7 mars 2024Mort subite cardiaque chez le sujet jeune et le jeune sénior

Interpréter correctement les signes avant-coureurs

La mort subite d’origine cardiaque n’est souvent pas aussi soudaine qu’on pourrait le penser. En effet, la plupart de ces personnes sont atteintes d’une maladie cardiaque passée inaperçue jusque-là. En interprétant correctement les signes avant-coureurs, on peut faire beaucoup pour les patients à risque.

EKG Kardiogramm
wikimedia/Cardionetworks
ECG d’un syndrome de Brugada de type 1, une maladie héréditaire autosomique dominante qui provoque des tachycardies ventriculaires paroxystiques pouvant aller jusqu’à la fibrillation ventriculaire, avec mort subite souvent très précoce.

Si l’on prend l’exemple allemand, l’incidence de la mort subite d’origine cardiaque serait d’environ 81 cas pour 100 000 personnes. 39 % de ces personnes décèdent entre 15 et 65 ans.

Chez les jeunes patients, la cause est très souvent une maladie cardiaque héréditaire qui, détectée à temps, peut en principe être traitée. Le Dr Britt Beckmann, Institut de médecine légale, Université Goethe, Francfort, et ses collègues en donnent un aperçu en mettant en particulier l’accent sur les arythmies d’origine génétique (1).

La cardiomyopathie est une cause fréquente chez les jeunes

Même si nombre de ces personnes décèdent d’une mort subite d’origine cardiaque alors qu’elles semblent en parfaite santé, il est possible de mettre en évidence une maladie cardiaque sous-jacente chez certaines d’entre elles. Alors que la coronaropathie est en cause dans 75 à 80 % des cas chez la personne âgée, chez les moins de 35 ans, c’est une cardiomyopathie qui est impliquée dans environ 16 % des cas. Dans cette tranche d’âge, la cause reste toutefois inexpliquée dans environ 40 % des cas.

  • Des troubles du rythme héréditaires primaires jouent alors probablement un rôle. Il s’agit notamment
  • du syndrome du QT long,
  • du syndrome de Brugada,
  • du trouble progressif de la conduction cardiaque,
  • de la tachycardie ventriculaire polymorphe catécholaminergique, encore appelée tachycardie ventriculaire catécholergique, plus rare, et
  • des syndromes du QT court.

Ces troubles sont généralement dus à des dysfonctions des canaux ioniques, ce qui entraîne des arythmies subites, parfois en présence de facteurs externes supplémentaires.

Outre les troubles du rythme héréditaires primaires, il existe des cardiopathies arythmogènes structurelles, dont certaines cardiomyopathies telles que la forme hypertrophique, la forme arythmogène ou la forme dilatée familiale.

Les anomalies coronariennes ou la coronaropathie peuvent également être d’origine héréditaire. Dans ces maladies héréditaires, la mort subite cardiaque s’explique en général par une tachycardie ventriculaire soudaine avec fibrillation ventriculaire et finalement asystolie. Des facteurs externes – troubles électrolytiques, stress, certains médicaments, ischémie ou fièvre – sont souvent déterminants.

Investiguer minutieusement

Dans l’optique d’un dépistage précoce, des investigations diagnostiques minutieuses sont conseillées en présence de symptômes suggérant une origine cardiaque. Les signes d’alerte sont les crises convulsives sans résultats EEG congruents ou les syncopes probablement d’origine arythmogène, en particulier après des déclencheurs tels qu’un stress soudain, un plongeon dans l’eau froide ou un son strident.

L’insuffisance cardiaque ou la nécessité d’un stimulateur cardiaque chez les moins de 50 ans doivent également faire évoquer une cardiopathie héréditaire. Il en va de même en cas d’anamnèse familiale de morts subites inexpliquées, telles que les accidents de la route inexpliqués, les noyades ou la mort subite du nourrisson.

Des investigations minutieuses, comprenant un ECG à 12 dérivations au repos ou un ECG d’effort, peuvent être indicatives. Selon la maladie causale, certaines modifications de l’ECG, parfois intermittentes, sont typiques, même chez les patients asymptomatiques. Un holter cardiaque, une échocardiographie et, le cas échéant, une IRM complètent l’examen.

La cardiogénétique permet souvent d’évaluer le risque individuel

Sur le plan diagnostique, la cardiogénétique, qui s’est considérablement développée au cours des deux dernières décennies, permet d’aller plus loin. Elle permet souvent d’évaluer le risque individuel et de choisir un traitement personnalisé. L’analyse génétique fait désormais partie des investigations diagnostiques de routine en cas de maladie probablement d’origine héréditaire avec un risque accru d’arythmie fatale. Les technologies de séquençage de nouvelle génération permettent de tester simultanément de nombreuses mutations génétiques entrant en ligne de compte.

Pour pouvoir évaluer l’ensemble des options potentielles, il faut l’expertise d’un centre spécialisé. En outre, le diagnostic génétique devrait être exclusivement ciblé pour éviter les surdiagnostics. On part alors du principe selon lequel les troubles du rythme héréditaires ont moins une origine monogénique qu’une origine poly- ou oligogénétique. Certains résultats ne permettent pas seulement de confirmer le diagnostic, mais contribuent même à la prise de décision thérapeutique.

Toutefois, le diagnostic génétique est loin de permettre d’identifier sans équivoque une telle maladie chez chaque patient. C’est la raison pour laquelle un examen clinique et cardiologique approfondi reste indispensable. Seule la synthèse des résultats permet de formuler des recommandations prophylactiques ou thérapeutiques. Celles-ci vont de l’évitement des facteurs déclencheurs connus à la transplantation cardiaque, très rare, en passant par l’ajustement médicamenteux et l’implantation d’un stimulateur cardiaque.