8 sept. 2024Cirrhose hépatique

Hypertension portale: Diminuer la pression améliore le pronostic

L’hypertension portale sévère est le principal facteur de risque de décompensation d’une cirrhose hépatique jusqu’alors compensée. Pour cette raison, l’hypertension portale doit être détectée précocement et traitée dans les règles de l’art.

Varices de degré IV avec obstruction quasi totale de la lumière et risque accru d’hémorragie.
Immanuel Albertinen Diakonie/endoskopiebilder.de

La décompensation d’une cirrhose hépatique, avec des signes tels qu’ascite et hémorragie des varices œsophagiennes et des complications telle une péritonite bactérienne spontanée, assombrit nettement le pronostic.

Rôle clé de l'hypertension portale dans la décompensation de la cirrhose

Dans la pathogenèse de ce dérapage, l’hypertension portale joue un rôle décisif, expliquent le Dr Anna Martin, clinique de gastroentérologie et d’hépatologie, hôpitaux universitaires de Cologne, et ses collègues.

L’hypertension portale est définie comme une augmentation persistante de la pression à > 7 mmHg ou du gradient de pression veineuse hépatique à > 5 mmHg. Une décompensation hépatique et la survenue de varices œsophagiennes menacent si ce gradient passe à > 10 mmHg.

Pour des valeurs > 12 mmHg, le risque d’ascite et d’hémorragie digestive liées à l’hypertension portale augmente. Les patients ayant des hémorragies sur varices œsophagiennes et dont le gradient de pression est > 20 mmHg sont à haut risque d’hémorragies récidivantes.

Mécanismes physiopathologiques sous-jacents

Sur le plan physiopathologique, l’hypertension portale est due à une augmentation de la résistance vasculaire intrahépatique elle-même due à un remaniement fibrotique et à une vasoconstriction. S’y ajoute une augmentation du débit sanguin portal. Les modifications hémodynamiques s’accompagnent d’une réaction inflammatoire systémique qui augmente avec le degré d’hypertension portale.

L’inflammation repose en partie directement sur les lésions hépatocellulaires et en partie sur la translocation anormale de composants du microbiome de la lumière intestinale vers la circulation portale. Globalement, l’inflammation peut aggraver les lésions hépatiques et favoriser les décompensations.

Méthodes de diagnostic de l'hypertension portale

Pour le diagnostic, la référence est la détermination du gradient de pression veineuse hépatique par une mesure de la pression d’occlusion des veines hépatiques peu invasive. Toutefois, cette approche n’est souvent disponible que dans des centres spécialisés. Des méthodes non invasives, à savoir l’élastographie transitoire pour mesurer la rigidité hépatique – ou la baisse de son degré d’élasticité – et la détermination du nombre de plaquettes (voir encadré), permettent toutefois déjà d’évaluer la situation.

Investigation non invasive

En cas d’hépatopathie avancée, la probabilité d’hypertension portale est élevée en cas de valeurs à l’élastographie (exprimées en kPa, norme 2 à 7 kPa) :

  • rigidité hépatique ≥ 25 kPa ;
  • rigidité hépatique 20-25 kPa et thrombocytes < 150/nl ;
  • rigidité hépatique 15-20 kPa et thrombocytes < 110/nl.

En présence de l’une de ces constellations, l’endoscopie n’est plus nécessaire pour détecter les varices œsophagiennes.

Traitement de l'hypertension portale par bêtabloquants non sélectifs

Depuis plusieurs décennies, les bêtabloquants non sélectifs font partie du traitement standard, le carvédilol et le propranolol étant les plus utilisés. Tous deux réduisent la pression portale mais le carvédilol est un peu plus efficace que le propranolol en raison de son effet bêtabloquant plus puissant. Le carvédilol bloquant en outre les récepteurs α1, il diminue également la résistance vasculaire intrahépatique. Les bêtabloquants non sélectifs ont également un effet bénéfique sur l’inflammation, indépendamment de la réduction de la pression portale.

Les bêtabloquants non sélectifs n’apportent pas seulement un bénéfice dans la prophylaxie secondaire des hémorragies portales mais en prévention primaire de la première décompensation hépatique. Dans ce cas, le carvédilol est également plus efficace. Un traitement au long cours par cette substance permet de réduire le nombre de décompensations chez les patients ayant une cirrhose compensée et d’améliorer la survie.

Commencer par une dose faible, puis l’augmenter

La dose des bêtabloquants non sélectifs doit être augmentée progressivement. On débute par 6,25 mg de carvédilol ou 20-40 mg de propranolol par jour, répartis en deux doses. En l’absence d’intolérance, la dose cible de 12,5 mg pour le carvédilol peut être atteinte après seulement trois jours, et celle de 80-160 mg pour le propranolol par paliers de trois jours. Il faut cesser d’augmenter la dose en cas de pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg ou de fréquence cardiaque inférieure à 55 battements.

En cas de survenue d’un premier épisode d’ascite, un signe de décompensation hépatique, les auteurs recommandent un dépistage des varices par gastro-œsophago-duodénoscopie. Il est recommandé de recourir à des bêtabloquants non sélectifs au plus tard lorsque des varices à haut risque sont mises en évidence (> 5 mm, red colour signs, stade C de Child-Pugh). Si ces derniers n’entrent pas en ligne de compte, la ligature des varices par endoscopie en guise de prévention primaire des hémorragies est une autre option.

Options thérapeutiques en cas d'hémorragie des varices œsophagiennes

La survenue d’une hémorragie de varices œsophagiennes est une indication à la réduction de la pression portale par un traitement aigu. Pour ce faire, on a recours à des médicaments induisant une vasoconstriction splanchnique tels que la terlipressine, voire la somatostatine ou octréotide en alternatives.

La prophylaxie secondaire se fait alors par la combinaison de bêtabloquants non sélectifs et de ligature des varices. Le shunt portosystémique intrahépatique transjugulaire (TIPS) est une option préventive alternative chez les patients à haut risque.