31 janv. 2024Recherche d’IST chez des patients asymptomatiques

Un dépistage à double tranchant

La progression des infections sexuellement transmissibles (IST) peut être enrayée par un diagnostic et un traitement rapides. Mais dans certains cas, le dépistage régulier chez des patients asymptomatiques présente plus d’inconvénients que d’avantages.

3D-Illustration von Syphilis Bakterien
Tatiana Shepeleva/stock.adobe.com
Pour être efficient, le dépistage doit se limiter au VIH et à la syphilis chez les patients asymptomatiques à haut risque d’IST.

Jusqu’en 1954, les candidates et candidats au mariage devaient pouvoir présenter un test de syphilis négatif dans la plupart des États américains. On pense que cette exigence ainsi que le traitement efficace par la pénicilline ont joué un rôle important dans le recul de la prévalence de la syphilis après la Seconde Guerre mondiale.

À l’heure actuelle, le dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) fait partie intégrante des directives internationales. Les programmes de dépistage généralisés ne sont toutefois recommandés que sous certaines conditions. Outre le rapport coût-efficacité, il s’agit notamment de prouver, à partir d’études randomisées et contrôlées de haute qualité, qu’ils réduisent la mortalité ou la morbidité. En outre, les avantages du dépistage doivent être supérieurs aux inconvénients.

Dans un récent travail de synthèse (1), une équipe de recherche dirigée par le Pr Chris Kenyon, Institut de médecine tropicale, Anvers, a recherché à quel dépistage des IST ces critères s’appliquent effectivement en l’état actuel des connaissances. Selon les auteurs, le dépistage du VIH et de la syphilis est particulièrement recommandé chez les patients à haut risque tels que les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et sous PrEP anti-VIH. En outre, les femmes enceintes doivent être testées pour une infection par Treponema pallidum, l’agent de la syphilis, afin d’éviter une transmission à l’enfant à naître et de prévenir les complications de la grossesse qui en découlent.

Quatre conditions pour un dépistage efficace

Dans le cas du VIH et de la syphilis, les caractéristiques suivantes des interactions hôte-pathogène plaident pour l’efficacité des mesures de dépistage chez les patients asymptomatiques :

  • Les infections non détectées sont généralement associées à des conséquences cliniques sévères.
  • L’intervalle entre l’infection et l’apparition de la maladie est long.
  • L’agent infectieux n’est pas éliminé spontanément par le système immunitaire.
  • Après une infection traitée, les patients développent moins souvent des symptômes lors d’un nouveau contact avec l’agent pathogène, de sorte que leur maladie pourrait être ignorée.

Les auteurs de la revue ont trouvé des preuves suffisantes pour justifier que le diagnostic précoce du VIH et de la syphilis n’ouvre pas seulement la voie à un traitement salvateur. Il réduit également la propagation de ces IST ou favorise leur élimination locale. C’est ce que montre l’exemple des Pays-Bas, où la stratégie de dépistage et de traitement a contribué à une réduction de l’incidence du VIH estimée à 70 % au cours des dix dernières années.

En revanche, Neisseria gonorrhoeæ, Chlamydia trachomatis et Mycoplasma genitalium semblent moins se prêter au dépistage. Alors que la syphilis et le VIH sont des infections systémiques qui peuvent être détectées précocement par sérologie, les gonocoques, les chlamydias et les mycoplasmes provoquent des infections locales au niveau des muqueuses. En outre, le court intervalle entre une infection et l’apparition de la maladie ainsi que la forte probabilité d’une évolution autolimitée ne plaident pas pour des tests réguliers. Par conséquent, les preuves issues d’études sur l’utilité d’un dépistage généralisé de ces trois agents pathogènes sont faibles.

Il existe certes des preuves que le dépistage de la chlamydia peut réduire la fréquence des infections pelviennes dans la population générale. Cependant, les effets sur la prévention de l’infertilité féminine ne sont pas clairs. Il n’existe pas non plus de preuves solides en faveur d’un dépistage dans les groupes à haut risque, écrivent les auteurs.

Des antibiorésistances dues à l’usage accru de macrolides

En particulier chez les HSH ayant des partenaires multiples, le dépistage des gonocoques, des chlamydias et de Mycoplasma genitalium comporte en outre des risques. Ainsi, le dépistage régulier et donc la détection des IST asymptomatiques peuvent augmenter le recours aux antimicrobiens et donc le risque de développement de résistances. Dans des études de cohorte, par exemple, le dépistage des gonocoques et des chlamydias chez les patients sous PrEP anti-VIH a entraîné une consommation de macrolides cinq à neuf fois supérieure aux seuils de développement de résistances pour différentes espèces bactériennes.

En outre, une prise excessive d’antimicrobiens peut avoir des effets négatifs sur le microbiome. Les conséquences potentielles sont une dysbiose et une altération de l’immunité, accompagnées d’une moindre protection contre les IST et autres agents pathogènes. Enfin, les auteurs de la revue soulignent les inconvénients psychosociaux potentiels d’un diagnostic d’IST chez les patients asymptomatiques.

Ils concluent que le dépistage en l’absence de symptômes dans les populations à forte prévalence d’IST doit être limité au VIH et à la syphilis. Ils supposent que le risque, les avantages et le rapport coût-efficacité du dépistage des IST varient en fonction de la population et des agents pathogènes testés, du test diagnostique utilisé, de la fréquence des tests et du système de santé. Les auteurs espèrent que les résultats de plusieurs grandes études de dépistage en cours apporteront des données supplémentaires.

Toujours est-il que les préférences de la population prise en charge et les préférences individuelles devront également jouer un rôle important dans les choix concernant le dépistage.