1 déc. 2021À la découverte d’un monde nouveau

Le microbiome cutané est un univers en soi

Les microbes sont en nous, sur nous et autour de nous. La totalité de leur information génétique est cent fois supérieure à la nôtre. Que savons-nous du microbiome cutané et comment ces connaissances peuvent-elles être appliquées au traitement des maladies cutanées ?

La recherche sur le microbiome remonte à la découverte du micro-scope, au 17e siècle. Même si elle pourrait dès lors sembler appartenir à des temps anciens, elle est aujourd’hui devenue le domaine le plus dynamique de toute la science médicale après la COVID, a expliqué le Pr Andre Gessner, Institut de microbiologie médicale et d’hygiène, Université de Ratisbonne. La recherche a depuis longtemps aussi éveillé l’intérêt du grand public, avec plus de 75 000 vidéos à ce sujet rien que sur Youtube.

Le microbiome n’est pas uniquement constitué de bactéries. Il y a aussi des virus et la méiofaune, composée de protozoaires et de champignons. « Plus de 70-80 espèces de champignons colonisent ainsi la seule bouche », a souligné le Pr Gessner. Et les micro-organismes ont le dessus : « Le corps humain est constitué de 1013 cellules et d’au moins autant de bactéries. » S’y ajoutent environ 1015 virus, ainsi qu’un nombre pour l’instant à préciser de champignons (au minimum 1012) et de protozoaires. «L’information génétique que portent ces organismes est 100 fois supérieure, voire plus, à notre propre génome.» La différence génétique interindividuelle entre deux personnes est d’environ 0,1 % ; dans le microbiome, il est estimé qu’elle est de l’ordre de 60-70 %.

Aucune région de l’organisme n’est stérile

Grâce au Human Microbiome Project (cf. encadré), nous savons que le microbiome varie également dans le cadre de diverses maladies. Un autre point est devenu évident : les micro-organismes sont partout. « Même des régions du corps que l’on considérait autrefois comme stériles ne le sont pas du tout », a précisé l’expert. En parallèle, les compositions bactériennes varient à l’échelle individuelle en fonction de la région du corps. Cela vaut tout particulièrement pour la peau, car les facteurs locaux (pH, hydratation, expression des défensines) varient en partie considérablement.

Les micro-organismes entretiennent des échanges permanents entre eux via leurs produits métaboliques et avec les cellules du corps humain, p. ex. avec les kératinocytes ou les cellules immunitaires. Et cela a une influence sur la santé cutanée car ils ne se contentent pas de stimuler ces cellules, mais veillent entre autres aussi à ce que les pathogènes cutanés ne puissent pas se faire de place, soit en les éliminant directement soit en déclenchant une réaction immunitaire.

En outre, ce n’est que récemment qu’un groupe de travail américain a pu montrer que les bactéries cutanées, sans doute des staphylocoques, jouaient un rôle essentiel dans la cicatrisation des plaies. « C’est un argument très fort pour par exemple ne plus traiter les plaies avec des antibiotiques topiques », a en a conclu le Pr Gessner. Cela inhibe ces micro- organismes et donc aussi la cicatrisation.

Si l’équilibre du microbiome cutané est perturbé, p. ex. en raison de maladies sous-jacentes ou de plaies, les micro-organismes cutanés peuvent déclencher des maladies. En font partie l’acné, la malasseziose, la dermatite atopique, les infections de plaies chroniques ou les manifestations systémiques, telles que l’ostéomyélite et le sepsis. La dysbiose se traduit par une altération de la fonction de barrière et une perturbation de la réponse immunitaire.

Rétablir l’équilibre du microbiome cutané

Parmi les mesures thérapeutiques envisageables figurent par exemple les soins de base topiques ou les principes actifs anti-inflammatoires systémiques ou topiques chez les patients atteints de neurodermite. «Nous pouvons bien entendu aussi essayer de corriger la dysbiose cutanée à proprement parler», a expliqué le Pr Gessner. Les probiotiques y contribuent dans le cadre d’un concept thérapeutique multimodal, comme cela se fait déjà dans certaines maladies de l’intestin, à la différence qu’ils doivent être appliqués par voie topique.