6 mai 2024Douleurs et épisodes fébriles à répétition

Importance d’un diagnostic précoce des maladies auto-inflammatoires

Des poussées fébriles récurrentes avec des douleurs abdominales et articulaires et de manifestations cutanées peuvent cacher une maladie auto-inflammatoire, surtout chez l’enfant. Le diagnostic est certes délicat, mais il doit être aussi précoce que possible pour prévenir des lésions organiques et améliorer la qualité de vie.

Macrophage
Science Photo Library
Dans les maladies auto-inflammatoires, outre les granulocytes, ce sont surtout les macrophages qui jouent un rôle.

Les maladies auto-inflammatoires (MAI) regroupent des maladies rares, souvent d’origine génétique, qui sont à la base d’une dérégulation du système immunitaire inné.

Les troubles non spécifiques ressemblent aux symptômes d'infection

Elles se distinguent ainsi des maladies auto-immunes classiques, qui reposent sur un dysfonctionnement du système immunitaire adaptatif avec formation d’auto-anticorps. Selon les connaissances actuelles, il y a toutefois des chevauchements.

De plus, il existe pour les deux troubles des chevauchements avec l’immunodéficience, écrivent le Dr Maria Fasshauer, service de pédiatrie et de médecine de l’adolescence, clinique St-Georg, Leipzig, et le Pr Helmut Wittkowski, CU, Münster (1).

  • Les symptômes les plus fréquents des maladies auto-inflammatoires sont
  • un état fébrile,
  • des douleurs abdominales et articulaires
  • des céphalées, et
  • des atteintes cutanées et muqueuses.

Ces troubles non spécifiques s’observent également dans l’enfance comme symptômes normalement associés à des infections. Le diagnostic est donc souvent difficile à poser et n’intervient généralement qu’après sept ans en moyenne.

Plus de 40 gènes déclencheurs connus

On distingue les AID monogéniques, relativement rares, des formes multifactorielles, un peu plus fréquentes. Les premiers AID monogéniques décrits étaient quatre syndromes fébriles périodiques héréditaires :

  • la fièvre méditerranéenne familiale (FMF) ;
  • le syndrome périodique associé à la cryopyrine (CAPS) ;
  • le syndrome périodique associé aux récepteurs du TNF (TRAPS) ;
  • le déficit en mévalonate kinase (MKD)/syndrome d’hyper-IgD (HIDS).

On connaît actuellement plus de 40 gènes qui affectent différents domaines de l’immunité innée et qui peuvent déclencher une MAI. Malgré cela, il n’est toujours pas possible de poser un diagnostic sans équivoque chez 40 à 60 % des patients présentant un phénotype typique de la MAI. Ils sont donc classés dans la catégorie des MAI non définies (uMAI).

Classification des MAI

MAI monogéniques

Il n’existe pas encore de classification homogène de toutes les MAI monogéniques. Une classification en fonction de la pathophysiologie sous-jacente a notamment été proposée :

  • Les inflammasomopathies ont pour origine une hyperactivité de l’inflammasome, caractérisé par une sécrétion accrue de certaines interleukines (IL-1b, IL-18). Les représentants typiques sont les syndromes fébriles associés à l’IL-1b comme la FMF, la CAPS, la TRAPS et la MKD.
  • L’activation de la voie de l’interféron de type I est caractéristique des interféronopathies. Ce groupe comprend p. ex. le syndrome d’Aicardi-Goutières et le syndrome auto-inflammatoire associé aux protéasomes (PRAAS).
  • Les relopathies entraînent une suractivation de la voie de signalisation NF-kB avec induction de molécules pro-inflammatoires. Il s’agit notamment du psoriasis génétique et du syndrome auto-inflammatoire à médiation par l’otuline (ORAS).
  • Dans le groupe des maladies avec activation des macrophages, on trouve p. ex. la lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale (FHL1-5).
  • Les MAI dont le mécanisme pathologique n’est pas clair comprennent le déficit en adénosine désaminase 2 et les SIFD (associant anémie sidéroblastique congénitale, immunodéficience, fièvre, retard de développement) ainsi qu’une inflammation intestinale chronique précoce due au déficit en IL-10.

MAI multifactorielles

Les MAI multifactorielles sont un peu plus fréquentes que les MAI monogéniques. L’un de ses représentants est l’arthrite juvénile idiopathique systémique (AJIS), caractérisée par une surproduction d’IL-1 et d’IL-6. Elle se caractérise par une arthrite et une fièvre intermittente, plus au moins un autre critère comme une éruption érythémateuse fugace, une hypertrophie généralisée des ganglions lymphatiques, une hépato- et/ou splénomégalie ou une sérosite.

Une autre maladie est le syndrome PFAPA, qui apparaît souvent à l’âge de l’école enfantine et se caractérise par des épisodes de fièvre épisodiques, une pharyngite ou des aphtes buccaux ainsi que des adénopathies cervicales sans cause infectieuse. Entre les épisodes, les enfants semblent en parfaite santé.

Le diagnostic d’une MAI relève du défi et repose en premier lieu sur la symptomatologie et l’évolution temporelle typique. De nombreux diagnostics différentiels tels que les maladies rhumatismales, immunologiques, oncologiques et auto-immunes doivent être exclus – tout comme une hyperthermie bénigne, une fièvre médicamenteuse ou un syndrome de Münchhausen par procuration.

Le laboratoire montre des signes d’inflammation systémique tels qu’une augmentation de la VS, de la CRP, de la sérum amyloïde A (SAA) et de la calprotectine. Tous ces paramètres ne sont toutefois pas spécifiques et peuvent également être élevés en cas d’infections sévères. Dans certaines formes, les biomarqueurs ne sont élevés qu’en cas de poussée aiguë, dans d’autres, ils le sont également entre les poussées.

Œdèmes ou engelures, des symptômes précurseurs

Certains syndromes entraînent des symptômes caractéristiques pouvant orienter le diagnostic. Il s’agit p. ex. d’œdèmes périorbitaires dans le cas du TRAPS, d’une acné kystique sévère avec abcès stériles dans le cas de l’arthrite pyogène, du pyoderma gangraenosum et de l’acné (PAPA) ou de manifestations cutanées de type livedo ainsi que des engelures dans le cas du syndrome d’Aicardi-Goutières. Pour certaines MAI, on dispose d’analyses génétiques ciblées, mais de plus en plus d’analyses de panel ou de séquençage de nouvelle génération (NGS) sont également proposées.

Il n’existe pas encore de traitement causal. Pour de nombreuses MAI héréditaires, il existe désormais des approches avec blocage ciblé de certaines cytokines ou molécules pro-inflammatoires.

Certaines formes de MAI répondent bien aux corticoïdes, la colchicine est utilisée pour la FMF. Il est surtout important de poser un diagnostic et un traitement précoces, soulignent les auteurs, car il s’agit avant tout de prévenir l’amylose et d’autres lésions organiques qui menacent dans de nombreuses formes, de réduire la morbidité et la mortalité et d’améliorer la qualité de vie à long terme.