peu de pratique, comme l’a souligné la spécialiste. Plus de la moitié des patients y sont parvenus dès la première tentative, 17,4 % lors de la deuxième. 17,4% d’entre eux n’ont pas réussi. Il n’y a pas eu d’infections supplémentaires dans le groupe test. Ria Pothoven a expliqué que l’instillation permettait un traitement simultané de la vessie et de l’urètre et que l’effet sur les douleurs de la vessie et l’urétrite était rapide. L’utilisation convient aussi bien aux femmes qu’aux hommes.
Hooton TM et al. JAMA Intern Med. 2018; 178(11): 1509-1515. doi:10.1001/jamainternmed.2018.4204