12 avr. 2024Microbiote fécal

Recommandations pour le transfert thérapeutique de flore intestinale

La transplantation de microbiote fécal a actuellement sa place dans le traitement des maladies intestinales les plus diverses, à commencer par l’infection récidivante à Clostridioides et le côlon irritable. Mais les preuves du bénéfice de la bactériothérapie sont en généralement lacunaires. Une directive américaine fournit des pistes.

Une nouvelle directive de l'AGA reprend les groupes de personnes qui peuvent tirer bénéfice de la transplantation de microbiote fécal.
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La dysbiose intestinale a des conséquences majeures, notamment en cas d’infections à Clostridioides difficile (ICD).

Elle semble également jouer un rôle dans la pathogenèse de la maladie de Crohn, de la colite ulcéreuse, de la pouchite et du côlon irritable.

Les transplantations de microbiote fécal (TMF) ou l’administration de préparations spéciales à partir de selles de donneurs sains ont pour objectif de restaurer la flore intestinale. Une directive de l’American Gastrointestological Association (AGA) reprend en sept recommandations les groupes de personnes qui peuvent tirer bénéfice de telles mesures.

Pour leur analyse, le Dr Anne Peery, Université de Caroline du Nord, Chapel Hill, et ses collègues ont consulté les données de la littérature pour finalement retenir 66 travaux remplissant leurs critères. Ils précisent néanmoins qu’il s’agit en général d’études de faible envergure. En raison des preuves souvent fragmentaires pour les différentes indications, les auteurs se sont limités à des recommandations « fondées sur des études de moindre niveau de preuve ».

1. ICD récidivantes chez des patients immunocompétents

Chez les patients ambulatoires immunocompétents ayant une ICD récidivante, les experts recommandent le transfert de microbiote fécal après une antiobiothérapie standard. Selon eux, cela peut se faire par transplantation fécale traditionnelle ou par les deux préparations spéciales approuvées par la FDA et commercialisées, Fecal Microbiota Live-Jslm ou Fecal Microbiota Spores Live-Brpk.

Le traitement est en général instauré après la deuxième récidive, c’est-à-dire au cours du troisième épisode. Il peut également être envisagé chez des patients sélectionnées à haut risque de récidive ou d’évolution sévère. Le traitement est indiqué au titre de prophylaxie des récidives, mais pas en tant que thérapie proprement dite. La TMF conventionnelle se fait exclusivement avec des matières fécales de donneur contrôlé.

2. ICD récidivantes chez des patients immunodéficients

Les patients ayant une immunodépression de degré léger à modéré ainsi qu’une ICD récidivante pourraient également tirer bénéfice d’une transplantation fécale classique après une antibiothérapie standard. La condition est qu’ils soient traités en ambulatoire et que l’évolution de la maladie ne soit ni sévère ni fulminante. En ce qui concerne les préparations spéciales Fecal Microbiota Live-Jslm et Fecal Microbiota Spores Live-Brpk, les preuves sont encore insuffisantes pour leur utilisation chez ces patients.

En cas d’altération sévère de la fonction immunitaire, les auteurs des directives déconseillent les thérapies fondées sur le microbiome. Tel est par exemple le cas chez les patients atteints de tumeurs malignes sous traitement cytotoxique, des patients ayant un déficit immunitaire primaire sévère et des personnes infectées par le VIH avec un taux de CD4 < 200/mm3.

3. ICD fulminante traitée en milieu hospitalier

Chez les patients hospitalisés pour une ICD sévère ou fulminante et qui ne répondent pas au traitement antimicrobien, une transplantation fécale conventionnelle peut être envisagée. Une infection à C. difficile est considérée comme sévère lorsque le nombre de leucocytes est ≥ 15 x 109 cellules/l et/ou que la créatinine est ≥ 1,5 mg/l.

La ICD est fulminante si le patient est en état de choc ou s’il a développé un iléus ou un mégacôlon. Il y a contre-indication en cas de perforation intestinale, d’obstruction ou d’altération sévère des défenses immunitaires.

Le bénéfice d’un traitement adjuvant par Fecal Microbiota Spores Live-Brpk ou Fecal Microbiota Live-Jslm en cas d’infection sévère ou fulminante à C. difficile n’a pas encore été documenté. Si le lavage intestinal avant transplantation fécale est impossible ou ne peut être fait en toute sécurité, l’administration peut se faire sans préparation colique.

La première dose de TMF sera administrée par coloscopie ou sigmoïdoscopie flexible. En effet, la coloscopie permet à l’opérateur de confirmer le diagnostic et d’évaluer la sévérité de la maladie. Chez les patients ayant une ICD sévère ou fulminante, les preuves d’un bénéfice d’une administration sous forme de lavement ou de capsule sont encore insuffisantes. Les auteurs des directives déconseillent l’administration par sonde gastrique nasale en raison du risque d’aspiration.

4. Colite ulcéreuse

En ce qui concerne la colite ulcéreuse, de plus en plus de données plaident pour l’efficacité de la transplantation fécale. Néanmoins, les gastroentérologues déconseillent encore son utilisation en dehors des études cliniques tant que d’autres options existent. Des études montrent certes une amélioration de l’induction de rémissions cliniques mais une influence favorable sur le maintien de la rémission dans la durée n’est pas prouvée. En outre, les données relatives à la sécurité dans l’indication de la colite ulcéreuse sont insuffisantes.

5. Maladie de Crohn

En raison de l’insuffisance de preuves, les patients atteints de la maladie de Crohn ne devraient pas être traités par transplantation conventionnelle de microbiote, sauf dans des cas isolés ou dans le cadre d’études, estiment les spécialistes.

En ce qui concerne l’induction de la rémission, ils n’ont trouvé aucune étude randomisée et contrôlée sur ce point. Il n’y a pas non plus de preuve d’un effet favorable sur le maintien de l’efficacité thérapeutique une fois le succès thérapeutique obtenu. En outre, les données sur les effets secondaires sévères, la qualité de vie et le maintien de la rémission par endoscopie font défaut.

6. Pouchite

L’avis de la société spécialisée est encore négatif en ce qui concerne la mise en œuvre de la transplantation fécale dans la pouchite en dehors du cadre d’études. En ce qui concerne l’effet de la TMF conventionnelle chez ces patients, les auteurs n’ont trouvé que deux études de faible envergure selon lesquelles la thérapie est inefficace en termes de maintien de la rémission.

Un autre travail a été interrompu prématurément pour inefficacité. Des recherches supplémentaires devront déterminer si certains patients en tirent éventuellement bénéfice.

7. Colon irritable

En l’état actuel des connaissances, les auteurs déconseillent également le transfert conventionnel de microbiome en dehors de la recherche chez les patients ayant un côlon irritable. Dans ce contexte, des résultats d’études montre aussi l’existence d’une dysbiose intestinale et d’une perturbation de l’axe intestin-cerveau dans la pathogenèse du syndrome du côlon irritable.

Dans les études, la transplantation fécale s’est certes révélée sûre mais la sévérité de la maladie et la qualité de vie n’y ont pas gagné.