2 déc. 2021L’indice de toxicité des glucocorticoïdes est éloquent

Pour une épargne cortisonique bien menée

Les patients sous glucocorticoïdes à long terme sont exposés à toute une série d’effets indésirables, au mieux gênants, au pire dangereux. Les stratégies thérapeutiques actuelles aspirent dès lors à une épargne cortisonique. L’indice de toxicité des glucocorticoïdes, qui est mesuré dans un nombre croissant d’études cliniques, montre si les nouveaux médicaments permettent vraiment d’atteindre cetobjectif.

Les vergetures, une conséquence de multiples années de corticothérapie.

Les effets indésirables (EI) induits par les glucocorticoïdes jouent un grand rôle dans le traitement des vascularites, a rapporté le Pr John Stone, département de rhumatologie, Harvard Medical School. Dans la pratique, les patients se plaignent souvent de prises de poids parfois extrêmes, de redistributions des graisses, d’acné et d’insomnie. Parmi les EI moins visibles mais non moins à risque figurent l’hypertension, l’hyperlipidémie, l’ostéoporose et l’intolérance au glucose. Dans les cas extrêmes, il y a entre autres un risque de ruptures tendineuses, d’ulcères gastriques, de rétinopathies, de glaucome et decataracte.

Les nouvelles stratégies thérapeutiques visent à réduire la toxicité induite par les glucocorticoïdes (TG). Toutefois, les répercussions d’une comédication sur les corticoïdes n’ont pour l’instant pas été suffisamment documentées et analysées dans les études cliniques sur de nouveaux médicaments. C’est pourtant nécessaire pour évaluer systématiquement la TG et en déduire des recommandations concrètes pour la pratique, a souligné le spécialiste.

Gare aux effets indésirables moins visibles

Mesurer la TG est cependant problématique. Compte tenu du large éventail d’EIpotentiels, ceux qui sont moins visibles passent facilement inaperçus sion ne les recherchés pas de façon ciblée. S’y ajoute le fait que les troubles se développent plus ou moins rapidement. L’acné, les psychoses ou les infections sévères surviennent le plus souvent en l’espace de quelques semaines, et l’hyperglycémie apparaît parfois déjà après la première dose.

Un standardde toxicité

En revanche, plusieurs années s’écoulent généralement jusqu’à ce que des vergetures apparaissent. Des nécroses avasculaires et des cataractes surviennent également, avant tout en cas de glucocorticothérapie chronique. Le grand nombre de maladies pour lesquelles des glucocorticoïdes sont utilisés ainsi que les dosages et durées de prise très variables compliquent également la mesure de la TG.

Les neuf domaines du GTI

  • IMC
  • Pression artérielle
  • Tolérance au glucose
  • Lipides
  • Infection
  • Myopathie
  • Altérations cutanées
  • Effets neuropsychiatriques
  • Densité osseuse

En 2016, des rhumatologues ont par conséquent élaboré l’indice de toxicité des glucocorticoïdes (Glucocorticoid Toxicity Index [GTI]) pour l’évaluation systématique de la TG. Cet instrument standardisé permet de mesurer le changement de la TG entre deux temps de mesure. Neuf domaines sont pris en compte (cf. encadré). À l’exception de la densité osseuse, ils peuvent être évalués au moyen d’examens simples. Ces domaines ont été sélectionnés car les pathologies correspondantes sont particulièrement pertinentes, surviennent souvent (chez au moins 5 % des patients traités) et peuvent être influencées par des augmentations ou réductions de doses.

Une augmentation du score indique une dégradation, tandis qu’une diminution du score indique une amélioration. Chaque domaine est évalué. Ainsi, l’augmentation de l’HbA1c en cas d’augmentation parallèle de la dose de cortisone correspond par exemple à + 44 points. La diminution de l’HbA1c en cas d’augmentation de la dose correspond à – 44 points et une HbA1c inchangée correspond à 0point. Deux sous-scores sont calculés sur la base de l’ensemble des données collectées, à savoir le GTI-CWS (Cumulative Worsening Score) – qui évalue toutes les nouvelles toxicités survenues après l’examen de base, même si elles s’améliorent à nouveau avec le temps – et le GTI-AIS (Aggregate Improvement Score) – qui tient quant à lui compte du fait que de nombreux patients ont déjà des TG à l’examen de base. Le score global intègre dès lors les nouvelles toxicités qui apparaissent et élimine celles qui disparaissent.

Jusqu’à présent, le GTI a été utilisé dans deux grandes études conduites dans l’asthme, mais également dans l’étude ADVOCATE récemment publiée, qui a été menée chez des patients atteints de vascularite associée aux ANCA. Au cours de la phase de traitement d’une durée totale de 52semaines, l’ensemble des 330patients ont reçu du cyclophosphamide durant 13semaines, puis de l’azathioprine ou du rituximab durant quatre semaines. Les 166 patients du groupe avacopan ont reçu durant 52semaines 30 mg d’avacopan deux fois par jour et un placebo de cortisone, dont la dose a été progressivement diminuée sur 20semaines pour passer d’environ 20 mg/j au maximum à 0. Les 164 patients du groupe placebo ont reçu un placebo d’avacopan et de la prednisone, dont la dose a été réduite de 60 mg/j à 0 sur 20 semaines.

L’épargne cortisonique démontrée dans ADVOCATE

Globalement, les patients du groupe avacopan ont pris environ deux tiers de prednisone de moins au cours de l’année entière. La dose journalière médiane s’élevait à 4,4 mg dans le groupe avacopan et à 11,8 mg dans le groupe placebo ; la dose totale était de 1348,9 vs 3654,5 mg.

À la semaine 26, l’avacopan s’est avéré non inférieur à la prednisone en termes de rémission (le critère d’évaluation primaire). Concernant la TG, l’avacopan était même supérieur à la semaine26. Le GTI a été mesuré après 13 et 26 semaines. Par rapport au placebo, il y avait une différence au niveau du GTI-CWS de – 11,0 après 13 semaines et de – 16,8 après 26 semaines (une différence hautement significativedans les deux cas). Dans la grande majorité des domaines, le GTI était plus faible sous avacopan ; la pression artérielle est le seul domaine dans lequel il n’y avait pratiquement pas de différence. Pour le GTI-AIS également, des différences hautement significatives en faveur de l’avacopan ont été constatées aux deux temps de mesure (après 13 semaines – 13,3, après 26 semaines – 12,1).

Le développement de nouveaux principes actifs d’épargne cortisonique et la mesure de leur impact sur la TG au moyen du GTI depuis peu implémenté sont décisifs pour les percées dans le traitement des vascularites, a souligné le Pr Stone. Il est désormais essentiel d’intégrer de façon rigoureuse le GTI dans les études cliniques. C’est le seul moyen de démontrer qu’un principe actif permet de réaliser une épargne cortisonique.

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