9 févr. 2024Pour une évolution optimale après une intervention coronarienne

Le point sur l’inhibition plaquettaire chez le patient âgé

Après une angioplastie transluminale percutanée coronarienne, on se trouve confronté au dilemme du choix d’un traitement antiagrégant plaquettaire, sachant que la double inhibition plaquettaire est associée à un risque hémorragique accru – les seniors étant particulièrement à risque. Une adaptation du traitement peut être indiquée.

Comparaison de l'intervention coronarienne percutanée (ICP) pré-post au niveau de l'artère descendante antérieure gauche (LAD) proximale et moyenne avec un stent à élution médicamenteuse (DES)
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L’implantation d’un modèle récent de stent à élution médicamenteuse (ici dans le rameau interventriculaire antérieur de l’artère coronaire gauche) permet de réduire nettement la durée de la double inhibition plaquettaire.

Différentes stratégies ont été évaluées pour réduire le risque d’hémorragies sous double inhibition de l’agrégation plaquettaire (DAPT) pour une angioplastie transluminale percutanée (ATP). L’une d’entre elles est l’arrêt précoce de l’inhibiteur du récepteur de la P2Y12 avec poursuite de l’AAS en monothérapie. Selon trois études, la désescalade précoce ne présente pas inconvénient.

Stratégies de désescalade

Dependant, un autre travail a montré un taux d’infarctus plus élevé sous une DAPT de six mois par rapport à une DAPT de 12 mois. Dans leur étude de synthèse, le Pr Mila Kovacevic, Université de Novi Sad, et ses coauteurs ont par conséquent passé en revue des études évaluant différentes stratégies de désescalade (1). Il en ressort des divergences en termes de risque hémorragique et de stratégies évaluées. Une étude a ainsi montré une absence de réduction du risque hémorragique chez les patients de plus de 75 ans, alors qu’une méta-analyse a mis en évidence une tendance à une diminution de ce risque.

Arrêter l’acide acétylsalicylique en poursuivant l’inhibiteur du P2Y12 est une autre option de désescalade. Dans une analyse de sous-groupe de l’étude TWILIGHT3 portant sur plus de 3000 patients d’au moins 65 ans, la monothérapie par ticagrélor a permis de réduire l’incidence des hémorragies cliniquement pertinentes par rapport au DAPT. Il n’y a pas eu d’augmentation de la mortalité globale ainsi que du taux d’infarctus et d’AVC. Une autre étude a montré que sous clopidogrel le raccourcissement de la durée de la DAPT permet certes de prévenir les hémorragies sévères, mais au prix d’une augmentation des infarctus.

Dans le syndrome coronarien aigu (SCA), une troisième option de désescalade consiste à passer à un inhibiteur du P2Y12 moins puissant en poursuivant la bithérapie. Le fait que le risque d’ischémie soit le plus élevé au cours du premier mois post-ATP et qu’il diminue ensuite de manière exponentielle plaide en faveur de cette solution. En revanche, le risque d’hémorragie reste constant. Dans l’étude TOPIC, le passage du prasugrel ou du ticagrélor au clopidogrel a eu lieu un mois après le début de la DAPT. Le critère d’évaluation primaire englobait divers événements vasculaires. Ces derniers ont été moins fréquents sous l’inhibiteur du P2Y12 de plus faible puissance en raison de la baisse du taux d’hémorragies.

Désescalade fondée sur le test de fonction plaquettaire

Passer du prasugrel au clopidogrel en se fondant sur le test de la fonction plaquettaire (TFP) peut également être pertinent, a montré l’étude TROPICAL-ACS, dont les participants ont été randomisés entre le prasugrel et le clopidogrel, seules les personnes ayant une inhibition plaquettaire suffisante restant dans le bras clopidogrel. L’évaluation n’a pas montré de différence en termes d’ischémie et d’hémorragie. Ainsi, la désescalade guidée par la PFT pourrait représenter une bonne alternative chez les patients âgés lorsqu’une DAPT incluant un inhibiteur du P2Y12 puissant de douze mois n’est pas envisageable.

Une autre approche consiste à réduire la dose d’un inhibiteur du P2Y12 de haute puissance. Dans une étude randomisée, des patients sous une DAPT standard pour un SCA ont reçu 5 ou 10 mg de prasugrel un mois après l’ATP. L’étude a évalué l’effet de ce changement sur la mortalité globale, les taux d’infarctus et d’AVC, le taux de nouvelles revascularisations et le taux d’hémorragies pertinentes un an après l’ATP. Ce critère d’évaluation primaire a été atteint significativement moins souvent dans le groupe sous faible dose (7,2 % vs 10,1 %). Ces résultats ont été largement influencés par la réduction des hémorragies.

Une autre option de désescalade est en rapport avec les stents. Les modèles récents de stents à élution médicamenteuse (Drug-eluting-Stents, DES) permettent de raccourcir considérablement la durée de la DAPT et sont par conséquent désormais préférés chez les patients âgés. Plusieurs études ont montré leurs bénéfices par rapport aux stents métalliques. L’une d’entre elles est l’étude SENIOR qui a porté sur des patients ≥ 75 ans qui, après l’implantation d’un DES en polymère résorbable, ont reçu une double anti-agrégation d’une durée d’un mois chez les patients atteints de syndrome coronarien chronique (SCC) ou de six mois chez les patients ayant un SCA.

Le DES a permis de réduire la mortalité globale ainsi que le taux d’infarctus et de revascularisations du vaisseau cible par rapport aux stents métalliques (rapport de risque de 0,71) sans augmentation des hémorragies. D’autres travaux ont même montré une nette réduction des hémorragies sévères sous une double inhibition plaquettaire d’une durée d’un ou de trois mois.

Le risque hémorragique décisif pour la stratégie médicamenteuse

Pour la pratique, les auteurs recommandent un traitement antiplaquettaire après une ATP ou l’implantation d’un DES chez les patients de ≥ 75 ans, en fonction du type de trouble. En cas de SCA, le traitement débute par une DAPT à base d’ASS plus ticagrélor ou prasugrel. Lorsque le risque ischémique l’emporte sur le risque hémorragique, le patient reçoit la double combinaison pendant un an.

Dans la constellation inverse – une tendance prédominante aux hémorragies – les auteurs passent d’abord au clopidogrel, un inhibiteur du récepteur P2Y12 de plus faible puissance, après un mois de DAPT. Six mois après l’ATP, ils passent à une monothérapie par un inhibiteur du P2Y12.

Lorsque les risques hémorragiques et ischémiques sont équivalents, le traitement fait appel à l’ASS combiné au ticagrélor ou au prasugrel au cours des six premiers mois. Pour les six mois suivants, on passe à une monothérapie par un inhibiteur du P2Y12 ou par ASS.
Les patients atteints de SCC recevront en premier lieu de l’ASS plus du clopidogrel. En cas de risque hémorragique prédominant, la DAPT est arrêtée après quatre semaines et suivie de onze mois de monothérapie par un inhibiteur du P2Y12 ou par l’acide acétylsalicylique. En cas de SCC, lorsque le risque ischémique prédomine, la DAPT est arrêtée après six mois, suivie d’une monothérapie par ASS seul pour une durée de six mois.