26 avr. 2024Une approche off-label et souvent aussi off-data

Traitement systémique de l’ulcère de jambe

L’approche thérapeutique systémique est délicate en cas d’ulcère de jambe veineux. Tous les produits thérapeutiques qui entrent en ligne de compte n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché dans cette indication. De plus, les preuves sont insuffisantes.

Ulcer
Victor Mulero/stock.adobe.com

Cinq substances ou groupes de substances actives sont utilisés dans le traitement systémique de l’ulcère veineux de jambe.

Le Dr Moritz Ronicke, clinique dermatologique, hôpital universitaire d’Erlangen, s’est exprimé sur les données disponibles dans chaque cas (1).

Acide acétylsalicylique

Dans une revue Cochrane de 2016, deux études contrôlées randomisées sur l’AAS 300 mg/j pendant quatre à cinq mois avec ou sans thérapie de compression ont été incluses parmi 62 études disponibles.

Dans l’une d’entre elles, l’AAS s’est montré nettement supérieur au placebo en ce qui concerne le pourcentage de participants ayant obtenu une cicatrisation complète (38 % vs 0 %). La surface de la plaie a diminué de 6,5 cm2 dans le groupe vérum alors qu’elle est restée inchangée sous placebo.

Dans l’autre étude, les taux de cicatrisation complète étaient en revanche équivalents (75 % vs 74 %), mais le temps de cicatrisation a été considérablement réduit sous ASS (12 vs 22 semaines). Aucun effet secondaire n’a été décrit dans les deux études. Les auteurs de la revue Cochrane constatent que les preuves ne sont pas suffisantes pour tirer des conclusions définitives.

Dans une étude de 2017, 150 mg d’ASS/j (jusqu’à 24 semaines) ont donné de moins bons résultats que le placebo. La guérison complète a été obtenue dans 70 % des cas vs 80 % dans le groupe placebo, et il a fallu 77 jours vs 69 jours pour obtenir la guérison. Des effets indésirables ont été rapportés par resp. 40 % et 37 % des participants.

En 2019, un autre ECR avec 300 mg d’ASS/j a donné des résultats tout aussi négatifs :  43 % vs 58 % ont obtenu une guérison sans différence en termes de durée nécessaire. Les taux d’effets secondaires étaient de 52 % sous AAS vs 36 % chez les témoins. En 2021, les chercheurs ont finalement constaté un avantage pour 300 mg d’ASS/j, avec un taux de guérison de 58 % vs 48 % et un taux d’effets secondaires de 11 % vs 19 %.

Doxycycline

En 2012, 100 mg de doxycycline deux fois par jour ont permis d’obtenir une réduction significative de la surface de la plaie et une diminution de la métalloprotéinase-1 matricielle dans les sécrétions de la plaie chez dix patients sans groupe placebo pendant quatre semaines.

En 2015, la substance (20 mg deux fois par jour) a été comparée à un placebo pendant trois mois dans le cadre d’une étude monocentrique en libre accès. Dans les tissus, le sang et l’exsudat de la plaie, l’antibiotique a permis de réduire les concentrations de métalloprotéinase matricielle-9, de facteur de croissance de l’endothélium vasculaire et de lipocaline associée à la gélatinase des neutrophiles. Aucune conclusion n’a été tirée sur la guérison. Pour le Dr Ronicke, cette substance a donc également échoué.

Héparine

En 2015, une étude monocentrique randomisée a comparé la nadroparine (2850 UI, 3 ml/j) à un traitement de fond, avec compression dans les deux cas. Le traitement a duré douze mois, le suivi cinq ans. Une guérison complète a été enregistrée chez 84 % des patients du groupe héparine et 61 % des patients sous traitement de fond.

Fait particulièrement remarquable :  chez les patients de plus de 80 ans, ce taux a même atteint 91 % sous héparine (vs 28 % dans le groupe de comparaison). Par semaine, la surface de la plaie a été réduite de 1,3 cm2 sous nadroparine et de 0,9 cm2 sous traitement de fond. Aucun effet secondaire n’a été décrit. Selon le Dr Ronicke, cela signifie que le traitement est recommandé, même si les données sont insuffisantes.

Pentoxifylline

La pentoxifylline (400 mg trois fois par jour) a fait l’objet d’une revue Cochrane en 2012, avec douze études comparatives. L’évaluation a révélé un net avantage pour le médicament rhéologique. Les auteurs ont calculé un RR global de 1,7, le « risque » étant la chance de guérison complète. Cependant, le traitement s’accompagnait de plus d’effets secondaires (RR 1,65), principalement de nature gastro-intestinale.

Et en 2021, une analyse de huit études a montré qu’une thérapie par compression permettait d’obtenir un effet comparable à celui de la pentoxifylline. Dans la revue Cochrane, le dérivé de la xanthine a toutefois été nettement plus efficace sans compression que le placebo ou l’absence de traitement (RR 2,25), de sorte que la substance peut être considérée comme globalement positive.

Statines

En 2014, la simvastatine 40 mg/j a fait disparaître nettement plus d’ulcères que le placebo dans une étude, et cela sans augmentation des effets secondaires (72 % vs 32 %, toujours avec compression). Le délai de cicatrisation était également plus court (6,7 vs 8,4 semaines) et la réduction de la surface de la plaie plus importante (28,9 cm2 vs 19,6 cm2).

En 2022, une analyse de sous-groupe de trois études a montré que davantage de participants ont obtenu une guérison complète sous statine (64,5 % vs 56,5 %). La différence est devenue significative après ajustement sur des variables telles que l’âge, le statut diabétique ou la taille de l’ulcère. En résumé, le Dr Ronicke conclut également que les statines sont à privilégier en cas d'ulcère de jambe veineux.