30 août 2024Insuffisance hépatique

Reconnaître et traiter l’hépatotoxicité médicamenteuse

L’atteinte hépatique faisant suite à une hépatotoxicité médicamenteuse est un tableau clinique rare, mais non moins dangereux. En raison des caractéristiques qui se recoupent, ce n’est souvent qu’au cours du traitement qu’on parvient à la distinguer avec certitude de l’hépatite auto-immune.

Illustration d’un foie attaqué par des tonnes de médicaments.
Science Photo Library/ Kon, Kateryna
Près de 50 % des cas d’insuffisance hépatique aiguë sont dus à une DILI.

Annuellement, 14 à 19 personnes sur 100 000 sont touchés par une lésion hépatique induite par un médicament (drug-induced liver injury, DILI).

Malgré sa rareté, cette pathologie a une grande pertinence clinique. Aux États-Unis et en Europe, jusqu’à 50 % des cas d’insuffisance hépatique aiguë peuvent ainsi être attribués à une DILI. En outre, les DILI sont l’une des causes principales de l’arrêt prématuré des études sur les médicaments.

Les différentes entités de la DILI

Dans son travail de synthèse, le Dr Sabine Weber, PD, Clinique LMU, Munich, aborde les différentes entités de la DILI et les principaux diagnostics différentiels (1). Elle distingue la DILI intrinsèque dose-dépendante et prévisible de la DILI idiosyncrasique, ne dépendant pas de la dose et non prévisible.

Alors que la DILI intrinsèque se manifeste dans les heures ou les jours suivant la prise d’un médicament (p. ex. le paracétamol), la DILI idiosyncratique peut être latente pendant des semaines, voire des mois.

Pour diagnostiquer une DILI, les critères suivants doivent être remplis :

  • alanine aminotransférase (ALT) ≥ 5 x limite supérieure de la norme (upper limit of normal ; ULN) ;
  • phosphatase alcaline (ALP) ≥ 2 x ULN ou
  • ALT ≥ 3 x ULN et bilirubine totale ≥ 2 x ULN

Le diagnostic n’est toutefois confirmé qu’après exclusion des autres causes d’atteinte hépatique. Outre l’hépatite auto-immune (HAI), les principaux diagnostics différentiels sont

  • les hépatites virales aiguës,
  • la maladie de Wilson,
  • les hépatopathies cholestatiques chroniques,
  • les lésions ischémiques hépatiques et
  • le syndrome de Budd-Chiari aigu.

Distinction délicate

Il n’est pas toujours possible de distinguer avec certitude une DILI d’une hépatite auto-immune (HAI), surtout au stade précoce de l’atteinte hépatique. Les sociétés spécialisées internationales recommandent une corticothérapie. Alors qu’en cas d’HAI, le traitement doit souvent être poursuivi pendant des années, voire à vie, les corticoïdes peuvent généralement être arrêtés en cas de DILI après normalisation des valeurs hépatiques.

« La distinction entre DILI et HAI n’est donc possible que par l’observation sur le long terme de l’évolution des paramètres hépatiques sous réduction de l’immunosuppression », a expliqué le Dr Weber. En ce qui concerne l’arrêt des corticoïdes, des recommandations sur la rapidité de la désescalade en cas de suspicion de DILI font encore défaut. Il faut donc souvent attendre plusieurs mois, voire années, avant de pouvoir poser un diagnostic définitif.

Dans une étude prospective menée avec ses collègues, elle a constaté que la baisse relative des ALT dans les premières semaines suivant le début d’une corticothérapie était nettement plus rapide en cas de DILI que dans celui d’HAI. Avec un seuil de 9 % de baisse des ALT par jour, une distinction entre les deux pathologies a donc été possible, avec une sensibilité et une spécificité de 77 % chacune.

Une nouvelle entité DILI a été définie récemment

Une nouvelle entité de la DILI a été récemment définie et caractérisée :  la drug-induced autoimmune-like hepatitis (DI-ALH). Il s’agit d’une inflammation hépatique qui a de nombreuses caractéristiques, voire toutes celles d’une HAI – notamment des auto-anticorps positifs, un taux élevé d’immunoglobulines G (IgG) et de résultats histopathologiques typiques de l’HAI, tels que des infiltrats de plasmocytes ou une hépatite de la zone frontière.

Les moyens diagnostiques actuels ne permettent pas une distinction claire entre la DI-ALH et l’HAI idiopathique. Un diagnostic différentiel ne peut donc être posé qu’en se fondant sur les déclencheurs impliqués ou dans le cadre d’un traitement à long terme.

Les déclencheurs typiques d’une DI-ALH sont

  • la dihydralazine,
  • la minocycline,
  • la nitrofurantoïne,
  • la méthyldopa,
  • les statines,
  • l’imatinib et
  • l’infliximab.

En outre, des hépatites d’origine immunologique ont également été rapportées ces dernières années sous inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (checkpoints) et vaccins (p. ex. contre le SRAS-CoV-2).

La DI-ALH, tout comme l’HAI, répond bien aux corticoïdes mais les récidives sont nettement moins fréquentes après l’arrêt de l’immunosuppression. Par rapport aux patients ayant une DILI conventionnelle, les sujets concernés ont toutefois plus souvent une récidive. De plus, ils doivent être plus souvent traités par un immunosuppresseur supplémentaire tel que l’azathioprine ou le mycophénolate mofétil.